Postes européennes : les bénéfices de la concurrence
Depuis le 1er janvier 2003, les Postes nationales européennes ont perdu le monopole dont elles jouissaient pour l'acheminement à l'international du courrier de plus de 100 grammes (ou dont l'affranchissement dépasse trois fois celui d'une lettre standard). La Poste française doit désormais rivaliser avec des compétiteurs sur le segment du courrier international en partance de l'Hexagone. Comment tirer parti de cette nouvelle donne ?
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L'avènement progressif d'un marché postal unifié incite les opérateurs
européens présents depuis quelques années dans l'Hexagone à fourbir leurs
armes. Les Postes allemande, suisse, néerlandaise et britannique disposent de
structures commerciales dont l'objectif n'est autre que de capter une partie
des flux postaux internationaux générés par des sociétés françaises. Un enjeu
majeur pour La Poste, puisque les entreprises utilisatrices du mailing
représentaient près de 12 % de son chiffre d'affaires courrier en 2002, soit
1,2 milliard d'euros. Les principaux opérateurs européens en France sont
Spring (joint venture entre le Hollandais TPG via sa filiale TNT
International, le Britannique Consignia - ex-British Post Office -, et
Singapore Post), Swiss Post et l'allemand Deutsche Post. Tous ces acteurs
travaillent en repostage et en injection directe. La première technique
consiste à concentrer les flux sur un centre principal (par exemple Francfort
pour Deutsche Post, Genève pour Swiss Post) pour le redistribuer vers le pays
de destination selon la formule du ABC (A pour pays d'origine, B pour pays de
transit et C pour pays de destination). « Par rapport à un acheminement
direct, le prix est souvent plus attractif puisqu'il peut générer des économies
de l'ordre de 15 à 20 % sur certaines destinations », estime Florence Joachin,
directeur général de Spring. Mais il faut mettre cet atout en balance avec les
inconvénients de la formule : délais allongés, risques de retard, de rupture de
charge ou de fausse direction. Ou encore flamme différente de celle du pays du
départ ou de destination.
Injection directe, look local
Seconde formule, en plein développement, le ABB. Le pli
prend la normalisation du pays B, pays de destination, et affiche ainsi un
look local qui facilite en principe l'approche du prospect. A moins que la
francité ne soit un atout constitutif du produit, comme c'est le cas pour les
marques du secteur du luxe. On imagine mal les marques Guerlain et Dior
renoncer à la flamme française ! Fondée sur les conditions commerciales
locales, l'injection directe suppose un minimum de dépôts qui varient selon les
pays. Elle n'est pas exempte de contraintes techniques : il faut prévoir un
temps de préparation pour les différentes normalisations nationales et le tri
des plis. Enfin, la formule n'est accessible qu'à condition de fournir un
nombre minimal de plis, variable selon les pays. Son coût dépend également des
conditions locales, plus ou moins attractives selon les destinations. Il est,
en revanche, interdit de pratiquer le ABA (captation d'un trafic local par un
opérateur tiers). Comme cette entreprise française qui avait acheminé depuis
l'Hexagone (donc avec une flamme française) des plis dont les enveloppes
mentionnaient l'adresse de la filiale allemande. Interceptés par l'opérateur
local, les messages ne sont pas arrivés. Quelle que soit la formule choisie
(repostage ou injection directe), le tarif varie selon le délai, le poids
unitaire du pli et les quantités confiées. « La différence de coût entre le
prioritaire, qui achemine le courrier en trois à cinq jours, et l'économique
n'est que de 10 %. Mieux vaut privilégier le prioritaire au moment des fêtes de
fin d'année », conseille Florence Joachin. Le degré de rapidité inhérent au
tarif choisi n'est pas la seule façon d'optimiser les délais d'acheminement. «
Plus le client est capable de nous livrer un mailing prêt à partir, plus cela
ira vite. On peut gagner de 24 à 48 heures si le courrier arrive déjà affranchi
et trié par destination », explique-t-elle. Un conseil à suivre en période de
trafic intense ! A contrario, des normalisations imprécises, l'absence de
mention du pays de destination, des adresses qui bavent sur le film plastique
retentiront sur les délais et la qualité de la distribution.
Les atouts des "petits"
Dotés de petites structures, les opérateurs
jouent la carte de la souplesse et de la réactivité. Chez Spring, les devis
sont prêts dans les douze heures. « Quelles que soient la situation et la
taille de l'entreprise cliente, elle dispose toujours d'un contact
personnalisé chez nous. Un simple coup de fil à cette personne permet de
programmer des enlèvements, la préparation de bordereaux pré-imprimés qui
serviront de base à la facturation, ou encore l'envoi de cartons pour les plis
», affirme la directrice de Spring. Même souplesse d'un point de vue
commercial : « Nous ne pratiquons pas d'engagements contractuels à l'année. On
peut nous demander ponctuellement des devis sur un ou deux pays »,
poursuit-elle. Un positionnement qui a évidemment l'intérêt d'inciter à l'essai
Pour prendre leur part de gâteau, les Postes d'origine étrangère, implantées
en France, jouent la carte des services gratuits ou non, spécialement marketés
pour les acteurs du marketing direct. Spring propose un service réponses dans
le pays étranger qui permet d'optimiser le taux de retour, grâce à
l'apposition sur le coupon-réponse d'une adresse locale gérée par l'opérateur.
Les coupons collectés sont ensuite renvoyés chez l'annonceur. La gestion des
NPAI est facilitée par un rapatriement systématique des plis non distribués,
accompagnés du motif de non-distribution. Enfin, le service logistique vient
chercher gratuitement les plis chez l'annonceur. « Si vous n'êtes pas équipés
pour affranchir et trier vos plis, nous pouvons réaliser ces opérations pour
votre compte », indique Florence Joachin. Même positionnement chez Swiss Post
qui propose également des enlèvements à domicile, l'affranchissement et le tri
sur son centre de Chassieu (69) avant le départ des plis pour Genève pour un
dispatching, en repostage, via le réseau international de l'opérateur.
L'injection directe est pratiquée, elle, depuis la France avec le choix entre
une flamme suisse qui peut être personnalisée (logo client, thème de la
campagne de communication) ou celle du pays de destination. L'opérateur
propose de mesurer gratuitement le délai de distribution pour les mailings
comportant au minimum 25 000 exemplaires (ou moins, moyennant une
participation) à destination de la Suisse, de l'Allemagne, de l'Autriche, etc.
La mesure est réalisée en ajoutant des adresses de contrôle au fichier
utilisé. Chez Deutsche Post Global Mail, le service lui-même débute en amont de
la prestation d'acheminement puisque DPGM France dispose d'un centre de
compétences en marketing direct situé en Allemagne. Parmi ses ressources
figurent la location de fichiers, la conception, l'adaptation et la
fabrication de la campagne et le montage du plan médias. «Toutes nos cotations
sont établies sur mesure en fonction du nombre d'envois, de leur format et de
leur poids, et des pays distribués », déclare Bernard Buisson, directeur
général de Deutsche Post Global Mail France L'opérateur d'origine allemande
mise avant tout sur la qualité de service et les délais, qui peuvent être
améliorés par l'automatisation. « Le taux de traitement automatique du
courrier atteint 90 % chez nous, contre 60 % à La Poste », poursuit-il. Pour
le courrier international, l'option prioritaire affiche une fourchette de
trois à huit jours. Côté prix, chaque opérateur d'origine étrangère se déclare
davantage compétitif dans son pré carré. Mais il arrive, concurrence oblige,
que La Poste propose des prix plus attractifs pour un mailing à destination
étrangère que pour un envoi national.
La Poste investit le marketing direct
La Poste française se bat elle aussi sur le
terrain du service, pas souvent gratuit, si l'on en croit ses clients et
prospects. Sa stratégie ? « Couvrir toute la chaîne de valeur du courrier MD,
de la fourniture de bases de données à la gestion des retours via Post Réponse
en passant par l'envoi et le ciblage », explique Catherine Epstein, directrice
marketing à la Direction du courrier. Toutes les formes de courriers peuvent
être traitées : papier, électronique et combinaisons mixtes. Lancée en janvier
2002, sa filiale Maileva résume, à elle seule, l'ambition de l'opérateur de
capter le marché du courrier commercial. En se connectant au site
www.maileva.com, il est possible de gérer un mailing papier ou électronique, de
la conception jusqu'à l'acheminement et la gestion des retours, en passant par
la location d'adresses et la fabrication. L'innovation a déjà séduit plusieurs
milliers de clients PME et entreprises en réseau. Pour mieux répondre aux
besoins spécifiques des différents secteurs d'activité utilisateurs du
marketing direct, une nouvelle organisation commerciale par marché (VPC, grande
distribution, grande consommation, services, banque-assurance), a été mise sur
pied, avec l'arrière-pensée de concocter, dans un futur proche, des offres
particulières pour chacun d'entre eux. Les entreprises de vente à distance
disposent d'ores et déjà d'une tarification ad hoc pour l'envoi de catalogues
pesant entre 350 g et 3 kg. Enfin, le système de télévente a récemment été
redéployé et permet dorénavant aux PME de commander à distance (téléphone et
Internet). Côté offre de fichiers, outre la prestation de ciblage Post Cible
disponible sur des fichiers de particuliers (218 critères de sélection au
total), La Poste propose des listes d'entreprises. Parmi les nouveautés,
figurent le fichier des nouveaux voisins, utilisé par le ministère de
l'Intérieur pour inciter les électeurs, ayant récemment changé de domicile, à
s'inscrire sur les listes électorales de leur nouvelle mairie et bientôt, en
2004, celui des entreprises ayant déménagé. Son ambition est également de
permettre à une frange de petits professionnels et de collectivités, telles les
mairies, d'accéder aux outils du marketing direct. Une offre packagée sur
l'ISA et en publicité adressée (prêt à déposer) devrait voir le jour en mai
prochain. «Cinquante pour cent de ces acteurs ont des fichiers clients, dont le
nombre d'adresses dépasse souvent le millier », justifie Catherine Epstein.
Cette même cible devrait aussi être tentée par la possibilité, offerte à
partir du lundi 8 dé-cembre 2003 sur www.laposte.fr, de personnaliser le
timbre avec son logo.
Encore des rigidités à surmonter
Si l'on en croit les utilisateurs, cette volonté de réforme n'a pas encore pu
moderniser l'ensemble des pratiques, notamment sur le marché ouvert à la
concurrence, le courrier international dont le poids excède 100 grammes. « Les
opérateurs étrangers qui ont un grand sens commercial vendent une prestation de
services. La Poste vend un timbre », résume un responsable routage en agence.
Rien ne serait simple à La Poste. «La location d'adresses est sous-traitée, on
perd du temps », regrette un annonceur, qui dénonce également la rigidité de
la structure tarifaire. « Les seuils pratiqués imposent des contraintes de
volumes », ajoute- t-il. En pratique, la tarification internationale,
instituée en avril 2001, se subdivise en deux catégories. La première concerne
les envois ponctuels traités dans le cadre de la gamme Access (10, 30 et 100
kilogrammes de courrier). Les demandes récurrentes font, elles, l'objet d'une
cotation dans le cadre d'un contrat annuel, avec au moins trois dépôts
représentant globalement un montant minimal de 4 075 euros. Enfin, en cas de
retard de distribution, s'il est possible d'obtenir une compensation avec les
opérateurs européens, La Poste, pour sa part, ne voudrait rien entendre
Marché postal européen : les principales échéances
Jusqu'au 31 décembre 2005, la Poste française détient un monopole sur le courrier international pour les plis dont le poids unitaire est inférieur à 100 grammes. A partir du 1er janvier 2006, le marché des plis de plus de 50 grammes ou dont le tarif dépasse de deux fois et demie le timbre de base deviendra lui aussi concurrentiel. L'ouverture totale du marché postal pourrait intervenir au plus tôt en 2009, après que la Commission Européenne ait donné son feu vert.
Comment choisir son prestataire ?
L'économie d'un mailing repose sur plusieurs paramètres à optimiser globalement parmi lesquels figure le coût du timbre. Mais il faut aussi prendre en compte la fabrication et le transport le cas échéant. Exemple : une entreprise de vente à distance met en place une importante campagne européenne. Elle fait fabriquer tous ses messages de façon centralisée en France, avant de les acheminer par transporteur dans les pays de destination où ils seront affranchis avec une flamme locale. « Dans ce cas, les économies d'échelle sur la fabrication paient le transport », résume Etienne Demouy, responsable du routage et de la personnalisation chez ETO. Sachant qu'il est également possible, via certains opérateurs, d'affranchir depuis la France avec des flammes locales européennes. Faut-il confier tous ses plis à un seul opérateur pour bénéficier d'économies plus importantes ? Un prestataire donné offre rarement la même qualité de service sur toutes les destinations et le coût global ne sera pas toujours plus bas. Mieux vaut combiner des configurations mixtes, « en consultant la Poste du pays de destination, qui offre en principe les tarifs les plus avantageux », confie Etienne Demouy. Les différences de prix sur le coût de la flamme elle-même ne sont pas très importantes, D'où l'intérêt de faire jouer la concurrence sur le service gratuit. Comme le renvoi rapide des NPAI qui permet de tenir à jour son fichier et la collecte directe dans l'entreprise (l'opérateur vient chercher les plis, les affranchit et les trie). Ou encore du conseil gratuit en marketing direct.
La Poste, killer de NPAI
« Un retour pour motif de non distribution coûte 1 euro au client et 60 centimes d'euro à La Poste », estime Catherine Epstein, directrice marketing à la direction du courrier de La Poste. Aussi cette dernière offre-t-elle aux entreprises des référentiels leur permettant de nettoyer leurs fichiers. Et incite les gros annonceurs à soigner la qualité de leurs adresses via le tarif Tempost. Le principe ? En contrepartie du respect des normes EVA et de contraintes de routage, cette cible de plus de 300 entreprises bénéficie d'un tarif plus attractif pour les envois dans l'Hexagone, d'un engagement sur le délai de distribution et d'un retour d'information sur le processus d'acheminement. Côté clients, la logique se résume ainsi : mieux on prépare sa commande, plus on a des volumes, moins on paie cher à l'unité !.