Luxe : les clés d’une expérience e-commerce réussie
Les marques de luxe tardent à mettre en place une stratégie de commerce en ligne. Il existe pourtant des moyens pour transposer l’expérience client du luxe et de la beauté vers le digital.
Une frilosité envers le web qui n’a plus lieu d’être
Etonnamment certaines grandes marques n’ont toujours pas franchi le pas du e-commerce. Le grand saut soulève de nombreuses questions. Ce mode de distribution serait-il considéré par ces marques comme un simple effet de mode destiné à passer? L’exclusivité d’une grande marque devrait-elle reposer sur le filtrage de ses clients? L’augmentation du volume de commandes présenterait-il un risque de diminution de la qualité du produit ou d’une délocalisation forcée? Le web, synonyme de bonnes affaires, serait-il incompatible avec une image de marque reposant sur un savoir-faire et des produits onéreux? L’héritage de la marque et son univers peineraient-ils à se transposer au digital?
E-commerce et m-commerce sont incontournables
Les clients des grandes marques du luxe sont aussi des technophiles avertis, multi-équipés, avec un smartphone ou une tablette. Il est donc plus qu’urgent de répondre à leur demande avec des sites pensés pour ces supports. McKinsey&Company rapportait en 2013 que la moitié des recherches sur le luxe étaient effectuées depuis un mobile. Les achats, qu’ils soient impulsifs ou plus réfléchis, seront réalisés avec le premier appareil à portée de main, qu’il s’agisse d’un smartphone toujours prêt et disponible, d’un ordinateur avec un écran confortable ou d’une tablette favorisant les séances de « couch shopping » à la demande. Ces diverses expériences du e-commerce poussent les clients à exiger une expérience parfaite, qu’il s’agisse d’une brosse à dent livrée en une heure ou d’un solitaire sur platine.
Que faire si le site m-commerce ne transforme pas?
Pas de panique, il s’intègre dans un parcours où le client oscille entre les différents points de vente. Ainsi, la consultation mobile pourra se révéler déterminante avant un achat en boutique (comportement ROPO) ou plus tranquillement à domicile. Le m-commerce, toujours à portée de main, permet aussi de se différencier d’une partie de la concurrence ne proposant pas de site adapté au mobile ou n’étant pas suffisamment concrète (absence de prix) pour réussir à se projeter. Capter l’utilisateur au bon moment, lorsque son désir se manifeste, est primordial et des services contextualisés comme le product locator et l’e-réservation pourraient réduire les freins à la transformation.
Transposer les codes du luxe vers le digital
Transposer les codes du luxe au digital est un art qui dépend de la création artistique et de la sémiotique… et du contexte d’usage. Chaque grande maison dispose déjà d’un univers sensoriel élaboré qu’il va falloir réinventer car il n’est pas transposable tel quel. Ceci est lié à deux facteurs qu’il va falloir s’attacher à définir précisément à travers des scénarios d’usage :
- Le support de visualisation (écran plus ou moins petit mais très qualitatif)
- Le contexte d’usage de l’accès au luxe par le digital : est-ce une forme de réalité augmentée en boutique ou bien cela remplace t-il la boutique ?
Ainsi, un fond d’écran noir, dont la couleur est largement associée au luxe, ne permet pas une bonne lisibilité / lecture des produits à l’écran. Le fond noir devrait être réservé à une mise en scène bien particulière, pour jouer sur les contrastes et mettre en avant la lumière. De plus, la navigation dans un environnement sombre ne stimulerait pas un comportement d’achat. Tiffany et Hermès réussissent par exemple à se différencier par une expérience gaie et colorée qui favorise la découverte et laissera un souvenir plus durable, car réellement différent des concurrents (la majorité des sites de luxe prônant un fond noir).
Le détail des produits est l’élément essentiel de l’acte d’achat en ligne
Le luxe digital, quant à lui, consiste bien à offrir une expérience irréprochable et multi-device. Cette maîtrise passe évidemment par des éléments de réassurance et de service client, rappelant que le client est au centre de l’attention, mais surtout par une mise en valeur du produit, pour lui donner vie, le rendre réel et accessible tout de suite d’un seul mouvement du doigt. Le client doit pouvoir toucher du regard et percevoir la qualité du produit, analyser la macrophotographie en détail.
Par exemple, l’intérieur d’un sac, le grain de son cuir, ses coutures et autres boucles doivent sortir de l’écran pour toucher émotionnellement la cible. Ces détails sont les manifestes d’un artisanat d’excellence, héritage de la marque, au service d’un produit d’exception. Alors qu’il est désormais courant de voir de multiples photos pour une paire de baskets, les marques de luxe tentent de se différencier en proposant un seul visuel Photoshop aux couleurs infidèles pour écouler leurs montres, alors que le consommateur frustré voudrait inspecter le bracelet, la boucle, le remontoir, etc.
Inspirer, guider mais aussi limiter les freins à l’achat
Plus il y a de choix et plus il faudra guider l’e-consommateur de manière fluide jusqu’au panier. C’est l’occasion de positionner habilement l’upsell en insistant sur les différences (et non les points communs).
Il existe un autre élément à prendre en compte, que ce soit lors d’un achat onéreux ou non : la taille du produit. Il est compréhensible qu’un pure player distribuant des chaussures inclue un retour gratuit pour limiter les freins associés au choix de la pointure (parfois même des informations sur la largeur du pied pour en estimer le confort).
Dans ce contexte, comment justifier les réticences du luxe face aux photos réelles et aux visuels portés qui apporteraient à la fois un contexte, propice au cross sell et une échelle de taille qui favoriserait la projection (ou conforterait l’acheteur de cadeau) ? Quel genre de personne porte cet article ? Est-ce pour le quotidien ou pour une soirée ?
Une fois que cette vision est adoptée, l’étape suivante est la création de ponts entre les points de vente et le e-commerce pour renforcer l’engagement du client vis à vis de la marque à travers des services des services contextualisés en fonction du support et du moment.
Eric NOURI
UX Researcher, Axance