“Les entreprises de l'e-mail B to B en grand péril”
Quatre professionnels du fichier B to B - Emmanuel Armand, directeur du département marketing direct de Reed Exposition France, Renaud Chavanne, responsable Fichier Solutions d'Infopromotions, Yann Gozlan, directeur du développement de Charter et Lionel Kappelhoff, directeur associé de Dolist - réagissent aux dispositions de la LCEN.
Je m'abonne
« Aujourd'hui, 90 % des bases d'adresses e-mails utilisées en prospection B
to B sont opt-out. Une interprétation de la Loi pour la Confiance dans
l'Economie Numérique (LCEN), qui jetterait un doute sur la viabilité de ces
adresses, risquerait de rendre à terme impraticable la prospection entre
professionnels. L'interprétation des dispositions relatives à l'e-mailing
marketing, qui semble prévaloir aujourd'hui, met en péril de nombreuses
entreprises. Il ne serait pas étonnant que les principaux fournisseurs de
fichiers B to B préfèrent cesser prochainement leurs activités de location
e-mail, entraînant du même coup un appauvrissement du marché qui se répercutera
sur les annonceurs et les prestataires techniques. La situation est plus
dramatique qu'il ne semble au premier abord, pour des raisons simples, mais
méconnues. La première est un malentendu persistant : la loi réserve le régime
du consentement préalable (opt-in) à l'e-mail B to C, soumettant l'e-mail B to
B au régime du droit d'opposition (opt-out). De nombreux fournisseurs de
fichiers B to B ne se sont pas inquiétés de l'opt-in, maintenant leurs fichiers
en opt-out. Mais il apparaît qu'une application extensive du régime du
consentement préalable pourrait être aujourd'hui privilégiée, soumettant à
l'opt-in les adresses B to B contenant le nom et le prénom du contact. Si tel
était le cas, la plupart des fichiers se trouveraient condamnés. Les adresses
“génériques” (contact@lasociete.com, par exemple) sont très minoritaires et
très peu demandées car très peu utilisables. On peut imaginer adresser un
courrier à M. le Directeur de l'agence Société Générale de Vanves, mais est-il
raisonnable de penser que les annonceurs accepteront d'envoyer un e-mail à
contact@bnp.com ou à drh@renault.fr ?
Le marché privé de fichiers précieux
Bien sûr, l'opt-inisation des fichiers est une
alternative. Mais le malentendu cité plus haut a conduit de nombreuses
entreprises à rester en retrait. De surcroît, on a pu constater chez celles qui
l'ont testée des résultats très faibles, donc sans intérêt. Les fichiers B to B
étant généralement de taille limitée, le nombre d'adresses “opt-inisées”
n'atteint pas le volume critique qui permet d'envisager une commercialisation.
On objectera que des meilleurs résultats d'opt- inisation sont atteignables.
Peut-être, mais avec du temps. Une entreprise collectant des adresses B to B au
travers de son activité principale le fait au rythme de son “core business”, et
les cycles sont parfois longs. En définitive, n'est-il pas logique qu'en
milieu professionnel, le consentement ne se donne pas de la même manière ? Il
est compréhensible qu'un consommateur, satisfait à titre personnel d'une bonne
affaire, demande à recevoir les prochaines promotions. Mais qu'en est-il d'une
offre B to B, qui n'intéresse pas l'individu lui-même mais entre dans le cadre
de ses fonctions professionnelles ? L'intérêt direct d'une réponse positive à
la question “Souhaitez-vous recevoir des offres de tiers ?” semble beaucoup
plus difficile à évaluer. Rappelons que le segment des fichiers B to B est
occupé en bonne partie par des fournisseurs pour lesquels la location n'est
qu'une activité dérivée. Par peur de procédures, ou par crainte d'un impact
négatif sur leur image, ces entreprises renonceront rapidement aux 10 à 20 % de
chiffre d'affaires complémentaire générés avec leurs fichiers. Elles priveront
donc le marché de fichiers précieux, proposant des adresses très ciblées,
généralement plus prisées que les données généralistes avec lesquelles les
annonceurs réalisent encore une part non négligeable de leur activité. Il
faudra compenser, mais il est peu probable que l'on arrive à trouver rapidement
aussi bien au même prix. Enfin, de nombreux prestataires génèrent aujourd'hui
une partie de leur activité avec ces adresses. Ils devront également tirer les
conclusions du rétrécissement du marché qui s'annonce.»