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Du bon usage des données

Dans un monde économique de plus en plus concurrentiel, le géomarketing séduit toujours davantage d'entreprises. Pourtant, pas question de faire du géomarketing comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. Les études sont longues et demandent le recoupement de différentes bases de données. Et l'outil géographique n'est qu'un élément de présentation.

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Qui utilise le géomarketing ? Un tiers des entreprises selon certaines études. Beaucoup moins selon certains experts. Les secteurs les plus friands de ces informations sont les opérateurs de téléphonie (85 % d'entre eux selon une étude de GeoXpand, voir MD n° 55), la grande distribution (75 %), les banques, entreprises de communication et les assurances. Ces sociétés utilisent le géomarketing, notamment quand la concurrence devient forte. Mais ces chiffres semblent optimistes pour bon nombre d'acteurs du marché. La grande distribution utilise donc ces outils (voir Casino p. 84), y compris au niveau des magasins.

Franck Bleuzen (GeoXpand)

: "Il n'y a pas plus d'une dizaine de gros projets géomarketing par an".





Le Leclerc de Wattrelos a ainsi obtenu des résultats impressionnants. Dans son cas, la distribution d'imprimés sans adresse a été réduite de moitié. A 0,20 euro l'unité, les gains ne sont pas négligeables. Et le panier moyen a augmenté de 10 %. La grande distribution est particulièrement intéressée par ces outils, car elle dispose déjà d'informations importantes avec les données collectées via les cartes de fidélité. Mais elle doit analyser sa zone de chalandise avant de rechercher de nouveaux clients potentiels. Les enseignes sont en recherche de fidélisation et de reconquête sur un marché bloqué. Pourtant, il faut aussi savoir si l'on investit dans les outils ou si l'on fait appel à des prestataires spécialisés. Plus de 70 % des entreprises font du géomarketing en interne, mais il est difficile de savoir réellement si l'externalisation est en progression ou en régression. Les tendances diffèrent selon qu'elles proviennent des éditeurs de SIG (système d'information géographique) ou des prestataires de services. Chez Esri, on estime qu'un « transfert s'opère entre les sociétés d'études et les éditeurs de SIG. Les entreprises ne veulent plus payer au-delà de 20 000 euros pour une étude. » Elles utilisent donc des SIG, qui leur permettent de traiter les données dans l'entreprise au rythme de leur choix (quotidien, hebdomadaire) et de façon autonome. Cependant, ce choix ne signifie pas qu'il faut proscrire les expertises externes pour des études stratégiques comme l'optimisation des réseaux de points de vente. Et une sous-traitance de ces études peut parfois venir au secours d'un manque de compétence interne (voir interview de Philippe Latour p. 81). Il n'en reste pas moins vrai que le marché du géomarketing est encore jeune. Il ne dépasserait pas 30 millions d'euros avec une répartition équivalente entre les SIG et les études. Franck Bleuzen, P-dg de GeoXpand, est même beaucoup moins optimiste en l'évaluant à moins de 15 millions d'euros en tenant compte du fait qu'il n'y a pas plus « d'une dizaine de gros projets par an (0,5 à 0,6 million d'euros) ». Mais beaucoup évoquent un fort potentiel de développement avec une tendance à l'intégration sur les grands comptes et un début d'intérêt des PME-PMI. Christophe Girardier, P-dg d'Asterop, évalue « le potentiel de la GeoIntelligence à 150 millions d'euros dans les cinq ans à venir ». Chez les éditeurs de SIG, on remarque que le géomarketing reste encore mineur au sein de leur activité. Par exemple, chez Navtech, il représente 25 % du chiffre d'affaires, mais en moyenne, il est plutôt proche de 20 %. Ces sociétés considèrent « le géomarketing comme un marché émergent », selon Hélène Combot, responsable de marché, secteur service et commerce d'Esri, leader sur le marché français. Si l'on considère plus globalement, le marché de la géomatique, qui regroupe l'ensemble des techniques et des applications dédiées à la représentation et à l'analyse de données numériques à composante géographique et cartographique, la progression annuelle est évaluée globalement à 15 % depuis trois ans. Pour IETI Consultants, qui publie un observatoire annuel du secteur depuis 1992, la croissance devrait ralentir en 2002 (+ 5 %) et repartir en 2003 (+ 10 %). Quant à l'évaluation globale du marché, elle semble assez confuse. Selon le CNIG (Comité national de l'information géographique), il se situerait autour de 150 millions d'euros. Mais d'autres sources évoquent des chiffres bien supérieurs (200 ou 300 millions d'euros). Si l'on se réfère aux données du cabinet d'études Daratech sur le marché mondial, il semble impossible que la France dépasse 200 millions d'euros. En effet, ce cabinet d'études évalue le marché global mondial de la géomatique à 1 596 millions de dollars, dont 1 milliard de dollars pour les applications (en hausse de 7,6 % en 2001) avec un tiers pour l'Europe (34 %). Et le géomarketing ne représenterait que 6 % du marché... Au niveau des éditeurs de SIG, Esri est largement le leader mondial avec 36 % de parts de marché, devant Intergraph (16 %). L'année 2001 semble avoir souri à la majorité des acteurs du secteur. Les chiffres d'affaires sont en hausse, comme en témoignent les 18 % de progression de Tele Atlas ou les 17 % de Geo-Concept avec un résultat net de 1,43 MF (+ 209 %). Si le SIG est la partie la plus visible du géomarketing, ces éditeurs ne sont pas les seuls interlocuteurs à consulter.

Trois types d'interlocuteurs


Le géomarketing est essentiellement formé par trois types d'entreprises : les fournisseurs de bases de données, les éditeurs de SIG et les prestataires de service. Mais l'entreprise qui se lance n'a pas besoin de faire appel à toutes ces sociétés. Il existe des partenariats pour offrir des solutions globales.

Hélène Combot (Esri France)

: "Le géomarketing est pour nous un marché émergent".



Par exemple, Esri travaille avec Cartégie ou Geoxpand. Et une entreprise qui souhaite réaliser une étude de temps en temps peut très bien éviter d'investir dans du matériel coûteux en se contentant de faire appel à un prestataire spécialisé. Sinon, il faut commencer par les données cartographiques dont les prix sont en baisse depuis quelques années (20 à 30 % l'an passé chez IGN). Mais l'investissement est encore onéreux. Le choix est rapide : trois acteurs sont réellement présents sur le marché français : IGN, Tele Atlas et Navtech. L'IGN ne fournit que des données sur la France. Tele Atlas couvre également l'Europe et Navtech, la planète. Ces fournisseurs de BDD travaillent en partenariat, comme Tele Atlas et l'IGN. Un accord signé l'an passé permet au premier d'extraire et d'intégrer dans ses bases des données au 1 : 25 000, ainsi que les attributs de numérotation de rues (adresses) issus de la base Géoroute. Mais le spécialiste de la cartographie en France travaille aussi avec des éditeurs de SIG. Par exemple, Géoroute Raster est coédité avec Cartosphère (filiale d'Esri) avec des images issues de Géoroute et comprenant 8 niveaux d'échelles fixes sur toutes les agglomérations. Les fournisseurs de BDD alimentent les éditeurs de SIG ou les intégrateurs qui achètent les logiciels. Et Navtech vend également en mode ASP à des prestataires. « Nous avons des bases de haute qualité, car les données sont plus complexes pour la navigation embarquée que pour le géomarketing. Par exemple, nous avons quatre révisions annuelles de notre couverture mondiale », explique Pascal Boyeau, ingénieur commercial de l'entité Business. Navtech travaille avec le même format pour tous les pays et une précision de 15 mètres dans les applications traditionnelles. Cette entreprise américaine couvre 100 % des USA et de l'Europe du Nord. En 2005, l'ensemble de l'Europe sera couvert à 100 %. Cependant, la donnée cartographique n'est pas suffisante pour faire du géomarketing. Les informations socio-démographiques ou comportementales sont indispensables. L'Insee est particulièrement sollicité surtout depuis que les résultats du recensement 1999 sont disponibles. Ils permettent d'avoir des données à l'Iris 2000, soit une précision bien plus fine que par le passé (Iris 5000). Selon, Nicole Planade, chef de division des services spécifiques et des grands comptes à l'Insee Infos Service, « 2 000 habitants est une précision suffisante pour une banque qui veut développer son réseau. En deçà, cela demanderait beaucoup de travail pour un niveau de pertinence qui n'est pas évident. » En effet, certains spécialistes considèrent que les données à l'îlot ne sont pas fiables (voir interview). Pour compléter ces données, différentes sociétés proposent d'autres informa-tions : Consodata, Claritas, Experian. Consodata dispose d'une base de 3,5 millions de foyers avec des enquêtes comportementales deux fois par an. « Ces données qui concernent 2 500 critères d'informations couvrent 95 % des besoins sur la consommation des ménages », explique Jean-Daniel Paulet, directeur commercial de Consodata. Experian a développé GéoData, une base de données découpant le territoire français en 300 000 pâtés de maisons, 50 000 Iris et 24 millions de foyers consommateurs qualifiés et localisés. Grâce à des techniques d'analyse (GéoMining), ces données sont croisées, valorisées et transformées en informations pertinentes permettant aux entreprises de prendre des décisions adéquates. Claritas, dispose également d'une mégabase sur 4 millions de foyers, décrits selon plus de 2 000 critères socio-démographiques, de styles de vie et de comportements de consommation. En outre, elle propose Prizm, produit d'enrichissement individuel et de qualification à l'adresse de l'ensemble des foyers, qui comprend 19 classes et 60 sous-classes de ménages. Il fonctionne selon deux axes. L'axe vertical prend en compte la richesse au-delà des segmentations classiques qui opposent Paris/Province. L'axe horizontal privilégie l'environnement. Cette segmentation a été élaborée à partir de la mégabase Claritas, combinée au fichier des abonnés de France Télécom, ainsi que d'autres sources de données comme celles de l'Insee. Et Claritas ne s'arrête pas là puisqu'il dispose d'une gamme de SIG (MapInfo) depuis le rachat en 1999 d'ADDE. Et Stéphane Merger, directeur marketing et communication, de rappeler : « Notre force, sur le marché, est de posséder l'ensemble des composants et le savoir-faire. »

Le SIG, essentiel pour la visualisation


Si certains spécialistes considèrent le SIG (système d'information géographique) comme mineur dans le géomarketing, il est primordial pour présenter les informations. La prise en compte de l'aspect géographique remonte à une dizaine d'années. En France, le marché est dominé par Esri. Ensuite, on trouve essentiellement Claritas et Geoconcept, mais il existe bien d'autres entreprises comme Apic, Agi-Sqoft, Bentley, GeoTask, Magellan, Star Informatic ou Intergraph. Cependant, toutes ne travaillent pas dans le géomarketing. Pour ceux qui ne souhaitent pas investir des sommes astronomiques, il existe des solutions en mode ASP. C'est notamment le cas de Maporama, qui commercialise une solution géocentrique. Ainsi, Laurent Vermot-Gauchy, P-dg de Maporama, affirme que « les produits peuvent être connectés à l'informatique des clients et que certains d'entre eux l'utilisent en Intranet pour positionner les concurrents et les utilisateurs de cartes de fidélité ». Mais ces outils ne disposent pas de toutes les fonctions nécessaires au géomarketing. Et il semble bien que l'avenir du géomarketing ne passe pas réellement par Internet. En revanche, les entreprises qui disposent d'un réseau peuvent avoir un poste central, accessible via Intranet par les agences ou les magasins. Une autre solution via Internet consiste à réaliser une étude sans investissement et sans travail préalable, comme le propose Asterop avec GeoPotentiel. « Nous sommes la seule société à proposer un outil géomarketing, qui ne soit pas un SIG », prévient Christophe Girardier. Développé en partenariat avec ACNielsen, LSA et B & B Market, il est accessible aux acteurs de la grande distribution, pour définir des actions de marketing opérationnel et stratégique. Il reste que ce produit accessible via Internet, ne peut fournir toutes les informations d'une étude personnalisée. Alors, il est toujours possible de faire du géomarketing, sans créer de département spécialisé. Des sociétés comme Claritas, Mercuriale, Geocible, D interactive, GeoXpand ou Cartégie sont particulièrement rompues à ce type d'exercice.

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    Wunderman : « Identifier un potentiel »


    « Nous utilisons le géomarketing lors de la planification des campagnes de mailing, la définition des zones de potentiel, les campagnes promotionnelles, mais aussi les programmes de fidélisation pour Ford et de développement pour Quick ou Coca-Cola », précise Isabelle Cinquin, CRM Manager chez Wunderman. Cette agence qui comprend 180 collaborateurs est spécialisée dans le marketing relationnel (Web, marketing direct, télémarketing) et les actions promotionnelles sur les lieux de vente. Elle possède différents pôles, dont le CRM et le planning stratégique. « Le géomarketing permet d'identifier un potentiel, notamment avec les données d'Experian, de La Poste, de Consodata ou de Claritas. Quant à l'Iris 2000, il est utilisé via des sociétés qui font du géocodage et font leurs îlotypes. » Le géomarketing a toujours fait partie des compétences de cette agence, notamment pour définir des zones dans les prestations de mailing adressé. En revanche, elle ne se sent pas liée à des outils spécifiques, même « si nous travaillons beaucoup avec Experian, poursuit Isabelle Cinquin. Nous utilisons également les données de La Poste pour faire du ciblage pour le publipostage. Chez Claritas, la base est le fait de personnes très réactives au marketing direct. » Mais « le géomarketing est toujours couplé avec d'autres données, notamment pour mesurer l'effet d'une campagne ».

    Koba exploite les atouts du géomarketing


    "Envoyer le bon message, au bon moment chez le bon consommateur", telle est la devise de Koba, société spécialisée qui couvre plusieurs techniques du marketing direct : location de fichiers, géomarketing, traitement informatique des fichiers, logistique... Elle possède des clients dans les secteurs médias, communication, distribution et VPC, grande consommation, banque et assurance principalement. Ce courtier se voit confier « les bases de données clients pour les transformer en source de profit, explique Jean-Claude Hinault, directeur commercial et marketing. Nous travaillons sur 180 fichiers commercialisés. » Le géomarketing est très présent dans les équipes de statisticiens et fortement utilisé pour les mailings adressés ou la mise en forme de plan médias. « Nous apportons une expertise scientifique en travaillant avec MapInfo à partir de fichiers prospects ou clients avec un référentiel Insee avec l'Iris 2000 », explique Jean-Baptiste Costa, directeur du pôle études et conseil. Mais Koba travaille aussi avec les prénoms et l'âge, tout en restant prudent. « Les scoring prénoms sont parfois trompeurs, d'où la nécessité de recouper ces informations avec d'autres données », poursuit-il. Dans ce département, Koba loue 60 millions d'adresses par an et assure plus d'un milliard de francs d'affranchissement.

    Cartégie : visualiser la ville en 3 D


    Candidat au concours des Géo d'Or, lors du dernier GéoEvénement, Cartégie a présenté un outil d'aide à la décision en 3D. Une révolution dans le monde de la cartographie ! Cartégie 3D se rapproche de la réalité. En introduisant la troisième dimension dans la re- présentation géographique, Cartégie offre la possibilité d'avoir de nouveaux modes de présentation de résultats. Cet outil d'aide à la décision rend plus lisible la traduction de données comme des mouvements sur l'historique, la pression concurrentielle ou l'attractivité des zones. Cartégie 3D a été conçu en partenariat avec Bordeaux Métropole (communauté urbaine de Bordeaux), le LaBRI (laboratoire de sciences cognitives de l'université de Bordeaux) et avec le soutien de l'Anvar. Pour se lancer dans la réalisation de cet outil, Cartégie et ses partenaires sont partis de la problématique suivante : « Aujourd'hui, il ne s'agit pas seulement de restituer de l'information, mais de fournir aux utilisateurs des moyens de visualisation et de compréhension des données ». En réalisant cet outil sur la ville de Bordeaux, il s'agissait donc de se rapprocher le plus possible de la réalité de cette cité. Pour cela, il a fallu réaliser "la plus grande banque française de données urbaines sous forme de réalité virtuelle". Elle comprend le plan cadastral informatisé, puis un référentiel à grande échelle, des données économiques (Sirène), socio-démographiques (Iris 2000) et un fond routier Géoroute (IGN). Bien entendu, cette première application sur la ville girondine ne devrait pas rester sans lendemain et Cartégie a déjà des projets pour pouvoir naviguer en trois dimensions dans les rues d'autres villes. w Delta Diffusion : le géomarketing pour rationaliser l'édition « Nous faisions déjà du géomarketing, il y a très longtemps, avant même que le terme n'existe », estime Marc Fayet, directeur marketing de Delta Diffusion, réseau de distribution publicitaire à domicile. Aujourd'hui, cette filiale de la Comareg est dans l'expectative. En attendant, le rapprochement effectif avec Médiapost, les deux sociétés restent concurrentes. Delta Diffusion détient 20 % du marché de la PNA. Elle couvre 22 millions de boîtes aux lettres et distribue 5 milliards de documents pas an. Pour cela, elle dispose de 134 plates-formes sur le territoire français. L'aspect logistique est donc essentiel dans cette activité, où les clients sont aux deux tiers des enseignes de la grande distribution. Mais en amont, le géomarketing occupe une place de plus en plus essentielle. Cette entreprise travaille avec MapInfo et AdressMap, cette base cartographique pour laquelle elle a un accord de partenariat avec Claritas pour son enrichissement et sa mise à jour. Elle utilise les données de l'Insee (Iris 2000) et de la DGI (Direction générale des impôts) pour les revenus. Elle a recours à un partenariat avec Consodata pour les données comportementales et avec TNS Sécodip pour les bassins de consommation. Enfin, elle travaille sur les bases de ses clients. Le géomarketing est essentiel "pour optimiser la couverture de la cible" et informer les clients avec précision. Il permet de faire des économies, en évitant des éditions de documents trop importantes et des distributions mal ciblées.

  • Olivier Cognasse

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