Web 2.0 et les études marketing
Les nouveaux outils sur lesquels s'appuient les citoyens et le maillage sociétal qu'ils permettent n'ont aucunement vocation à demeurer dans la seule sphère privée. Ils apparaissent tout autant à la disposition des annonceurs et de leurs conseils.
Imaginons ce que pourraient être demain les études marketing en leur
appliquant l'axiome couramment accepté “Web 1.0, c'était one to many. Web 2.0
sera many to many”. Web 0.0 – l'avant Web –, c'était un marché dichotomique se
resserrant autour de deux pôles. D'une part, de gigantesques réseaux
internationaux, les seuls capables d'apporter un service mondial aux annonceurs
planétaires, mais avec une offre de plus en plus standardisée et une dramatique
érosion des marges bénéficiaires. D'autre part, de petites structures très
réactives, où le dialogue s'instaure directement avec le management, mais avec
de grandes difficultés dans la mise en oeuvre de chantiers d'envergure,
notamment dans le domaine du quantitatif à l'international.
Or, Internet
conduit, plus que le face-à-face ou le téléphone, à la dissociation
terrain/analyse : un petit institut peut aujourd'hui, en sous-traitant le
terrain à un gestionnaire de panel en ligne, réaliser des études quantitatives
internationales. Le nouveau business model du quantitatif se rapproche de celui
du qualitatif. Web 1.0 provoque une importante redistribution des cartes,
hâtant certainement la disparition des instituts de moyenne taille ; les petits
pouvant désormais fournir une alternative crédible, même à l'international,
tant en quantitatif qu'en qualitatif. Toutefois, Web 1.0 ne rompt pas le schéma
one to many, soit une circulation verticale du sens et des connaissances ;
l'institut ayant pour mission d'apporter des réponses adaptées à des questions
d'annonceurs… qui ont bien souvent le plus grand mal à les poser.
S'exprimer de façon plus souple et plus sincère
Imaginons ce
que pourrait être – ce que commence à être – l'esprit Web 2.0 appliqué aux
études et au conseil marketing. Web 2.0 permet aux citoyens de s'exprimer de
façon plus souple et plus sincère que les forums d'hier. Plus authentiques que
les chat rooms, les blogs constituent, en effet, une mine inépuisable
d'expériences. Ceux qui font figure d'autorité se révèlent difficilement
accessibles aux techniques d'influence classiques. En outre, des sites citoyens
faciliteront la parole des consommateurs : des espaces de libre expression, sur
le modèle des blogs, mais unis autour de thématiques fédératrices. Pas de ces
pseudo-panels où les clients professionnalisés chassent la prime.
Ici, le
marketing se contentera d'accompagner, intelligemment, et d'observer,
comprendre et anticiper. Mais communiquer many to many n'est pas réservé aux
simples citoyens : la réflexion marketing également peut descendre sur la place
publique. Dans L'image de marque au fond d'un verre de vin (1), je ne vends
rien, je livre une réflexion et libre à chacun de l'utiliser pour son propre
compte. Sur mon blog Marketingisdead (2), je publie d'autres idées et, ici
encore, chacun est libre de puiser, adapter, s'approprier. D'autres bloggers
agissent de même, certains avec succès et d'autres moins. Soit une circulation
horizontale du sens. Et là encore, comme pour les blogs de recettes de cuisine
ou de broderie, des noeuds d'autorité apparaissent.
Faire jaillir les questions
C'est là que se crée le marketing de demain, marketing 2.0. Non pas en se contentant de répondre à des questions, mais en permettant à des millions de questions de jaillir ; car les réponses seront toujours beaucoup plus simples à apporter que les questions à poser. Tout ne restera pas sur Internet : il y aura aussi des rencontres “dans la vraie vie”. Ainsi sont nés “Les Mardis du Luxembourg”, un Think Tank qui s'est justement fixé pour mission de réfléchir aux conditions d'émergence d'un nouveau marketing. Pour visualiser le conseil marketing 2.0, on pourrait imaginer un maillage plus ou moins serré et des experts se rencontrant autour de projets concrets ; sans nécessité aucune de structures définitives ! Bien sûr, on ne fera pas l'économie de plates-formes de support ; un peu comme Typepad ou Blog- Spirit permettent aux blogs d'exister. Mais ce n'est pas là que se crée le sens ! Conseils et back-office : voilà le visage du marketing et des études marketing 2.0. Pour mémoire, Web 1.0, c'était des instituts et des clients.