La personnalisation passe à l'âge adulte
Les acteurs de la logistique du marketing direct cherchent à développer des prestations complémentaires afin de devenir les partenaires incontournables des annonceurs. Est-ce à l'avantage des clients ? Les avis sont partagés. Reste que la personnalisation des messages est désormais une contrainte unanimement acceptée. Il faut de l'imagination pour répondre à cette exigence sans pour autant cesser d'assurer des cadences industrielles.
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Longtemps cantonné à la simple tâche du routage, le coeur du métier de
prestataire logistique pour le marketing direct comprend désormais la
préparation, la personnalisation et le façonnage des mailings. Des opérations
traitées à l'échelle industrielle et qui exigent des compétences techniques
particulières. Désormais, le prestataire fait partie intégrante de la démarche
marketing.
Alain Gazard (Eurodirect)
: "Notre ambition est de permettre à un
annonceur de se délester de toute la logistique."
Et c'est la plupart du temps en partenariat avec les agences qu'il intervient.
Jean-Claude Hinault, directeur commercial et marketing chez Koba, définit ainsi
sa mission : « Donner au message la forme qui a été pensée par l'agence. » Un
métier dynamique, qui oblige à suivre au plus près l'évolution de son secteur,
afin de faire évoluer l'outil industriel, et à repenser à chaque fois
l'organisation de l'opération. Et, s'adapter, c'est aussi investir fortement,
sans pour autant sur dimensionner sa chaîne de production. « La prestation
complète et intégrée est aujourd'hui une évolution très nette de ce métier. Qui
d'ailleurs ne s'appellera bientôt plus routage mais services en marketing
direct », précise Gérard Pouzoulet, P-dg d'Inter Routage, filiale du Québecor.
« Nous utilisons différents procédés de personnalisation et de façonnage
suivant le type de document », indique Michel Imbert, directeur marketing du
groupe Diffusion Plus. Pour lui, « le contenu du message, le vecteur utilisé
pour sa diffusion, agit aussi sur les méthodes utilisées pour le préparer et le
diffuser. Qu'il s'agisse d'un petit catalogue, de documents publicitaires ou
officiels, ou encore de relevés bancaires ». Il faut personnaliser les
documents au laser, imprimer des pavés d'adresse ou bien du texte, ajouter le
nom du destinataire et sa commune de résidence, ou encore l'adresse du
concessionnaire le plus proche dans la communication des marques de
l'automobile. Et, quand il n'y a pas de personnalisation, il faut encore
façonner l'envoi, mettre les documents sous pli, et parfois fabriquer, grâce à
l'impression numérique, des documents qui seront ajoutés à ceux déjà reçus de
l'annonceur.
Les atouts du jet d'encre et du numérique
Des machines d'impression à jet d'encre couleur à haute vitesse permettent aux
prestataires logistiques de réaliser eux-mêmes certains documents en partant
d'une bobine blanche. « L'avantage de l'impression numérique se révèle dès lors
qu'il s'agit d'une petite quantité de documents à réaliser, pour laquelle les
coûts fixes, notamment les coûts de calage des machines traditionnelles, seront
rédhibitoires », estime Michel Imbert. Cette prestation devient indispensable
quand il faut imprimer une vingtaine de bons de réduction différents selon le
destinataire. En passant par l'imprimerie traditionnelle, cela signifierait une
vingtaine de calages et autant de tris de sortie. Le recours à l'impression jet
d'encre permet de réaliser cette opération en un seul passage. L'impression
numérique devient aussi particulièrement intéressante quand il faut communiquer
de façon personnalisée sur un fichier de 3 000 prospects avec des messages
différents. Elle présente cet avantage de variabilité où chaque exemplaire peut
être personnalisé suivant les informations dont on dispose sur le client, homme
ou femme, urbain ou rural, déjà client de l'entreprise ou encore prospect.
Quinze documents dans le même pli
Les documents seront
ensuite rassemblés pour la mise sous pli, enveloppe ou film. Chez Diffusion
Plus, on fait appel aux machines de Sitma qui permettent de réunir jusqu'à
quinze documents dans le même pli, avec un choix à la volée pour les margeurs.
A la sortie de la machine, les mailings peuvent passer à la phase de routage.
Afin de respecter les directives de La Poste, chaque lot de messages est déjà
trié en fonction des huit grandes directions postales. Dans la préparation
informatique du tri, on s'efforce de former des sacs directs ou des liasses
directes afin d'éviter l'envoi de documents en vrac nécessitant un tri
ultérieur. Les envois pré-triés seront rétribués par La Poste. Suivant le
contrat, c'est Diffusion Plus ou bien son client qui bénéficiera de ces
versements. « Lorsque le client a déjà un contrat avec La Poste, il préfère
souvent recevoir cet argent lui-même », remarque Michel Imbert.
Le routage paneuropéen
Certains acteurs cherchent à sortir du strict
cadre de la logistique du marketing direct en développant une offre spécifique
pour la vente par correspondance. C'est le cas d'Eurodirect Marketing. « Nous
visons une offre globale. Le marché européen est notre horizon à moyen terme,
déclare Alain Gazard, son P-dg. Dans certains métiers, les annonceurs lancent
des campagnes paneuropéennes, à la fois sur l'Allemagne, la France et la
Grande-Bretagne. Ils ont besoin d'un prestataire de routage capable de les
accompagner sur tous les marchés. » Dans ce cadre, il faut trouver des
adresses, les sélectionner, élaborer des plans médias, normaliser le courrier
aux exigences postales en vigueur de chaque pays, l'injecter dans les circuits
postaux respectifs... Eurodirect a développé une structure de dimension
européenne pour accompagner dans ce sens quelques-uns de ses clients les plus
importants (voir rubrique Alerte). La vente par correspondance, les métiers de
banque et d'assurance comptent parmi les secteurs d'intervention typiques de la
société. « Notre ambition est de permettre à un annonceur de se délester de
toute la logistique, poursuit Alain Gazard. Nous avons élaboré une offre qui va
bien au-delà du marketing direct proprement dit. » Son entreprise s'occupe de
l'achat des produits, de la conception et de la personnalisation du catalogue.
Et réalise ainsi des catalogues pour des marques, quel que soit leur univers.
Une prestation de VPC en marque blanche, en quelque sorte. Tout ce qui reste à
un annonceur, c'est de trouver les adresses. De son côté, Gérard Pouzoulet
vante les mérites d'une prestation "tout en un" et pense que son avantage est «
d'offrir aux clients des rétroplannings intégrés avec une garantie de la date
du dépôt postal ». Les grands annonceurs seraient intéressés par ce service,
surtout ceux qui ont réduit leurs propres services de fabrication dans le but
d'améliorer leurs marges. Mais la prestation intégrée pourrait-elle s'avérer
plus chère pour les clients que l'ensemble des prestations choisies sur appel
d'offres ? « Non, car nous allons optimiser l'ensemble des opérations, répond
Gérard Pouzoulet. Et les annonceurs vont comparer notre coût à la somme des
coûts opération par opération . »
La prestation intégrée en question
Cependant la prestation intégrée ne représente pas plus
de 15 % des activités d'Inter Routage. Et pour cause, elle n'a pas toujours les
faveurs des grands utilisateurs du marketing direct. « Notre volume annuel de
trente millions de mailings est réparti de façon inégale sur l'année, analyse
Martine Thiery, responsable du service logistique et création chez Norwich
Union. Certains mois, nous envoyons jusqu'à cinq millions de mailings et dans
ceux-ci il y a rarement deux formats semblables. Nous n'avons pas l'habitude de
poser des contraintes à nos agences de création. » Alors, pour des prestations
complexes, Norwich Union préfère passer par des appels d'offres plutôt que de
choisir une prestation unique et intégrée. « Je sélectionne les prestataires
les plus compétitifs, à qualité constante, explique Martine Thiery. Et, comme
nous changeons souvent de format, à chaque fois nous pouvons faire appel à de
nouveaux prestataires, aux meilleurs spécialistes dans leurs domaines
respectifs. Certaines agences nous indiquent même les prestataires les plus
compétents pour tel ou tel type de mailing.»
Matières nouvelles
La logistique du marketing direct doit s'adapter à
l'apparition des matières nouvelles dans la fabrication des mailings. Se
profile ici la tendance à la mise en valeur du message grâce aux enveloppes en
plastique transparent qui remplace progressivement le papier. L'avantage de la
transparence, c'est de voir ce qu'il y a dans l'enveloppe avant de l'ouvrir. «
Nous pensons que cela permet d'avoir un meilleur taux de réponses », remarque
Gérard Pouzoulet. Selon lui, les résultats obtenus par l'utilisation
d'enveloppes en plastique seraient meilleurs que ceux des plis sous film car la
nature de l'enveloppe permet de continuer à l'utiliser après l'ouverture,
contrairement aux films que l'on jette après les avoir déchirés. « Si le client
ne passe pas commande tout de suite, il faut éviter que le message soit
détruit. Peut-être commandera-t-il plus tard si les documents restent dans leur
enveloppe », explique Gérard Pouzoulet. Pour lui, les difficultés de
réalisation viennent ici de la matière : « Le plastique est mou, il n'a pas de
tenue comme le papier. Pour une opération donnée, il nous a fallu trouver des
produits finis utilisables et aussi adapter nos machines afin de traiter les
enveloppes en plastique. » Toutes les opérations et tous les mailings
peuvent-ils être adaptés de cette façon pour un traitement sur des machines ?
Ce n'est pas certain, car le parc chez les prestataires logistiques de
marketing direct est composé en rapport avec les gammes de formats des
enveloppes utilisées le plus souvent. Et ces formats sont eux-mêmes tributaires
des types de papier les plus prisés par le marketing direct. Alors, certains
mailings, élaborés avec une recherche de créativité, ne pourront pas passer
dans toutes les machines. Pour autant, la créativité ne doit pas être proscrite
! Car s'agissant des petites séries, il est parfois plus avantageux de les
traiter manuellement, plutôt que d'inventer des solutions complexes
d'automatisation. « La part des activités manuelles ne cesse d'augmenter dans
notre travail », constate Gérard Pouzoulet. Chez Inter Routage aujourd'hui,
quarante personnes sur trois cents se chargent du traitement manuel, contre
douze seulement il y a une dizaine d'années. Et la différence de coûts entre le
traitement manuel et mécanique n'est pas toujours aussi importante, surtout sur
les petites séries. Par exemple, pour 10 000 exemplaires d'un même format
standard, les coûts seront de 38 euros pour mille lors du traitement mécanique
et de 53 euros pour mille en manuel. A titre d'information, on signale ailleurs
des coûts de travaux de routage variant entre 0,03 euro et 0,15 euro l'unité,
suivant la complexité de l'envoi. La moyenne est toujours estimée entre 0,05
euro et 0,06 euro pour des plis sans complexité permettant la mécanisation de
l'envoi.
Optimiser les coûts, minimiser les erreurs
Chez Koba aussi on cherche à aider le client en amont, par exemple pour cibler
des populations distinctes avec des degrés de personnalisation divergents et
des documents différents. « On doit penser cette personnalisation dans
l'optique d'optimisation des coûts, pour minimiser les défauts et les erreurs
dans la chaîne, affirme Jean-Claude Hinault. Il faut intégrer la
personnalisation dans l'organisation des fichiers d'impression.» Notamment
avoir des codes qui permettent de coordonner les différents documents et les
différents degrés de la personnalisation, pour obtenir à la sortie un seul
fichier déjà trié qui facilitera le tri postal. Le but est d'optimiser sans
scinder le fichier. Ainsi, une lettre composée de trois documents, dont un
existe en quatre versions différentes, peut être réalisée en un seul lot sur
une machine avec six margeurs. Et cela permet de raccourcir les délais de
fabrication. La productivité d'un prestataire dépend fortement de la qualité
des documents qui lui seront livrés. Pour Jean-Claude Hinault, les difficultés
proviennent souvent du mode de conditionnement des documents livrés pour la
machine : ils doivent rester plats, dans de bonnes conditions de stockage, pour
minimiser les efforts lors de l'approvisionnement des machines. Un prestataire
logistique, comme Koba, doit être prêt à répondre à des demandes inédites. Par
exemple, lors de l'envoi d'un mailing ciblé sur la gastronomie, et plus
précisément sur le vin, les clients préfèrent que leur envoi provienne d'une
région réputée pour ses grands crus, la Gironde, par exemple. Le logisticien
doit posséder un site dans ce département et être en mesure d'en faire partir
l'ensemble des envois. Parfois, il faut réaliser des adaptations particulières.
Koba s'en est chargée pour le routage d'un CD-Rom. Auparavant, les envois de
son client se faisaient sous enveloppe, avec une préparation manuelle.
L'annonceur se plaignait d'avoir un taux de casse important à l'arrivée chez
les destinataires. « Nous avons rendu cette opération mécanisable et cela a
diminué le taux de casse, se souvient Jean-Claude Hinault. Nous avons trouvé un
matériau qui s'apparente à de la mousse et qui passe sur nos machines. Cela a
permis d'améliorer le message et de traiter une forte quantité. Des centaines
de milliers d'envois ont été réalisés en quelques jours, avec des prix
intéressants pour le client.» Pour un éditeur scolaire, qui joue son chiffre
d'affaires de l'année en une seule campagne, Koba se charge de l'envoi de 300
tonnes de livres sur une période de trois à quatre semaines. Destinés aux
établissements scolaires, ces cartons sont tous différents les uns des autres,
selon le nombre de professeurs ciblés et les matières enseignées. Et, à
l'intérieur du carton, chaque livre est conditionné avec un message à
l'attention du professeur. Traiter des volumes de plus en plus importants et de
façon davantage individualisée, c'est la tendance dans tous les métiers liés au
marketing. Couplée à des performances industrielles dans la production, cette
personnalisation est la garantie la plus sûre de la réussite d'un acteur de la
logistique.
Délais minimaux pour le Crédit Agricole
Koba vient de réaliser une opération à grande échelle lors de l'introduction en Bourse du Crédit Agricole. « Toute l'opération de l'introduction, de la souscription et de réservation, devait se dérouler sur une quinzaine de jours », témoigne Nicolas Revillon, responsable logistique du marketing direct chez Euro RSCG Omnium. Le dernier document avec le visa de la Commission des opérations bancaires, est parvenu à l'agence le vendredi 30 novembre au soir. Et le dernier dépôt a été réalisé le 4 décembre. « Nous voulions laisser un maximum de temps aux clients sociétaires pour réfléchir en famille, explique Nicolas Revillon. Je n'avais pas envie d'éclater ma commande sur plusieurs prestataires car, compte tenu des délais courts, nous devions travailler sans filet . Or, trouver un prestataire unique capable de gérer un tel volume dans des délais si court, c'est rare. »L'opération a nécessité quinze jours de travail de préparation et de sensibilisation sur les cinq sites de production de Koba. Le mailing était composé de trois messages pour trois cibles différentes. L'agence recevait des courriers personnalisés de la part des quarante caisses régionales ; Koba les mettait sous pli, y ajoutait des documents dont le dernier avec le visa de la Cob. « Nous avons constaté une bonne mobilisation des intervenants et des responsables de production. L'opération s'est bien déroulée », apprécie Nicolas Revillon.