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La communication associative à l'heure du lifting

Publié par Gwenaëlle De Kerret le

Le marketing associatif se renouvelle. De nouveaux modes de représentations et d'interpellation du public voient ainsi progressivement le jour. Ce virage est-il gage de plus d'impact et d'agrément ?

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Depuis quelques mois, les quatre par trois publicaitaires et les pages des magazines voient fleurir des publicités caritatives et humanitaires d’un nouveau genre. Notamment, les personnages mis en scène ne sont plus systématiquement les traditionnelles figures de victimes. L'image ne relaie plus de manière dramatique la misère ou la souffrance, contre lesquelles le public est appelé à se mobiliser. Au contraire, apparaissent des visages souriants, presque familiers, auxquels chacun peut s’identifier ou reconnaitre un proche.

Bouleversement des codes publicitaires

Dans ces affiches, le langage publicitaire renverse doublement les codes traditionnels de la communication associative. D'une part, ces publicités abandonnent le principe d'impact habituel : les gages de visibilité de l'affiche ne sont plus la violence (propre à susciter stupeur et fascination) et l'étrangeté (exotisme effarant d'une misère lointaine). Ainsi, ce n'est plus la situation humanitaire qui est mise en scène, mais au contraire le bénéfice du don : soulagement de la victime, sentiment de devoir accompli du donateur. La rhétorique de l'image ne passe donc plus par le sentiment d'effroi, face à un aperçu de la cause humanitaire, mais au contraire par la vision fugace et euphorique des conséquences du don.
D'autre part, ces publicités proposent un nouveau mode de lecture et d'identification avec la figure mise en scène, en rompant avec la distinction claire bénéficiaire / donateur. En effet, pendant les quelques secondes où le message se reconstitue dans l'esprit du lecteur, l'identité du personnage reste floue. Le lecteur hésite : qui est représenté dans cette scène? Cette figure familière peut-elle être la victime d'un tsunami, ou l'enfant d'une famille mal logée?

Une lecture de l’affiche en deux temps

L'attitude des usagers des passants, découvrant ces publicités, est ainsi symptomatique. Beaucoup s'arrêtent pendant quelques instants devant l'affiche, surpris et indécis sur le sens à lui donner : le caractère familier du visage, la banalité de la scène, voire l'émotion positive véhiculée, suggèrent une publicité émanant d'une marque de grande consommation ou d'une institution (banque, etc.). Mais quelques signes visuels perturbent cette première lecture : des cernes un peu trop marquées, une vitre cassée, un éclairage trop sombre... Soudain, ces éléments prennent le dessus sur le reste de l'image, et la lecture bascule. Le passant prend d'un coup conscience du genre et de l'intention de la publicité.
L'impact de ces publicité est ainsi médiat et progressif ; c’est-à-dire non plus dans l'instantanéité d'une image violente, mais dans le processus de renversement de la perception.

Conjugaison de signes contraires

Toute la force de ces publicités d'un nouveau genre tient donc dans l'ambivalence de l'image : là où les illustrations des publicités traditionnelles présentaient une convergence des signes (environnement exotique, situation dramatique, visages ostensiblement marqués par la misère), celles-là conjuguent subrepticement des signes d'étrangeté, propres à susciter l'émoi, et des signes de proximité, favorables à l’empathie.
La recette traditionnelle, fondée sur l’impact émotionnel d’une image violente, reste bien sûr d’actualité : appel au don de la Fondation Raoul Follereau pour lutter contre la lèpre, campagne de mobilisation contre la leucémie… Ces campagnes voient perdurer l’usage d’images fortes, projetant d’un coup dans la violence du drame.
Mais le virage de communication du secteur est fort, dans la mesure où, à travers la nouvelle vague publicitaire, l’impact et l’identification sont réorientés sur un processus cognitif : c’est le lecteur qui prend conscience, sans besoin d’image forte, de l’inquiétante étrangeté de ces situations dramatiques – des vies si proches de la siennes, et pourtant si injustement différentes.

Sur le plan rhétorique, le message est tout aussi simple qu'efficace : cette personne dont vous vous êtes sentis proches, pendant quelques instants, cet enfant dans lequel vous avez cru reconnaitre votre fils, votre neveu, cet enfant est en fait une victime innocente du mal logement, ou d'une catastrophe climatique.

Gwenaëlle De Kerret

Gwenaëlle De Kerret

Directrice d'études qualitatives

Gwenaëlle de Kerret est sémiologue et experte en études de public. Elle dirige des études internationales dans les secteurs de la consommation, [...]...

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