Villages d'Astérix pour village mondial ?
Aujourd'hui, le sport n'est plus LE sport. Il s'est enrichi de nombreuses nouvelles pratiques qui ont rendu son identité fluctuante. Entre histoire et avenir des sports de glisse, renaissance d'un esprit club, réalité du marché et paysage des pratiques en France, petit parcours de mise en forme.
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Le sport, à l'instar d'autres secteurs, est régi à la fois par des
tendances profondes et l'écume de la mode. Ainsi, les grandes lignes de l'étude
sur "Les Pratiques physiques et sportives en France", réalisée en 1985 par la
mission statistique du ministère de la Jeunesse et des sports et le laboratoire
de sociologie de l'Insep (Institut National d'Education Physique) sont
confirmées par l'étude 2000. « Tout d'abord, n'oublions pas qu'au regard de
l'histoire une période de quinze ans est insuffisante pour faire vraiment sens,
explique Patrick Mignon, historien et sociologue à l'Insep. Cela dit, la
massification des pratiques - presque tout le monde fait du sport au sens large
du terme - s'accentue. Les pratiques continuent de se multiplier, notamment
dans le domaine de la glisse et des activités d'entretien. Le sport s'exerce de
plus en plus dans des cadres diversifiés, non formalisés, tels le cercle
familial et amical, les associations. Dorénavant, il est certain que la
compétition constitue un modèle en tant que spectacle mais n'incarne qu'une des
formes du sport. La différenciation entre hommes et femmes perdure. Les hommes
s'adonnent plus au sport au sens compétitif du terme et les femmes préfèrent
les activités de bien-être et d'entretien. Toutefois, la pratique du sport de
compétition par les femmes s'intensifie. La durée des pratiques s'allonge
encore dans le temps. Mais aussi, le sport est toujours lié à l'âge. Pour
résumer, je dirais que le paysage de 1985 développe ses grands traits. »
Le sport tissera-t-il un lien social ?
Mais le
principal changement qui s'est opéré dans le sport est son entrée dans le cycle
de la mode depuis la fin des années 70. « On pourrait même imaginer des défilés
avec des commentaires du genre : cet hiver sur les pistes vous porterez...,
pour vos randonnées vous serez séduits par..., à la piscine vous arborerez...,
etc. », poursuit Patrick Mignon. Le sport fait partie intégrante de la mode, et
vice versa, vogue du sportswear, du fridaywear, chaussures de sport... Design
et nouveaux matériaux en sont les deux principaux moteurs. Mais l'engouement
pour les nouveaux sports est largement suscité par le développement des
nouvelles technologies (voir interview d'Alain Loret). La grande question qui
demeure est celle de savoir si le sport porte en lui la faculté de recréer du
lien social. « Effectivement, en matière de prospective, si l'on considère
l'histoire de manière non-linéaire, en termes de fluctuations et de cycles, on
peut considérer que le sport amènera d'autres logiques de sociabilité, plus
proches de l'esprit de village, de club au sens véritable du terme », déclare
Patrick Mignon. « L'attrait de la contre-société sportive s'accroît comme
jamais lorsque se brouillent les repères idéologiques et politiques. Fin des
"transcendances" et des "grands messages", sans aucun doute, mais le sport les
rabat sur un univers réaliste où les actes sont toujours mesurables et
tangibles », écrit Georges Vigarello dans son excellent ouvrage Passion Sport.
C'est ainsi, peut-être, que nous allons voir se constituer des sortes de
village-club d'affinités sous le signe de la culture de la sensation qui fera
les beaux jours d'un marketing du corps et de l'esprit et dans une
effervescence créative qui réconcilie hédonisme et consommation. * "Passion
Sport, histoire d'une culture", Georges Vigarello, Editions Textuel.