Les "curators" vont-ils remplacer les journalistes ?
Comment se fait-il que certains grands musées soient en permanence déserts ou presque, alors que les queues s'allongent à l'entrée d'expositions thématiques dont la majorité des oeuvres présentées proviennent généralement des dits musées ? C'est grâce aux talents des "curators" que l'on voit aussi débarquer sur le web.
En anglais, un « curator » est l’équivalent d’un conservateur de musée qui serait aussi sociologue, philosophe, communiquant et commissaire d’exposition. C’est un être rare qui possède les savoirs, l’intuition et le talent nécessaires pour sélectionner des œuvres disparates et en faire une collection qui ait du sens, un ensemble dont la valeur perçue est très supérieure à celle de ses composantes.
La « curation » était au cœur des débats de la Social Media Week qui s’est tenue à Paris mi-février. Les propos des experts du numérique réunis à cette occasion n’avaient rien d’artistiques, mais leurs préoccupations étaient pourtant bien les mêmes que celles des « curators » du monde réel : le tri et le sens.
Lorsque, chaque minute, ce sont 36 heures de vidéos qui sont postées sur You Tube et plus de 4 milliards de photos sur le site Flickr, les questions du tri et du sens deviennent effectivement centrales. Non seulement la surabondance d’information tue l’intérêt pour l’information, mais elle multiplie les incertitudes sur sa véracité et la rend très difficile à interpréter.
Le « curator » a pour mission d’aider les petits Poucet perdus de la toile en sélectionnant des contenus web (des liens, des sons, des tweets, des vidéos, des statuts Facebook …) pour en faire des ensembles éditorialisés qui ont du sens.
Le développement de la « curation » est une bonne et une mauvaise nouvelle.
On peut en effet se réjouir que les émotions et les faits bruts qui déferlent sur Internet soient enfin triés et mis en perspective, comme c’est le cas sur tous les médias traditionnels.
Mais on peut aussi tout craindre des « curators ». En effet, à l’inverse des journalistes qui travaillent sur les sources et séparent les faits des commentaires, ils utilisent des outils informatiques (Curated.by, Storify, Tumblr ou le tout récent Scoop.it) pour déterminer l’intérêt d’une information et le sens à lui donner. Et ça, ce n’est pas une bonne nouvelle.