Des mailings qui jouent sur l'émotion
Dans le caritatif, le mailing papier reste le meilleur ambassadeur des stratégies de recrutement. Canal privilégié des donateurs, il touche à l'affectif et déclenche souvent un maximum de dons. Un seul écueil à éviter: favoriser la créativité au détriment du retour sur investissement.
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S'il est un secteur à part, c'est bien celui du monde du caritatif. Le mailing y occupe en effet, loin devant les autres canaux du marketing direct, une place largement dominante. «Le sujet est sensible car on ne vend rien si ce n'est de la confiance envers une association, explique Eric Dutertre, président de l'agence Excel spécialisée dans le fundraising. Aujourd'hui, le papier est le seul média assez tangible pour convaincre les destinataires de donner.» Le monde caritatif «abuse» donc du canal papier, d'autant que les cibles concernées sont les seniors, voire les très grands seniors, qui représentent plus des trois quarts des donateurs. «On devient donateur en vieillissant, car on est alors plus directement concerné par la maladie ou la mort, poursuit Eric Dutertre. Cependant, on assiste actuellement à un glissement de la cible vers la génération des baby boomers, elle aussi habituée au courrier.» Ainsi, le mailing, fortement plébiscité par des associations qui veulent récolter des fonds importants pour leurs causes, aurait encore un bel avenir. Le courrier de collecte de dons n'a cependant pas grand-chose à voir avec le mailing marchand traditionnel. Il répond à des codes très précis, que les agences spécialisées - elles sont une demi-douzaine sur le marché - maîtrisent aujourd'hui parfaitement. «Tout repose sur le discours et le message que l'on souhaite faire passer à la cible, note, pour sa part, Alexis Vandevivère, directeur d'Adfinitas. Mais pas question d'abreuver le donateur d'informations en tous genres, au risque de noyer le discours. Ce qui compte dans le caritatif, c'est de toucher la «corde sensible» pour déclencher l'acte de don.»
Un discours basé sur l'affectif
Jouer sur l'émotion, tel est le leitmotiv des associations donc. Et pour ce faire, elles ont trouvé des techniques infaillibles devenues des incontournables des mailings caritatifs. Ainsi, les photos «humanisent» la demande pour les grandes causes (famine, I guerres, enfance en danger, etc.). Les testimoniaux sont également très prisés des associations pour leur côté impliquant. «Dans les secteurs marchands, on vante un bénéfice produit. Dans le caritatif, on essaye surtout de créer du lien entre le donateur et le bénéficiaire en montrant de manière très concrète au premier ce que son don apporte au second», souligne Eric Dutertre. L'Association des paralysés de France met ainsi systématiquement en scène une personne handicapée dans ses mailings de prospection, photos et témoignages à l'appui. «Cette mise en valeur d'un cas particulier nous sert d'accroché pour sensibiliser le donateur à un problème donné que nous généralisons ensuite avec un discours plus informatif», témoigne Christine Bourru-Lacouture, directrice déléguée au développement des ressources pour l'APF. Pour Claude Chaffiotte, p-dg de l'agence RMG Connect, il n'existe cependant pas de règle définie. «Certaines personnes seront plus sensibles à un discours, d'autres à une photo ou à un dessin d'enfant. C'est très variable d'un donateur à l'autre. Ce qui compte avant tout, c'est d'être en totale cohérence avec le sujet.» Si la plupart des associations ont bien intégré ces règles de base, d'autres peuvent parfois «déraper» et adopter un ton mal perçu par les destinataires. «Certains, pour collecter toujours plus, n'hésitent pas à faire du «dumping affectif» et vont loin dans la surenchère émotionnelle. Mais cela produit inévitablement l'effet inverse de celui qui est recherché, surtout en termes d'image», affirme Alexis Vandevivère. Exit également le ton culpabilisant qui, là encore, n'incite pas les personnes à donner pour une cause, aussi légitime soit-elle
Côté création, les mailings caritatifs sobres et monotones d'antan ont laissé la place à des supports qui conjuguent originalité et efficacité. L'enveloppe est, comme partout ailleurs, le premier contact avec le donateur potentiel et donc l'élément qui fait l'objet de toutes les attentions. «Le premier regard peut se porter sur le recto ou le verso au hasard de la boîte aux lettres. Les faces d'une enveloppe doivent donc se répondre, estime Claude Chaffiotte. On peut avoir une grande créativité tant au niveau des formats ou des fenêtres laissant découvrir une partie du message.» Chez WWF par exemple, les mailings comportent systématiquement deux fenêtres sur le recto. «Nous ne multiplions pas les créations, mais nous portons un effort tout particulier sur l'enveloppe, témoigne Frank Deleau, directeur marketing de l'association de défense de l'environnement. Nous intégrons toujours une seconde fenêtre en plus du pavé adresse pour présenter la cause concernée par le mailing avant même l'ouverture du courrier.»
Avis d'expert
Les nouvelles tendances du marketing caritatif
Par Hassan Mouheb, directeur associé de Soft Computing, animateur de l'atelier Marketing Automation du SNCD.
Levier principal de recrutement et de collecte de dons pour les associations caritatives, la communication horsmédias et le mailing papier sont plus que jamais au coeur du dispositif de communication du caritatif. Si les majors du secteur connaissent une notoriété forte et durable (Unicef, MSF, Greenpeace...), le paysage concurrentiel s'ouvre par la multiplication de ses acteurs (profession nalisation, spécialisation, prise de parole nationale, nouveaux entrants) et les sollicitations de collectes auprès des donateurs augmentent. Par ailleurs, si la population française tend à vieillir, le coeur de cible du caritatif s'en trouve renforcé mais l'assiette globale de don, elle, n'est pas extensible. Pour des associations devenues de vraies marques dans un jeu concurrentiel exacerbé, se pose la question d'une nouvelle posture pour répondre aux enjeux de fidélisation et de recrutement de nouveaux donateurs. Comment cibler, communiquer et se différencier auprès d'un donateur sur sollicité à la capacité de don relativement invariable (hors exception type Tsunami)? Pa une communication différenciée, sur la promesse (rôle du don) et sur le territoire de parole (l'affect, l'urgence...) et ce, à trois niveaux:
En étendant la cible à des donateurs moins seniors et en adaptant le plan de communication en termes de canal (courrier, Internet et mobile) et de «promesse» (le don ne reflète pas les mêmes valeurs personnelles selon les périodes de la vie).
Sur la forme, en proposant des créations toujours plus différenciantes, ce qui est déjà particulièrement bien fait (goodies relationnel). Mais aussi en prenant la parole à d'autres occasions encore peu couvertes par les acteurs du caritatif mais déjà exploitées par les annonceurs (banque, programmes de fidélité...). Enfin, sur le fond, en augmentant sa part de voix par des mécaniques de communication relationnelle innovante et durable telles que le marketing communautaire adapté au caritatif. En parallèle d'une communication par segment type RFM, les donateurs sont ainsi replacés dans leur rôle au sein de la communauté: leaders d'opinion et gourous, donateurs proactifs et donateurs passifs.
Un courrier destiné à sensibiliser une cible plus jeune en s'appuyant sur un reportage vidéo mettant en scène des personnes handicapées, victimes de discriminations
Des goodies d'endettement
Dans le secteur de la collecte de fonds, comme dans d'autres, une tendance chasse l'autre. Ainsi, depuis environ deux ans, fleurissent les enveloppes au format boîte. Si ces «mailing box» nécessitent un investissement plus important, ils assurent également, selon les adeptes de l'objet, des rendements pouvant être supérieurs de 10% aux mailings traditionnels. L'agence Excel l'a déjà expérimenté pour une dizaine d'organisations différentes et notamment pour l'Association des Paralysés de France qui a profité du support pour insérer un CD dans l'un de ses derniers mailings. «Outre le fait que ce format permet d'envoyer un plus grand nombre de documents, il facilite l'intégration des fameux gimmicks tant prisés des associations», estime Eric Dutertre. Car les goodies, ces petits gadgets que l'on retrouve dans la grande majorité des mailings caritatifs, sont l'autre grande spécialité du secteur. Rares sont aujourd'hui les courriers d'appel aux dons qui n'offrent pas des étiquettes courrier personnalisées ou des magnets. «Les goodies ont deux fonctions principales: ils permettent, d'une part, de donner du volume au mailing et de le faire ainsi émerger dans la boîte aux lettres et créent, d'autre part, une sorte «d'endettement» auprès du donateur qui se sent alors comme «obligé» défaire un don», détaille Claude Chaffiotte. Mais les cadeaux laissent peu à peu la place aux gadgets qui n'ont d'autre utilité que de renforcer visuellement le message que l'association souhaite faire passer. Ainsi, l'agence RMG Connect a récemment réalisé un mailing pour le compte d'Action Contre la Faim qui contenait une assiette en carton pliée en quatre symbolisant le manque de nourriture dans les pays en sous-développement. Même objectif chez Solidarités pour qui Adfinitas a conçu un mailing renfermant un bouchon en plastique censé représenter la ration quotidienne d'eau d'un enfant dans un pays pauvre. «Avec ce bouchon, nous avons pu donner une bonne épaisseur à l'enveloppe afin d'éveiller la curiosité du destinataire et l'inciter à ouvrir le courrier, explique Alexis Vandevivère d'Adfinitas. Mais le pouvoir symbolique de l'objet était aussi très fort. Bien plus parlant qu'un long discours.»
Les associations redoublent donc I d'imagination afin d'émerger dans un secteur très concurrentiel, poussées par l'arrivée sur le J1 marché français de grandes ONG J anglo-saxonnes qui n'hésitent pas à mettre des moyens considérables dans leurs opérations de collecte de dons. Tous ces partis pris créatifs en matière de mailings caritatifs, qui versent parfois dans la surenchère, commencent cependant à susciter la désapprobation de certains professionnels du secteur. Les mailings très haut de gamme semblent avoir de moins en moins de droit de cité dans la communication et les appels aux dons des associations, car ils entraînent des interrogations de la part des prospects quant à l'utilisation de l'argent des collectes. «Il semble que nous soyons arrivés aux limites d'un système où la créativité a pris le pas sur le ROI, estime Alexis Vandevivère. Le secteur commence donc à se recentrer sur ses classiques et la tendance semble tendre vers des mailings moins tape - à l'oeil, mais très concrets et donc toujours aussi efficaces.»