Le planning stratégique au cœur des agences
Importé de la publicité, au milieu des années 90, le planning stratégique a peu à peu évolué au sein des agences de marketing services pour devenir incontournable. Même s'il existe pratiquement autant de manières d'exercer ce métier qu'il existe de profils de planneurs…
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Les agences de marketing services font toutes le même constat : il n'existe
pas un mais des plannings stratégiques. En effet, chaque agence a intégré d'une
façon différente ce métier complexe venu tout droit de la publicité. Mais, plus
encore, chaque planneur détient une vision propre du planning. A tel
point qu'il leur est difficile d'expliquer en un mot leur métier.
« Le planneur
est un animateur de la réflexion. Sa mission est de stimuler, écouter,
analyser, donner des orientations », explique Antony Roy, planneur stratégique
chez Rapp Collins Paris. Un point de vue proche de celui de Thibault Ferrali,
planneur chez Tequila\, pour qui « le planneur anime
et catalyse pour faire émerger une idée stratégique ». Pour Monique Wahlen,
directrice du planning stratégique chez Grrrey !, le planning stratégique peut
se résumer en cinq verbes: « Observer, déconstruire, relier, importer et
questionner. »
Observer une cible, une marque, un mode de consommation, un
canal, une tendance… cela passe, bien sûr, par la veille économique et
marketing des marchés concernés. Ce travail statistique est incontournable dans
le métier de planneur. Mais, s'il suffisait hier, ce n'est plus le cas
aujourd'hui. C'est moins sur l'aspect “veille” que sur celui de la création que
l'agence pourra se différencier et convaincre son client. « Nous sommes passés
d'un planning de bibliothécaire à un planning de chercheur et d'inventeur. Il
ne suffit plus de chercher, il faut inventer et trouver un prisme », constate
Benoît Héry, vice-président de Grrrey !.
Comprendre la marque
Le planneur stratégique intervient donc en amont de la
chaîne et fournit des orientations aux créatifs qui prennent la relève. « La
deuxième phase, après celle de la veille sur les consommateurs et les secteurs,
est celle de l'idée directrice, des choix fondateurs avec des partis pris
créatifs, des objectifs, des moyens… », souligne pour sa part François Calzada,
directeur général adjoint de Tequila\. Le planneur doit donc, au préalable,
comprendre la marque, ses problématiques, son environnement concurrentiel, son
histoire, ses valeurs…
« Le planning stratégique est devenu le centre de
l'agence. C'est le cœur du réacteur nucléaire qu'est une agence », résume
Benoît Héry. Or, il est difficile pour un planneur de parvenir seul à
développer cette connaissance, d'où l'importance de faire appel à des
intervenants extérieurs tels que des sociologues, psychologues, anciens
dirigeants de grandes entreprises, sportifs de haut niveau… « Nous sommes
amenés à dépasser le cadre de l'agence en allant chercher une participation en
interne mais aussi chez des experts ou même chez les clients, autour d'un temps
fort d'une journée ou d'une demi-journée », explique Thibault Ferrali.
Un avis partagé par François Calzada: « Le planneur n'est pas un gourou. Le
travail de planning met à contribution tous les talents. » Chez Rapp Collins,
il arrive parfois qu'un planneur externe intervienne sur un budget donné
afin d'apporter une expertise particulière.
« Il n'y a pas de planneur qui sache tout faire », reconnaît
avec humilité Antony Roy.
Cette évolution du planning stratégique vers un
métier mêlant précision statistique et subjectivité, intuition, audace,
curiosité et imagination a conduit à voir des profils de plus en plus divers
dans des services plannings stratégiques des agences. Au sein des agences, tous
s'accordent à dire que le planning est avant tout un métier de tempérament. En
effet, il requiert curiosité, intuition, ouverture d'esprit, capacité
d'observation, de synthèse, de restitution, imagination et critique, et plein
d'audace.
Les petites agences “plannent” aussi
Monique Wahlen, pour le choix
de ses planneurs, se base sur des critères culturels. « Je préfère un féru de
sport avec un minimum d'appétit publicitaire qu'un
surdiplômé », explique-t-elle. Le planning stratégique n'est pas réservé aux
grandes structures. La preuve : Marquetis, agence conseil en marketing
opérationnel spécialisée dans les annonceurs industriels, a intégré le planning
stratégique dès sa création, en 1996. Alors que seulement quatre personnes
travaillaient en interne (l'activité communication rassemble aujourd'hui 37
personnes), le planning stratégique était alors confié à un consultant
extérieur via un contrat de mission. « Il s'agissait d'un ancien de chez
Procter & Gamble avec un profil socio-ethnographique et possédant une culture
marketing très pointue. C'est ce planning stratégique qui nous a permis à
l'époque d'atteindre le marché que nous voulions, en l'occurrence celui de
l'automobile », souligne Evangelos Vatzias, ancien planneur stratégique et,
aujourd'hui, directeur général de Marquetis One, la filiale positionnée sur le
marketing relationnel.
Toujours sous contrat de mission, un second planneur lui
a succédé avec, cette fois, une spécialisation en ethnologie et anthropologie.
« Nous étions très portés sur le quantitatif et il a su développer une logique
qualitative. D'ailleurs, nous travaillons toujours avec lui ponctuellement »,
explique Evangelos Vatzias. Aujourd'hui, c'est plutôt un retour aux sources
avec un planneur au profil très marketing. Au sein de Marquetis One, le
planning stratégique s'intègre dans ce que l'agence appelle l'équipe projet. Un
premier brief, appelé justement réunion de projet, rassemble un directeur
commercial, un directeur de création et le planneur stratégique. C'est ce
dernier qui est chargé de fournir des ressources chiffrées et de proposer la
première direction à prendre. « Avant de passer en création, le client vient
pour une réunion stratégique. Il est important qu'il puisse s'approprier le
projet au moment du brainstorming », remarque Evangelos Vatzias.
Le planning en agence interactive
L'agence de e-marketing CrossValue
est une structure encore plus petite puisqu'elle rassemble 15 collaborateurs.
Et pourtant, là encore, la direction a fait le choix il y a six mois d'intégrer
le métier de planneur, un travail qui, en fait, était déjà réalisé
officieusement. Pour Pascal Granier, le planning stratégique élaboré en
e-marketing est complémentaire de celui des agences de marketing services:
« Les clients ne nous demandent pas le même travail puisque nous devons mettre
un pied dans l'opérationnel en amont en intégrant des pistes de mise en œuvre
sur Internet. » Le benchmark, logiquement, diffère aussi puisque le planneur
cherche à comprendre la relation on line entre la marque
et ses clients. Le process choisi prévoit que le planneur intervienne une
première fois en amont en donnant des pistes de réflexion, puis revienne à la
fin de la chaîne pour contrôler la cohérence des choix adoptés.
Pour Pascal
Granier, le constat est simple: « Le planning stratégique répond à une vraie
démarche commerciale. Ne pas
en avoir est pénalisant. » Si les agences de marketing services ont su intégrer
et développer
le planning stratégique, le métier est encore loin d'être arrivé à maturité.
Benoît Héry ne mâche pas ses mots: « Beaucoup de gens confondent le fait
d'avoir l'information et celui de la transformer
en valeur ajoutée. Or, beaucoup
de plannings sont encore loin
de cela. »
Entre 17000 et… 76000 euros par an !
Un junior gagne entre 16800 E et 23000 E brut par an. Le salaire d'un senior, lui, se situe entre 38000 E et 76200 E brut annuels.
Le Celsa forme les futurs planneurs
Ecoles de commerce, Sciences Po, écoles de communication ou cursus universitaires, tous les chemins mènent au planning stratégique. Depuis cinq ans, le Celsa (Université Paris 4 Sorbonne) ne fait pas exception en proposant des cours de planning stratégique au sein des enseignements de stratégies de communication globale.
Ainsi, le département Marketing, Publicité et Communication offre aux étudiants la possibilité de se former en trois ans aux métiers associés. Si la première année, accessible à partir de bac+2, est destinée à initier aux métiers du marketing, de la publicité et de la communication, la deuxième année vise à donner une solide formation marketing et doit permettre aux étudiants de maîtriser les principaux outils d'analyse quantitative et qualitative. Les sciences humaines et sociales y sont également abordées.
La troisième année, enfin, est celle de la spécialisation professionnelle avec deux options au choix: Marketing et Stratégies de Communication ou Marketing et Stratégies de Marque. « Au cours de cette dernière année, les cours sont presque uniquement assurés par des professionnels et les étudiants doivent être capables de faire l'équivalent d'une présentation client », souligne Karine Berthelot-Guiet, responsable de l'UFR Marketing Publicitaire et Communication et, par ailleurs, enseignante en sémiotique appliquée. Les cours, plus opérationnels, mettent en confrontation plusieurs plannings stratégiques d'agences afin de montrer les différentes manières de concevoir le planning et faire émerger les nouvelles tendances.
Malgré l'intérêt croissant des étudiants pour le planning stratégique, le Celsa préfère tempérer les ardeurs et jouer franc jeu, comme l'avoue Karine Berthelot-Guiet: « Aujourd'hui, nous les prévenons qu'il y a peu d'élus, les postes étant souvent pourvus en agence, surtout dans les agences de publicité traditionnelles. Nous leur conseillons de se tourner vers d'autres structures, telles que les agences de marketing services, où le métier est encore émergent. » C'est peut-être aussi pour cette raison que la formation reste généraliste, avec une place importante accordée aux sciences humaines, à l'ethnologie, l'économie, l'information communication, la linguistique… « Ces matières préparent les étudiants à développer une ouverture d'esprit et à voir les choses sous des angles différents », ajoute Karine Berthelot-Guiet.
En d'autres termes, savoir être polyvalent pour travailler aussi bien dans le marketing, la publicité ou la communication. En outre, l'université René- Descartes (Paris V) ou l'école de communication de Lyon dispensent aussi des cours en planning Stratégique. Tout comme Science Po, qui forme ses étudiants aux métiers du conseil en communication et de la publicité dans le cadre de son cursus intitulé “Etudes et stratégie marketing-communication”.
Pas de département planning chez FullSIX
« Un interlocuteur unique, tel est notre credo depuis huit ans. » Jérôme Touchebœuf, directeur associé de FullSIX, aime rappeler les spécificités de l'agence de marketing relationnel intégré. Le planning stratégique ne fait pas exception, puisque « chaque associé en charge d'un budget client se charge du planning stratégique ». Un choix qui impose de sélectionner des associés seniors capables de produire un planning cohérent, mais aussi de suivre le client tout au long de la chaîne. « Les qualités requises rassemblent expertise, connaissance globale de la marque et de son environnement, mais aussi une approche concrète et quotidienne des problématiques », explique Jérôme Touchebœuf.
Issus du conseil, des médias ou du marketing direct, les sept associés de FullSIX se collent donc tous au planning stratégique et sont amenés à se réunir pour “constituer” un planning ponctuel. Cette organisation particulière, FullSIX l'a choisie depuis le début, comme le souligne Jérôme Touchebœuf?: « Nous avons construit l'agence sur un modèle où ceux qui proposent les stratégies, intègrent et suivent les résultats sont les mêmes personnes. Cela permet de gagner en réactivité et en efficacité. »