La personnalisation n'est pas un gadget !
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Dans le marketing direct, comme dans la communication, il y a l'aspect
créatif et il y a l'approche production, parfois, source d'antagonisme. Rien de
nouveau, sauf que la personnalisation faisant un appel massif à des techniques
de production sophistiquées, cela se traduit généralement par des surcoûts.
Pour Isabelle Delatouche, directrice de création chez Rapp Collins, « les
créatifs aimeraient bien que le mailing personnalisé garde une certaine logique
de lecture, obéisse à un scénario. D'abord on raconte une histoire au client.
Par exemple, on lui vante une nouvelle voiture et, à la fin, on l'invite à
venir dans la concession pour l'essayer. Oui mais, lorsque l'on va voir le
service fabrication, on s'entend dire "que techniquement ce n'est pas
possible". Donc, on met tous les éléments en vrac dans l'enveloppe. A
l'ouverture, ils sont dans le désordre et le client lit la chute de l'histoire
avant le début... » Pour répondre aux exigences de l'opération, l'agence est
amenée à élaborer plusieurs variantes de lettres. Par exemple pour La Poste, et
dans le cadre du programme de vente de la convention de compte Adispo, un
package comprenant le compte, la possibilité de consulter sur Internet, les
assurances..., il fallait écrire aux clients en tenant compte des produits
qu'ils avaient déjà, pour bien leur expliquer que l'adhésion ne leur coûterait
pas plus cher et qu'ils auraient des services en plus. Donc cinq ou six cas de
figure différents pour un seul paragraphe. Pour Pierre et Vacances, l'agence a
aussi élaboré des variantes tenant compte de l'historique du client : "Ces
trois dernières années, vous êtes partis à la mer. Cela vous dirait d'essayer
la montagne cet été ?" Pourtant, on ne peut pas multiplier les scénarios de
personnalisation indéfiniment. « Une dizaine de variantes, cela reste encore
gérable, mais au-delà cela devient difficile », analyse Isabelle Delatouche. «
Notre mission, c'est aussi d'informer les créatifs des possibilités offertes
par le matériel des imprimeurs, de son évolution, estime Claudia Courtois, chef
de fabrication chez EHSBrann/Communider. Nous devons parler ensemble des
contraintes du budget, de la quantité, des délais. Par exemple, quand les dates
sont trop rapprochées, il devient difficile de trouver un bon fournisseur au
meilleur prix. » Claudia Courtois est convaincue qu'une personnalisation plus
complexe peut avoir une valeur ajoutée. Mais l'édition personnalisée en
couleurs ou bien sur des documents à pliage en final, n'est pas une pratique
courante. Du reste, la personnalisation ne pose pas de grande contrainte durant
la production sauf quand il faut en passer par le rapprochement optique des
documents. La personnalisation peut prendre différentes formes. Pour un centre
de formation professionnelle, EHSBrann/Communider a proposé de mettre la photo
du futur formateur sur le mailing. Et, même s'il y a une cinquantaine de
formateurs, on peut changer de photo à chaque fois ; mais cette méthode n'est
utilisable que si vous n'avez pas plus de 2 000 destinataires. Pour un tirage
plus important, les prix de l'impression numérique deviennent exorbitants. Pour
une voiture, on va insérer la photo du concessionnaire et la changer suivant la
région. Pour une agence qui fait de la location de résidences, les photos
peuvent changer selon le destinataire. On peut même personnaliser les mailings
en changeant l'image du produit, selon que le destinataire est une femme ou un
homme. Autre possibilité de se distinguer : imaginer des pliages complexes mais
toujours réalisés en automatique. « Par exemple, dans un mailing pour des
concessions automobiles, il fallait réaliser une centaine de milliers d'envois
imprimés en continu, personnaliser les bons côtés pour que le dépliant et la
lettre sur une même bobine arrivent dans l'enveloppe dans le même sens,
façonner pour que le dépliant soit inséré dans la lettre et sans recourir au
rapprochement des documents », explique Claudia Courtois. « Pas si simple !
Parfois les créatifs utilisent des formats difficiles à exploiter. Par exemple,
quand on a un document au format poster, on ne peut le personnaliser qu'à
certains endroits, suivant les pliages sinon l'opéra- tion deviendrait trop
coûteuse », observe Pascal Coeurderoy, gérant de Alma Consultant. Peut-on
résumer ce débat ? On est tenté de partager l'avis exprimé par le patron d'une
agence, pour qui « la dépense est une bride sur le cou des créatifs. La
personnalisation n'est pas un gadget, elle doit toujours être justifiée ! »