La fidélisation client, dernier avatar du CRM
70 % des entreprises qui se sont lancées dans une stratégie de fidélisation client estiment que, pour avoir une meilleure vision du client, il faut d'une part, que l'organisation de l'entreprise soit centrée autour du client, et d'autre part, qu'il y ait une meilleure cohésion entre les métiers du marketing, de la relation client et de la fidélisation. Et en définitive, qu'il y ait un décloisonnement des responsabilités. C'est un des faits saillants de l'étude menée par Valoris sur la fidélisation client.
Valoris a mené, en septembre 2002, une étude sous la forme de 40
entretiens, en face à face ou au téléphone, auprès de directions marketing et
fidélisation, de responsables CRM ou de directions générales d'entreprises. Les
questions portaient sur le contexte de fidélisation dans l'entreprise, les
objectifs, les problématiques de segmentation, la définition des indicateurs de
performances ainsi que leurs modalités de pilotage, le modèle marketing,
l'organisation humaine et fonctionnelle, le système d'information et enfin le
bilan tiré de l'expérimentation de la fidélisation.
La cinquième variable
L'impression générale est que les stratégies de
fidélisation sont ce qu'il reste des expérimentations CRM. En effet, si le CRM
a permis une refonte du front-office, il a, en revanche, trop souvent été
abordé sous une problématique technologique, d'où un sentiment d'échec. Pour
Manuel da Rocha, partenaire Valoris en practice marketing, « le CRM est
maintenant remis à sa vraie place, la cinquième variable du mix marketing. Pour
preuve, la fonction de gestion de la relation client - une fonction nouvelle,
créée dans la vague des projets internet - est généralement intégrée dans les
équipes marketing. Les programmes de fidélisation sont ce qu'il reste de
tangible, après l'échec des projets CRM. » De fait, ces programmes retiennent
l'attention de la majorité des secteurs, en tant que l'une des briques de
l'approche de la relation client.
Où est le ROI ?
Aujourd'hui, on cherche à monter des projets concrets, avec des résultats
visibles. Quand on aborde les grandes lignes des stratégies de fidélisation, la
majorité des réponses portent sur le développement et l'optimisation du capital
client, ainsi que sur le développement du marketing client. À 70 %, les
répondants estiment que la fidélisation est devenue stratégique, et considèrent
que les forces de vente sont matures et que les canaux d'interaction clients
fonctionnent, au moins partiellement. En revanche, 25 % des répondants estiment
que le positionnement du métier de la fidélisation n'est pas clairement établi
et que la cellule de fidélisation, ou le programme, fonctionne indépendamment
des directions marketing ou commerciales, avec des objectifs différents. Par
ailleurs, les mêmes considèrent que les objectifs des forces de vente sont
orientés vers la conquête et qu'elles n'ont pas de vision complète du client
car elles ne sont pas connectées au système d'information. Ils pensent, en
définitive, que l'organisation opérationnelle de la fidélisation est encore
dans les limbes, elle se limite encore trop souvent à quelques opérations de
marketing direct. Et si un tiers des répondants pense être globalement
satisfait de la stratégie de fidélisation, un autre tiers n'en est que
partiellement content. Plus inquiétant, environ 40 % ne connaissent pas ou peu
le retour sur investissement de la fidélisation, même si 50 % peuvent évaluer
tout à fait ou globalement les investissements consentis par l'entreprise.
Reste que, plus de 60 % estiment qu'une évaluation à la hausse des dépenses de
fidélisation est prévue. La raison : la définition de nouveaux objectifs, liés
à une plus grande maturité.
Peu de segmentation
Quant aux objectifs économiques, pour les entreprises qui ont mis en place une
stratégie de fidélisation depuis moins d'un an, le développement du chiffre
d'affaires arrive en premier. Pour celles qui ont une plus grande maturité, les
objectifs de marge client deviennent de plus en plus déterminants ; ces
objectifs arrivant à égalité avec les objectifs de chiffre d'affaires pour la
majorité des entreprises qui ont plus de deux ans d'expérience en la matière.
Et si, en ce qui concerne les objectifs client, les deux tiers des répondants
veulent augmenter la satisfaction client, ils le font pour lutter contre
l'attrition. Cependant, ils ne sont que 10 % à penser que la récompense
systématique des clients les fidélise. La segmentation de la clientèle réserve
quelques surprises. En effet, 20 % des entreprises contactées pour l'enquête
n'ont pas défini de segmentation clientèle en matière de fidélisation. Et, plus
de 40 % n'ont pas d'objectifs spécifiques par segment de clients. La raison ?
Une connaissance client, notamment comportementale, insuffisante, des objectifs
stratégiques encore en phase de maturation et enfin des programmes ou des
actions de fidélisation qui relèvent plus de la promotion que d'un véritable
programme. Et, lorsque la segmentation des clients est effective, les critères
retenus portent sur les données constatées : identité, comportement, durée de
la relation commerciale. Les données modélisables portent majoritairement sur
une segmentation en fonction du chiffre d'affaires et de la marge générée, mais
aussi sur le potentiel de chiffre d'affaires que le client pourra dégager tout
le long de sa relation.
Stratégie multicanal
Pour la grande majorité des personnes interrogées, le face à face, via le point de
vente ou la force de vente, reste le canal de fidélisation privilégié.
Cependant, l'usage de plus en plus répandu des centres de contacts et des
médias interactifs prouve que la fidélisation peut passer par une stratégie
multicanal. Quant aux partenariats et aux programmes permettant de différencier
le client de façon officielle (cartes sélective, club VIP), ils restent
minoritaires. On remarque que les canaux majoritairement utilisés sont les
canaux entrants. Toutefois, chez les entreprises qui ont une bonne connaissance
client et une segmentation affinée, on note l'usage plus développé des canaux
sortants ainsi qu'une plus forte valorisation de l'interactivité et de la
personnalisation. Les modèles marketing répondent à trois grandes logiques. Une
logique d'adhésion, généralement sous la forme d'une carte ; une logique de
cycle de vie, en menant des actions en fonction des étapes du cycle de vie
client. De plus, ces modèles peuvent aussi être la combinaison de ces trois
logiques. Reste que 14 % seulement des entreprises sont tout à fait satisfaites
des programmes de fidélisation actuels. En matière d'organisation, 50 % des
répondants souhaitent des améliorations. 70 % réclament un décloisonnement des
métiers, dans le but d'organiser l'entreprise autour du client et de créer une
meilleure cohésion entre les départements marketing, relation client, et le
métier de la fidélisation. Ils réclament majoritairement une structure dédiée à
la fidélisation, reconnue et autonome.
Perte de parts de marché
Mais pourquoi, et comment, les entreprises ont-elles lancé
des programmes de fidélisation ? Le constat est révélateur. Pour un quart des
répondants, c'est à la suite d'une perte de parts de marché ou de baisse
d'activité. Plus inquiétant, un quart des entreprises ont lancé un programme
généralisé ex nihilo, sans stratégie, sans étude, sans segmentation, sans test
ou pilote. 60 % n'ont pas formalisé leur stratégie avant le lancement. 10 %
seulement ont fait une segmentation avant le lancement initial, et moins de 15
% ont mené des actions de sensibilisation en interne avant de mettre en place
leur stratégie de fidélisation. Quant à l'organisation fonctionnelle, plus de
75 % des répondants estiment qu'une adaptation de leur organisation a été
nécessaire, par la création d'une cellule dédiée et la nomination d'un
responsable, et une majorité considère que des adaptations complémentaires sont
prévues dans l'avenir. Chez certains, cela passe par le changement d'intitulés
de postes. La gestion des abonnés, fonction administrative, devenant, par
exemple, gestion de la relation client, une fonction plus commerciale. En
matière d'organisation des systèmes d'information, près de 40 % des entreprises
n'ont pas de référentiel client unique et, quand celui-ci existe, dans la
majorité des cas, soit il a été créé pour la fidélisation, soit on a dû le
faire évoluer.
Beaucoup de temps perdu
Et si c'était à refaire ? Les répondants auraient davantage anticipé la dimension fidélisation et défini des offres moins génériques et plus différenciantes. Au niveau des actions, ils auraient prévu plus de moyens, tant en termes de budgets, que de ressources humaines, de système d'information et d'outils. Enfin, ils auraient défini davantage d'objectifs quantitatifs. En matière d'organisation du système d'information, le constat n'étonnera que peu de gens : il aurait fallu commencer plus tôt le travail sur l'organisation du système, on aurait dû choisir un système d'information plus évolutif, plus souple et plus riche et on aurait dû faire appel à plus d'expertise en systèmes d'information... Car les répondants ont perdu beaucoup de temps. Quant à la promotion interne de la stratégie de fidélisation, le refrain est connu : 40 % des répondants auraient aimé plus communiquer et mieux sensibiliser les salariés aux bénéfices de la fidélisation, impliquer davantage la direction générale à un niveau plus opérationnel et impliquer le terrain beaucoup plus en amont. Un bilan contrasté donc, mais peu surprenant. Comme souvent, le CRM n'a été "vendu" que sous une forme technologique. On a mis la charrue avant les boeufs. Néanmoins, le pli est pris et le concept de stratégie de fidélisation est définitivement passé dans les moeurs. Reste à intégrer cette vision dans le projet global de l'entreprise, et impliquer l'ensemble des intervenants dans cette relation. Quitte à les intéresser financièrement.