Les marques s’emparent de la vidéo virale
La vidéo virale est en train d’inonder Internet et les réseaux sociaux. Chiffres clés, évolutions et perspectives, Marie Dollé, Head of Content chez Kantar Media décrypte le phénomène
Je m'abonneLa vidéo virale est une vidéo diffusée sur internet, dont l’audience s’obtient généralement par un phénomène de recommandations ou de bouche à oreille. C’est donc un format particulièrement adapté aux discussions et partages qui ont lieu sur les réseaux sociaux. A en croire Nicola Mendelsohn, vice-présidente de Facebook EMEA, nous ne sommes pourtant qu’aux prémices d'une révolution majeure, puisque d’ici cinq ans « Facebook sera définitivement mobile et probablement tout vidéo ». Des mots reflétant une tendance de fond, que les marques suivent au pied de la lettre.
De fait, en 2016, Kantar Media a recensé 9.250 vidéos virales de marques, soit une augmentation de 21% par rapport à 2015. Avec une croissance de 48%, le secteur de la beauté occupe la première place en nombre de créations, grâce aux contributions de marques telles que L’Oréal, Gemey Maybelline Garnier et Coty. Le secteur de la mode est également très présent : Nike et Adidas se distinguent dans cet exercice, mais également des marques de luxe comme Chanel et Christian Dior Couture. Enfin, respectivement à la 3ème et 4ème place, on retrouve les secteurs de l’automobile et de l’alimentation, déjà rôdés au format vidéo pour la télévision, et de manière plus générale, aux stratégies cross-médias.
Comment expliquer cet engouement pour les vidéos virales ? Sans doute par les nombreuses perspectives qu’elles offrent : permettre aux marques de prendre la parole différemment, proposer des formats plus longs que les spots TV à la télévision, mais aussi de s’adresser aux nouvelles générations en leur racontant une histoire en lien avec leur identité, leur territoire et leurs valeurs, ce qu’on appelle du storytelling. Les vidéos adoptent les nouvelles écritures en vogue, et il n’est plus rare de retrouver des créations qui font la part belle aux emojis et autres filtres en vogue sur Snapchat. Une façon de renforcer le statut de « love brand » de la marque
Dans ces vidéos virales, on compte également les web-séries de marques qui rencontrent un grand succès car elles permettent de créer un rendez-vous régulier avec les audiences et d’intégrer la marque de manière contextualisée, sans générer un phénomène de rejet publicitaire. Un argument choc et malin, à l’heure où l’usage des adblockers ne fait que progresser inexorablement !
Le format gagne peu à peu en qualité. Les marques habituées à créer des contenus centrés sur elles-mêmes, ont compris qu’elles devaient accepter de s’effacer au profit d’une démarche plus “servicielle”, afin d’apporter une réelle valeur aux consommateurs. Un leitmotiv qui doit résonner dans les stratégies de marque : le Brand Content est mort, Vive les Content Brands !
Il n’est d’ailleurs pas rare de voir ces marques faire appel à des réalisateurs célèbres et également à des guest stars de prestige. Pour preuve ? En 2016, 262 vidéos virales ont intégré un influenceur, et l’on peut d’ores et déjà voir émerger de nouvelles logiques de créations : dans un premier temps, les marques engageaient des influenceurs pour apparaître dans leurs vidéos et s’intégrer à un scénario bien ficelé et défini. Plus récemment, les marques ont compris que si elles voulaient tirer le meilleur parti de leurs opérations avec les influenceurs, et que ces contenus résonnent auprès des audiences ciblées, elle devaient leur laisser plus de liberté. Un phénomène qui porte un nom : la co-création. Mais cette même logique est en train de se renouveler, puisque ces mêmes influenceurs vont désormais jusqu’à créer leur propre web-série, à l’image de Caroline Receveur qui a récemment lancé « Cute but Psycho ». De quoi se demander si, à l’avenir, la guest star pourrait ne pas être l’influenceur mais bien la marque, voir même l’employé expert de la marque (stratégie d’Employee Advocacy oblige !) Ironique, non ?
Assurément, le phénomène est parti pour continuer, s’accélérer mais surtout se renouveler grâce à une démocratisation du « live » et des technologies immersives (360°, VR, AR). Les formats seront également plus interactifs, un peu à l’image de ces livres dans les années 90 dont vous étiez le héros. Car là aussi, les marques ont compris que le buzz n’est pas une finalité en soi, et qu’au-delà des impressions ou des vues générées, il fallait s'intéresser au temps passé et aux interactions qu’elles engendrent. Car le maître mot est bel et bien l’engagement, associé à un savoir-faire data pour l’analyser.
Côté nouveautés, il faudra sans doute regarder du côté de Snap (la maison mère de Snapchat), qui se positionne désormais comme une « Camera Company », et devrait continuer à innover en proposant des formats hybrides à la croisée de ses lunettes-caméras Spectacles et des drones sur lesquels il se murmure que la firme d’Evan Spiegel travaille depuis quelque temps. Le tout couplé à de la réalité augmentée, au centre également des développements R&D de la marque. Ces technologies contribueront par ailleurs au développement d’un « web (social) ambiant » forçant, là encore, la vidéo à se dépasser
Bref, plus rapide, plus ancrée dans le réel, plus ludique aussi que les autres formats, la vidéo virale n’en finit plus de s’imposer. Et si vous n’en maîtrisez pas encore les codes, mieux vaudrait rattraper vite fait votre retard. Car devant ce raz-de-marée, des “séances” de rattrapage ne sont pas prévues au programme.
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