Les nouvelles approches relationnelles du Tourisme
Voyagistes, responsables d'Offices de Tourisme, dirigeants de chaînes hôtelières, tous sont formels : le tourisme d'hier n'est en rien comparable à celui d'aujourd'hui. Des consommateurs avertis, disposant d'un choix plus large entre les professionnels du secteur, ont contraint les prestataires à réviser leur copie. Les outils de prospection et de fidélisation de la clientèle d'hier auraient-ils fait long feu ?
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En matière de tourisme, les parcs de loisirs forment à eux seuls une
catégorie distincte du monde de l'hôtellerie et des tours opérateurs. Ils
n'attirent pas la clientèle avec une simple offre d'hébergement sur un site ou
par une destination à un prix attractif, mais proposent tout un univers qui
comprend parfois l'animation, la restauration et des capacités de couchage. Il
découle de cela une démarche marketing différente de celle observée dans le
tourisme plus "traditionnel". Or ce dernier a connu bien des modifications ces
vingt dernières années. L'Organisation mondiale du tourisme prévoyait, à la fin
des années 90, un taux de progression annuelle de l'ordre de 4 % en matière
d'arrivées touristiques pour 12 % de progression des recettes. Un phénomène qui
témoigne de l'ascendant pris par la qualité sur la quantité. Le touriste
rapporte donc de plus en plus. Corollaire de cela : la nécessité de s'assurer
une clientèle importante et régulière mais surtout de la faire revenir, bref,
de la fidéliser.
PROSPECTION TOURISTIQUE : ILLUSOIRE OU EFFICACE ?
En matière de marketing direct, les tours opérateurs se font
tirer l'oreille lorsqu'il s'agit d'évoquer les outils utilisés pour s'attirer
une clientèle. Chez Dégriftours, Sylvie Lemerlu, responsable marketing édition,
avoue sans détours que la prospection de la clientèle de la société n'est pas
assurée par Dégriftours. « Nous ne faisons rien en matière de prospection. Ce
sont les clients qui viennent vers nous. Notre marque est connue et
suffisamment forte pour inciter les gens à nous contacter. Concernant les
raisons qui sont à l'origine de leur démarche, nous retrouvons une constante
qui est le prix. En second lieu, on trouve la quantité d'offres et le grand
nombre des destinations, même si certaines gardent toujours la vedette dans les
comportements des touristes. En outre, nous bénéficions de la grande confiance
exercée par la commande en ligne et l'engouement qu'elle suscite. » Le discours
tenu chez Pierre & Vacances est sensiblement le même, puisque Florence Moutet,
responsable du marketing direct, reconnaît que la prospection de la clientèle
Pierre & Vacances est faite par le biais de la publicité grand public et non
par des actions de marketing direct. Un positionnement qui diverge de celui du
directeur marketing grand public de Havas voyages, Pierre-Xavier Bécret. « Je
trouve ridicule de parler de programme de fidélisation sans évoquer la
prospection de la clientèle. L'un ne va pas sans l'autre, même si un phénomène
de mode consiste effectivement à le dire. En matière de recrutement, il est
exact que nous ne louons pas de fichiers dont la qualification pourrait être
aléatoire et donc sans véritable intérêt. En revanche, nous communiquons
beaucoup par le biais des grands médias en y intégrant du marketing direct,
comme cela fut le cas lors de notre dernière grosse campagne d'affichage, dont
les visuels contenaient le numéro de téléphone ouvert à la clientèle pour toute
information. Le call center qui réceptionne toutes les demandes de nouveaux
clients potentiels compte une trentaine de personnes. Parallèlement, il n'est
pas rare non plus que nous effectuions des mailings adressés dans les boîtes
aux lettres et ce, à une échelle d'environ 50 000 exemplaires. Il est illusoire
de ne capitaliser que sur la fidélisation de la clientèle. Celle-ci vieillit -
je ne parle pas que d'âge mais plutôt de maturité dans le comportement de
consommation - et il est de ce fait indispensable de songer à acquérir de
nouveaux clients. » Dans le monde des stations balnéaires la notion de
prospection ne fait pas l'unanimité non plus. A Royan (Charente Maritime),
Laurent Giraud, directeur de l'Office municipal de Tourisme, évoque la
difficulté de capter et de fidéliser la clientèle. « Nous essayons de qualifier
le plus possible les demandes effectuées auprès de l'Office du Tourisme afin de
les réutiliser ensuite pour les opérations de fidélisation ou de promotion.
Concernant la prospection à proprement parler, nous effectuons simplement des
mailings sur une zone de proximité géographique. Nous avons observé aujourd'hui
la nécessité d'associer l'hébergement à autre chose. C'est pour cette raison
que nous proposons régulièrement des séjours monothématiques : week-end
gastronomie, voil... »
LA DIFFÉRENCIATION POUR LA FIDÉLISATION
Le discours tenu à Deauville (Calvados) diffère un
peu dans la mesure où Virginie Seguin, chargée de communication pour l'Office
du Tourisme et la mairie, déclare sans ambages : « A Deauville, nous avons la
chance de bénéficier d'une notoriété si forte que nous ne communiquons pas
publicitairement pour faire venir la clientèle, ni par le biais des médias
traditionnels ni par mailings ou autres outils de marketing direct. Nous sommes
très présents en revanche sur les salons professionnels dédiés au tourisme.
Pour ce qui a trait à la fidélisation, c'est le renouvellement d'événements
drainant un grand nombre de touristes qui assure ce rôle. » Un point de vue qui
a le mérite de souligner que la phase de prospection de la clientèle n'est pas
un souci uniformément partagé. « Mon souhait le plus cher est que les gens
aillent au Normandy et non plus seulement en Normandie », déclare Christian
Meunier, directeur général adjoint du groupe Lucien Barrière, en charge de
l'hôtellerie et des loisirs. Les campagnes nationales vantant les mérites de la
mer, de la montagne et des sites touristiques en général sont légions. C'est
justement ce phénomène qui a abouti à une telle information du touriste que les
campagnes de prospection s'appuyant simplement sur le nom d'une ville ou d'un
hôtel et diffusées en nombre ont été abandonnées. La qualification d'un fichier
permettant vraiment de drainer des touristes en agences, à l'hôtel ou sur un
lieu de villégiature est délaissée au profit d'actions publicitaires à échelle
nationale et surtout à la fidélisation d'une clientèle acquise. A Megève,
Bernard Delbos, directeur adjoint de l'Office de Tourisme, admet ne pas
disposer de budget dédié à la promotion stricto sensu. « Notre communication
grand public a été confiée à l'agence Publicis. Pour le reste, nous nous
efforçons de toujours satisfaire au plus près les désirs des touristes. Les
seules actions que nous organisons en matière de relance sont l'envoi, deux
fois par an, d'un programme des événements prévus dans la station aux
propriétaires d'une résidence secondaire à Megève, ainsi qu'un envoi, moins
personnalisé toutefois, du même type d'informations à 500 agences et tours
opérateurs. Alors que cette saison semble avoir enregistré une certaine
stagnation de l'activité touristique en montagne, Megève peut tabler sur une
augmentation avoisinant les 2 %. Peut-être est-ce la preuve que nous sommes sur
la bonne voie. » Conserver sa clientèle est une préoccupation commune à tous
les acteurs du tourisme. Pour y répondre, un programme a été mis au point, il y
a quelques années, par Datagrams : la Touristcard. Aujourd'hui, c'est une
agence interactive, Netmotiv, qui se charge de redéfinir la stratégie de
communication de cet outil marketing. Stéphane Marrapodi, cofondateur de
l'agence évoque les avantages de ce produit. « La Touristcard donne
l'opportunité par le biais des clubs de fidélité et d'incentives de définir une
base comportementale des actes d'achat. Auparavant, le réseau d'adhérents mis
au point permettait à n'importe quel prescripteur de bénéficier de ce dit
réseau, ce qui ne plaidait pas en faveur de la carte. Aujourd'hui, des mini
clubs vont fonctionner en même temps avec leurs propres affiliés. En outre, la
carte est désormais nominative et limitée à un an. Aujourd'hui, pour se
démarquer de sa concurrence, il est indispensable d'apporter une véritable
valeur ajoutée et je pense que c'est le cas avec la Touristcard. Les premiers
résultats du programme lancé avec la chaîne d'hôtels Arcantis sont très
encourageants. Nous avons associé un grand nombre d'enseignes du loisir et du
tourisme à cette opération en établissant tout de même un réseau spécifique lié
au fondateur du club. Nous avons aussi pris soin de faciliter une obtention
rapide de points et donc d'avantages pour le porteur de la carte. » Chez Lucien
Barrière, la problématique de fidélisation s'est posée récemment et dans un
contexte de réorganisation. « Pour ce qui concerne l'hôtellerie, il nous a
d'abord fallu recentrer nos services à Paris après une longue période où ils se
trouvaient en région, afin de renforcer la proximité avec les clients de nos
établissements, raconte Christian Meunier. Aujourd'hui, cette rénovation est
achevée et nous entendons nous positionner comme un groupe leader sur le marché
de l'hôtellerie de haut de gamme. Les fichiers propres dont nous disposons nous
permettent de savoir que la destination qui se trouvait hier à l'origine du
choix des touristes n'est plus un élément aussi déterminant. Pour cette raison,
nous proposons un certain nombre d'offres ciblées correspondant à une clientèle
familiale, à une autre plus sportive ou âgé... C'est par le développement d'un
positionnement reposant sur la création d'une ambiance propre à chaque station
que nous serons efficaces. Même s'il demeure des éléments communs à tous nos
hôtels tels que le golf, le tennis ou bien la piscine, chacun doit se
distinguer du précédent. Concernant d'éventuelles opérations de mailings
ciblés, les fichiers que nous avons centralisés à Paris nous donnent une
parfaite connaissance de la circulation des besoins de notre actuel
portefeuille client. Les mailings que nous envoyons sont donc très ciblés et de
deux sortes : les premiers visent une cible séminaire alors que les seconds
visent les particuliers. Bientôt la réduction du temps de travail va
bouleverser les données qui président actuellement à la réflexion touristique.
Il va falloir proposer des solutions originales pour aider les cadres à
exploiter leur gain de temps libre. »
TOUJOURS PLUS DE FIDÉLISATION
L'adéquation et la cohérence de l'offre avec les
attentes de la clientèle sont aussi une préoccupation chez Pierre & Vacances.
Florence Moutet précise qu'en matière de mailings ciblés, il existe deux
opérations organisées dans l'année correspondant à l'envoi du catalogue des
saisons hiver et été aux clients. « Le premier critère retenu pour établir le
fichier d'adresses auxquelles nous envoyons le mailing est constitué par
l'historique de réservation. Effectivement, nous ne relançons que les clients
actifs, c'est-à-dire étant au moins venus une fois sur les trois dernières
années. Il existe d'autres critères de sélection permettant de définir un
profil et donc de cibler nos messages en fonction du type de séjour, de la
destination, de la durée du séjour ou encore de la période (scolaire/hors
scolaire). Notre programme de fidélisation repose sur la création d'un club
Pierre & Vacances qui récompense les clients les plus fidèles, ceux étant venus
plus de trois fois. Nous leur envoyons une carte personnalisée leur donnant
accès essentiellement à des réductions. Elle est renouvelée tous les ans si le
client reste actif. Cette opération s'est révélée satisfaisante dans la mesure
où les taux de rachat des détenteurs de la carte ont doublé en deux ans. »
Concernant la préférence qui semble être accordée à la fidélisation par rapport
à la prospection de la clientèle, Florence Moutet n'affiche aucun complexe : «
Selon l'adage connu en marketing direct, il est dix fois plus coûteux de
recruter un nouveau client que de fidéliser un client déjà venu. C'est aussi
pour cette raison que nous travaillons en permanence à des offres spécifiques
aux familles de touristes que nous avons définies, comme les familles, les
seniors, les jeune... » L'importance d'une proposition adaptée à chaque type de
vacancier est un souci si aigü qu'il a même amené certains groupes à se
positionner majoritairement sur un créneau. C'est le cas de Vacances Bleues qui
s'est initialement inscrit sur le marché des seniors.
L'ÉMERGENCE DES SENIORS
Bruno Baumlen, responsable du marketing relationnel
pour Vacances Bleues, retrace l'histoire de cette société. « Au départ, les
caisses de retraite des cadres regorgeaient d'argent et réfléchissaient à un
investissement judicieux de leurs deniers. A cette époque, lorsque l'on sortait
de la vie active, on sortait de la vie tout court. D'où l'idée de mettre sur
pied des centres de vacances dédiés à cette catégorie de population.
Aujourd'hui, même si les caisses demeurent propriétaires des murs des sites,
Vacances Bleues a un véritable rôle de conseil et d'initiateur en matière de
tourisme. Parallèlement, nous nous sommes ouverts aussi à une clientèle en
activité. Nous sommes en pleine réflexion quant à un éventuel programme de
fidélisation. Nous ne voulons pas entrer dans le système de points qui
nécessitent la gestion de trop de paramètres. En revanche, nous étudions
l'hypothèse d'un système reposant sur deux modes de fidélisation :
l'encouragement et le remerciement. Concernant ce dernier, il arrive déjà que
nous organisions quelque chose pour célébrer l'anniversaire de mariage d'un
client. L'impact d'une association de la marque à un événement ayant une telle
importance affective pour le client est sans conteste le mode de fidélisation
le plus fort qui soit. Nous avons également mis au point, en 1999, un envoi de
catalogues personnalisés contenant l'historique du client à l'intérieur et ce,
à 150 000 exemplaires. L'accueil fait à cette initiative nous a incités à
l'élargir et à la renouveler en 2000. » A l'heure actuelle, si l'émergence
d'une cible senior est assimilée par tous les professionnels du tourisme, la
mise en place de la réduction du temps de travail va effectivement contraindre
à une réflexion sur des propositions en matière de loisirs et de tourisme à une
cible très active. Des séjours plus courts avec des thèmes particuliers devront
être proposés à ce segment de clientèle plus disponible mais pas forcément plus
riche ni moins exigeant. La problématique du prix viendra donc à nouveau se
greffer au coeur des débats. Les hypers ont déjà compris qu'il y avait là une
place à prendre et rivalisent d'imagination pour séduire la clientèle. Depuis
quelques années déjà, les professionnels de la grande distribution ont investi
le milieu du voyage et du tourisme. Carrefour, Auchan, Leclerc et même Metro
proposent des parcours touristiques et des forfaits vacances. Que ce soit pour
des clients déjà détenteurs d'une carte à l'effigie de l'enseigne ou des
prospects, ils rivalisent d'ingéniosité afin de proposer à bas prix un service
qui fait rêver une clientèle qu'ils ne démarchent pas puisque c'est elle qui
vient en magasin. Si certains des professionnels cités évoquent dans ce cas une
concurrence déloyale, car effectuée par des non professionnels du secteur mais
simplement par des marchands, il reste néanmoins exact qu'il va falloir
compter, à l'avenir, avec ces nouveaux acteurs du tourisme. Si la plupart
refusent de dévoiler leur stratégie en la matière, tours opérateurs, chaînes
hôtelières et Offices de Tourisme peuvent craindre cette concurrence, qui ne
tardera pas à croiser les données qu'elles possèdent sur ses clients dans le
but de leur proposer des offres de voyage le plus en adéquation avec leurs
désirs et leurs moyens. Bref, le paysage touristique français indique un
abandon de toute notion de massification dans le recrutement et la fidélisation
de la clientèle. Au contraire, on assiste au développement d'une spécialisation
par type de besoin.
Marriott un an aprè...
Il y a un peu moins d'un an, le groupe hôtelier américain Marriott lançait un nouveau programme de fidélisation, le "Marriott Rewards". Ce dernier proposait une approche marketing de fidélisation différente de celle des autres compagnies. Une originalité qui a fait ses preuves puisque, actuellement, le programme compte plus de 12 millions de membres dans le monde. Fort du constat qu'un consommateur est aujourd'hui exposé à plus de 700 messages par jour, ce qui laisse peu de possibilité à un produit d'être perçu plus particulièrement, la marque a décidé de privilégier les clients acquis et de les retenir par des avantages spécifiques. Ainsi, le programme permet de gagner des points et de les échanger sur neuf enseignes et ce, sur toutes les gammes de tarifs hôteliers. Au total plus de 1 700 hôtels dans 45 pays participent au programme dans toutes les catégories hôtelières : hôtels budgets, hôtels de prix moyen, hôtels de luxe, hôtels de longs séjours et résidences en temps partagé (Timeshare). Marriott Rewards complète son programme de récompense par des partenariats avec des prestataires de voyages ou de services. Aujourd'hui, les membres du programme peuvent planifier leurs déplacements à n'importe quelle heure de la journée à partir du site marriottrewards.com. Les informations ainsi collectées permettent à la chaîne d'affiner encore ses propositions à destination de la clientèle. Le groupe reconnaît d'ailleurs que les moyens mis en oeuvre pour retenir ces clients captifs sont avantageux puisque les dépenses de prospection vers de nouvelles cibles sont sensiblement diminuées.
Internet au service d'un tourisme de proximité
En marge des acteurs traditionnels du tourisme, une autre concurrence s'est faite jour, celle constituée par Internet. Ces marchands de voyage on line ont compris l'opportunité sans pareille constituée par le Web d'établir une relation directe avec le client, proche de celle existant en agence. Travelprice.com a intégré la nécessité de fidéliser le client par une qualité de service optimum, un grand choix de destinations et des tarifs attractifs. Lorsque l'on sait qu'un mailing papier présente un coût beaucoup plus élevé que le e-mailing, démonstration est faite de l'avantage dont dispose cette société sur les réseaux traditionnels. Travelprice.com en chiffres, c'est : - un chiffre d'affaires passé de 4,5 millions de francs en 1998 à 15 millions en 1999, - 5 millions de pages vues par mois, - 12 000 connexions par jour, - plus de 600 compagnies aériennes partenaires, - 20 000 hôtels en ligne, - 1 000 promotions par jour, - un service ouvert 24 h sur24, - 47,1 % des achats sur Internet consacrés au tourisme (source Benchmark Group). Le chiffre d'affaires consacré au tourisme en ligne a été multiplié par 30 en 6 ans.