Le business du Tour de France
Chez Cochonou, on concède que le partenariat avec A.S.O. représente un tiers du budget de la marque sur le Tour de France : "Il faut y ajouter un tiers pour l'animation et la caravane, et un dernier tiers pour la communication dans les médias", avoue Patrick Bombart. Selon nos calculs, Cochonou investirait dans le Tour quelque 750 000 euros annuels.
Pour l'organisateur, le plus important est de permettre à chaque marque de s'intégrer intelligemment dans le dispositif, en utilisant au mieux son histoire et ses valeurs. "Comme dans un orchestre symphonique, chacun doit pouvoir jouer sa partition", dit en souriant Laurent Lachaux d'A.S.O. Ainsi, BIC va proposer les services d'un barbier sur le village de départ.
Un maillot plus sombre pour coller au logo du sponsor
"Nous sommes capables de proposer du sur-mesure. Skoda a souhaité modifier la couleur du maillot vert cette année, en l'assombrissant légèrement pour coller davantage à son logo. Nous avons accepté mais pas question de faire n'importe quoi non plus". Parfois, l'organisation doit aussi faire face à quelques tensions chez les partenaires : "Il nous est déjà arrivé de devoir démonter des panneaux publicitaires à cause du vent, ou de répondre d'audiences TV en baisse", avoue Laurent Lachaux.
Mais le Tour offre aussi aux partenaires des moments de visibilité inespérés, comme lors de l'étape de Bastia en 2013, où le car de l'équipe Orica reste coincé sous le portique de la ligne d'arrivée à quelques minutes de l'arrivée des coureurs. Bilan : l'image du grand logo Vittel, affiché sur le portique, passe en boucle à la télévision.
Des sponsors fidèles
Des imprévus qui n'empêchent pas les annonceurs de rester fidèles au Tour. Si les contrats sont signés pour une durée comprise entre trois et cinq ans, la durée moyenne d'un partenariat est de 17 ans. LCL, sponsor historique du maillot jaune, est présent sur le Tour depuis 35 ans et Orange (en incluant les années France Telecom), depuis plus de 45 ans.
En 2015, le Tour de France compte tout de même cette année un nouveau venu, avec le sud-africain Dimension Data, recruté par l'organisation après une grande vague de prospection autour du monde. Ce spécialiste de la donnée va apporter son expertise pour livrer des informations sur l'inclinaison de la pente ou l'écart en temps réel entre les coureurs. Mais attention à la concurrence entre les marques : Antargaz, partenaire historique, "bloque" ainsi l'accès à tout autre acteur du secteur énergétique, quand la présence d'AG2R ne permet pas à un autre assureur de rejoindre les sponsors du Tour.
Chez les partenaires actuels, les idées ne manquent pas pour optimiser la superbe vitrine offerte par le Tour de France, autour d'une même idée : mettre les fans en avant. Cochonou a ainsi créé, en 2006, le blog "Cochonou et vous", qui attire 300 000 visiteurs uniques par mois de mai à août, et jusqu'à 1 500 visites quotidiennes pendant le Tour.
"Nous avons beaucoup d'échanges avec le public. Certains nous préviennent qu'ils seront déguisés aux couleurs de la marque à tel kilomètre de l'étape du jour. Notre équipe sur place, un cameraman et une personne chargée du contenu, peut les prendre en photo et les mettre en avant sur le blog, affirme Patrick Bombart. En tant que fournisseur officiel, nous n'avons pas accès aux images de la course. Ce blog nous permet donc de livrer un point de vue différent, loin de la montagne d'informations fournie par les médias".
De son côté, Skoda renouvelle en 2015 l'opération "Skoda Fan Tour", qui vise à animer et récompenser ses fans en relayant leurs créations autour du Tour de France, de la peinture sur paille aux "crop circles" dans les champs. La plateforme, renommée cette année "We Love Cycling", permet aux fans de se créer un compte puis de publier leur création ou de commenter celles des autres. Car, pour les marques, le Tour est aussi un extraordinaire outil pour animer leurs communautés et renforcer le lien avec leurs consommateurs.
L'AVIS DE L'EXPERT :
Marc Mazodier : "Le message de la marque doit être compréhensible et persuasif"
N'y a-t-il pas, pour les partenaires du Tour de France, le risque de voir leur message dilué parmi tous les autres ? Pour Marc Mazodier, la réponse est évidente : "Le Tour a l'inconvénient, contrairement à d'autres événements sportifs, que toutes les équipes et leurs sponsors respectifs participent à la course au même moment, ce qui diminue les chances de mémorisation chez les spectateurs. C'est comme si les 20 équipes du championnat de France de football participaient au même match, et les marques devraient communiquer en même temps." S'ils veulent accroître la mémorisation de leur marque sur un événement comme le Tour de France, "il est primordial, pour les sponsors, que leur message soit compréhensible et persuasif. Sinon, il n'aura pas d'impact sur le consommateur".
Sur le Tour de France, les marques doivent également éviter le scepticisme ou la réaction négative éventuelle des spectateurs face à un spectacle qui perdrait son authenticité (on se souvient de l'affaire de dopage, en 1998) ou qui verserait dans le mercantilisme. "Il a été démontré que les consommateurs peuvent adopter une attitude négative devant un événement télévisé associé à de trop nombreuses marques".
Marc Mazodier est enseignant-chercheur à la Hong Kong Baptist University. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur le marketing sportif et le sponsorship.
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