Bad buzz "Barilla n'a pas réagi comme il le fallait aux propos homophobes de son fondateur"
Guido Barilla, a déclaré sur une radio italienne "J'aime la famille traditionnelle. Si les homosexuels ne sont pas contents, ils peuvent manger des pâtes d'une autre marque !". Retour sur une communication de crise maladroite qui déchaîne les passions avec le boycott en toile de fond.
Je m'abonneRetour sur une communication de crise maladroite qui n'a su tirer les leçons ni des crises traversées par Perrier et ses traces de benzène, Nike et ses salariés âgés de 11 ans, Quick et son staphylocoque doré ni des erreurs commises par Total et sa marée noire, Findus et sa viande de cheval ou Guerlain vis-à-vis des propos racistes de son fondateurs.
Premières réactions sur Twitter. Mercredi 25 septembre. Guido Barilla, président du groupe éponyme, est l'invité d'une émission de radio et lâche une bombe en déclarant à propos de l'hypothèse pour son groupe de faire apparaître des familles homoparentales : "Pas question. J'aime la famille traditionnelle. Si les homosexuels ne sont pas contents, ils peuvent manger des pâtes d'une autre marque !".
Les premières réactions fusent aussitôt sur le très réactif réseau Twitter et dénoncent ces propos homophobes. Sur Twitter, a été lancé un concours des hashtags (à l'image de #adessopasta, jeu de mots entre pasta (pâte) et basta (ça suffit), adesso signifiant "maintenant"). Guido Barilla présente ses excuses dans la journée. Cela ne suffit pas. La polémique continue d'enfler et les appels au boycott se multiplient.
Pourquoi était-ce prévisible ?
Tout simplement parce que les consommateurs attendant une prise de position ferme de la marque elle-même. Que doit-elle faire? D'abord prendre ses distances, se désolidariser des propos de son fondateur et les condamner. Elle doit mettre en place une forteresse médiatique fondée autour de valeurs fortes, d'une éthique solide et responsable. Non seulement la communication de crise de Barilla est maladroite mais elle ouvre une opportunité importante de communication pour ses concurrents qui l'ont immédiatement saisis en communiquant sur leur conception ouverte de la famill e... Ainsi Buitoni a immédiatement publié : "Chez nous, il y a de la place pour tout le monde." et Garofalo "Les seules familles qui n'achètent pas notre marque sont celles qui n'aiment pas les pâtes.".
La marque Barilla aurait immédiatement du communiquer auprès des médias en expliquant de façon très forte qu'elle ne ressemblait en rien aux propos tenus par son fondateur. Au lieu de cela, c'est le fondateur de la marque qui accentuant la confusion entre la marque éponyme et lui, publie sur le compte facebook de la marque le message suivant : " Je m'excuse si mes mots ont généré de la controverse, de l'incompréhension, ou s'ils ont heurté la sensibilité... Je voudrais souligner que j'ai le plus grand respect pour tous, sans distinction d'aucune sorte. "
Lire aussi : Le Vatican, Porsche, McDonald's... Les 10 idées marketing de la semaine (28 octobre au 1er novembre)
Non seulement la marque ne prend pas la parole. Elle la laisse à son fondateur. Mais en plus, celui-ci tente maladroitement de prendre part à la conversation avec des propos manifestement insincères ce qui aboutira la plupart des médias à titrer " excuses forcées ".
La marque loupe le coche
Tenir un discours c'est bien, mais comment espérer qu'une communication aussi faible puisse permettre d'atténuer la crise, faute d'en esquisser la sortie ? Cette fausse honnêteté va couter cher à la marque. Les internautes ne sont pas dupes et les mots trop faibles. Cette communication a accentué le ternissement de la réputation de la marque. Trop tard, en basant sa communication de crise sur l'homme qu'il l'a généré, la marque loupe le coche. Sa stratégie était vouée à l'échec, morte-née. En effet, comment sérieusement espérer sortir indemne d'une crise médiatique suscitée par l'homme qui incarne son entreprise au risque de se confondre avec elle, aux yeux du public ? Devant la polémique qui se poursuit et la multiplication des appels au boycott, le groupe tente de reprendre la main. La marque doit éteindre cette polémique mais il est difficile d'éteindre une crise qu'on a laissé vivre si longtemps.
Toute la difficulté pour la marque aujourd'hui est de faire face à la gravité de la crise, en termes de communication. En laissant communiquer son fondateur, représentant éponyme de la marque, pourtant à l'origine même de la crise, la marque a été inaudible. Plus grave, elle s'est privée d'un instrument lui permettant d'atténuer la perception de la responsabilité de l'entreprise dans cette crise et donc protéger sa réputation. Pire encore, à l'heure où le contrôle du contenu sur internet est illusoire et la gestion de l'eréputation devenue un enjeu majeur, Barilla a démontré toute la désuétude de sa conception d'internet en privilégiant la diffusion unilatérale d'un message fleurant la mise en scène.
La marque doit aujourd'hui rassurer les consommateurs. Elle doit leur expliquer que leur confiance est ce qu'il y a de plus important pour elle. Elle doit explique que malgré tout le respect qu'elle a pour son fondateur, elle regrette ses propos qui n'engage que lui. Elle doit expliquer qu'elle regrette que ces propos qu'elle condamne aient un impact sur des salariés implantés dans le monde entier alors même que la qualité des produits n'est pas en cause.
Sur internet, la marque aurait dû faire diffuser cette version des faits par sa communauté d'internautes clients fidèles. En laissant communiquer sur internet son fondateur, la marque semble oublier qu'elle ne sera jamais aussi crédible que des milliers d'internautes qui, prenant fait et cause pour elle, viennent défendre ses produits et relayer les arguments de la marque, la dissociant des propos inexcusables de son fondateur. La marque aurait dû proposer un plan visant à promouvoir les outils de lutte contre la discrimination au sein de son groupe ou dans la société. Elle aurait aussi pu mettre l'internaute au coeur de son plan de riposte à la crise en proposant aux internautes un concours créatif basé sur la co-création visant à promouvoir les valeurs responsables du groupe. Une publicité aurait ainsi été choisie puis massivement relayée. La marque doit en tous les cas abandonner sa conception hiérarchique et dépassée de la diffusion de message pour faire de ses clients des relais crédibles de ses valeurs sur les réseaux sociaux... mais pour cela, elle doit commencer par prendre la parole elle-même !
En temps réel, la marque aurait dû s'appuyer sur le renfort de l'outil publicitaire pour démontrer autour de valeurs familiales qu'elle acceptait toutes les différences, toutes les sensibilités et toutes les diversités sociales.
Il est stupéfiant de constater à travers l'analyse de ce cas, que la marque Barilla n'avait manifestement pas préparé en amont une stratégie de riposte internet à une éventuelle crise alors que celle-ci est aujourd'hui absolument incontournable. Ce manque criant de préparation se manifeste d'ailleurs clairement dans l'action de ses community managers. Rapidement mis en cause par les internautes, ils n'ont pas été en mesure de répondre rapidement aux critiques, ni même en mesure d'expliquer que la marque avait pris connaissance de ces critiques mais qu'elle condamnait ces propos.
Community managers muets
Reste qu'alors que la marque connaît une crise, aucun plan d'action concret ne se dessine pour en sortir. Incapables à l'image de leur marque d'avoir des éléments de langage convaincants, les community managers se sont retrouvés muets sur les réseaux qui exigeaient une action urgente et percutante pour convaincre une large communauté de la nécessaire distanciation entre les propos de son fondateur et l'image de la marque de Barilla. Au lieu de cela, les community managers se sont basés sur les propos injustifiables du fondateur de la marque pour formuler leurs réponses, ne réussissant évidemment pas à changer la perception critique des internautes.
Barilla doit désormais tenter de se rattraper pour diminuer la visibilité des traces de cette crise sur internet en diffusant une contribution positive. Peut-être sera-t-elle alors plus efficace...
Après différentes expériences de conseiller auprès d'hommes politiques et au sein d'un parti républicain, Florian Silnicki a passé 2 ans au sein du cabinet de conseil en gestion de crises, Vae Solis Corporate où il a accompagné de grands comptes. Il est depuis 2012, directeur de la Communication et des Relations Institutionnelles de Didaxis.