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Librairie/ Le livre lu, un marché d'offre, mais jusqu' à quand?










Pionnier sur le marché du “livre sonore”, Livraphone distribue 3 000 références via trois canaux complémentaires. Et, dans un avenir immédiat, mise sur le MP3 pour alléger un modèle économique très contraignant.

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Trois mille références dont trois cents en tant qu'éditeur (trente à quarante nouveaux titres édités par an), pour un volume global annuel de ventes fluctuant entre 80 000 et 100 000 exemplaires : Livraphone, maison créée en 1986, figure parmi les pionniers du livre sonore, également appelé livre lu. Un marché partagé par des éditeurs spécialisés (Thélème, VDB, Frémeaux, Le Livre Qui Parle, Livrior) ou généralistes, comme Gallimard qui vient de lancer un catalogue de 25 titres. Cible visée : les personnes à vue déficiente, mais également les “lecteurs nomades”, amateurs souhaitant pouvoir prolonger à tout instant, dans leur voiture, ou chez eux, l'agrément que leur procure la littérature. La distribution des produits édités par Livraphone repose sur un réseau externe de librairies généralistes (Fnac, libraires indépendants) et de revendeurs on line (Amazon, Alapage…). « Récemment encore, 80 % du chiffre d'affaires était porté par les libraires. Aujourd'hui, leur part a été ramenée à 40 % », explique Arnaud Mathon. Le président-fondateur de Livraphone, qui souhaiterait pouvoir rapatrier en interne l'ensemble des canaux de distribution, envisage la distribution externe comme un mal nécessaire. « Non seulement les libraires, dans leur grande majorité, ne font rien pour le livre sonore, mais en plus, ils nous retournent tous les invendus. » Quant au chiffre d'affaires réalisé avec ses propres ressources de distribution, Livraphone le partage entre trois canaux complémentaires : son magasin du XVe arrondissement de Paris, (30%), le site web livraphone.fr (30%), le catalogue adressé deux fois par an à l'ensemble de la clientèle (30%).

Coût de fabrication d'un livre : 10 000 euros


Pour l'heure, le livre audio demeure en France un marché d'offre. Mais l'émergence conjuguée de nouveaux intervenants et des nouvelles technologies pourrait changer la donne. Produire un livre coûte environ 10 000 E et nécessite quinze jours de travail pour le comédien et les techniciens. « Avec un seul studio, il nous aura fallu dix ans pour sortir 300 titres, constate Arnaud Mathon. C'est pourquoi je ne pense pas que l'édition de livres sonores soit rentable pour un éditeur print qui déciderait d'ajouter cette activité à son cœur de business. Je ne vois pas comment Gallimard peut gagner de l'argent avec un catalogue de 25 titres. » Aux répercussions des coûts de fabrication s'ajoute une TVA à 19,6 % (contre 5,5 % pour le livre). Le format CD oblige les amateurs de livres lus à débourser en moyenne de 30 à 35 euros pour une référence. L'apport du MP3 (gravable sur CD ou téléchageable en ligne) pourrait, à cet égard, avoir un effet détonateur pour le développement du marché. Exemple avec VDB, autre éditeur du marché, qui, en compressant à 192 kbits/seconde, sort “L'arbre de vie” de Christian Jacq, sur deux CD MP3 vendus 22 euros. Auparavant, le livre était disponible en douze CD, pour un prix à la vente de 52 euros. Il y a deux ans, suite à l'incendie ayant anéanti le stock des Belles Lettres, Livraphone a renoncé au support cassette. Les livres sonores sont enregistrés sur compact disc. Une galette de CD peut mémoriser le contenu de 30 pages d'un livre de poche. L'enregistrement de 300 pages nécessite donc l'édition de dix CD. « Grâce au MP3, nous allons pouvoir proposer des livres à des tarifs nettement plus abordables, au même prix que les livres papier. Un lecteur MP3 coûte environ 50 euros. L'achat est rentabilisé avec deux ou trois livres », affirme Arnaud Mathon. Le prochain catalogue, en novembre, proposera une quarantaine de titres sous format MP3.

Points clés


‘ Livraphone, créée en 1986, a un volume global annuel de ventes situé entre 80 000 et 100 000 ex. ‘ La distribution des produits édités par Livraphone repose sur un réseau externe de librairies généralistes, représentant aujourd'hui 40 % du chiffre d'affaires. ‘ Les livres lus sont enregistrés sur compact disc. Une galette de CD mémorise le contenu de trente pages d'un livre de poche. ‘ Le prochain catalogue proposera une quarantaine de titres sous format MP3. L'achat d'un lecteur MP3, 50 euros environ, est rentabilisé avec deux ou trois livres.

France Loisirs, vingt ans après


France Loisirs récidive. Vingt ans après s'être essayé au livre audio sous format K7, la filiale de Bertlesmann propose, depuis décembre 2003, une offre de textes enregistrés sur CD. Présente sur le site web du club, mais aussi sur son catalogue papier tiré à 4 millions d'exemplaires et dans ses 200 points de vente, la gamme de dix références aurait d'ores et déjà trouvé son public, générant un chiffre d'affaires supérieur de 20 % aux objectifs fixés. France Loisirs espérant pouvoir réaliser dès la première année avec cette nouvelle activité 1 % du CA de la librairie. Bertelsmann n'a pas voulu négliger en France un segment qui affiche dans ses autres marchés nationaux des revenus non négligeables (plus de 3 % de l'activité livres en Allemagne). Pour sa part, Gallimard a décidé de lancer une quarantaine de titres par an, pour des tirages variant entre 2 000 et 3 000 exemplaires, avec un important soutien publicitaire.

Muriel Jaouën

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