Rétro-perspective des tendances créatives
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« Existe-t-il des tendances en matière de création de marques ? Qu'est-ce
qu'un nom à la mode ? Il n'est pas toujours aisé de répondre de manière globale
à ces questions qui nous sont régulièrement posées. Si l'on peut parfois
distinguer des tendances par secteur - le doublement du O pour les e-marques
avait fini par devenir une tarte à la crème -, des noms qui paraissent datés
dans certains secteurs continuent de séduire les autres : la parfumerie a,
depuis longtemps, abandonné les finales "is", toujours prisées par les banques
ou les industriels.
Retour sur les années précédentes
2000 avait vu fleurir une moisson de noms destinés à des services internet, des
néologismes aux sonorités nouvelles (Bebloom, Etnoka), qui avaient influencé
les marques du "monde réel" (Andaska, B'Twin). Un vent de liberté soufflait sur
la création, l'euphorie gagnait toute l'économie : les annonceurs osaient des
marques enthousiastes, optimistes : Baggo, Beau Fixe, Houra, Mappy. En 2001, la
majorité des créations concernait encore des services internet. D'ailleurs, on
citait la marque accompagnée de son extension, ".com", ".fr". Les e-marques se
généralisaient, et la grammaire spécifique de l'Internet était parfaitement
intégrée par tous. Ainsi, les dénominations pouvaient se permettre d'être plus
longues, d'agglutiner sans ponctuation des mots, des expressions
(labonnaction.com, viamichelin.com). Les néologismes privilégiaient les sons
occlusifs, plutôt évocateurs de force, de puissance : Pactéo, Owendo, Apkala,
Kéolis. Cette année-là, de nombreuses marques avaient la lettre A pour
initiale, un des critères des décideurs étant de figurer en tête de liste des
annuaires ou moteurs de recherche. Aujourd'hui, le classement alphabétique
n'est pas le plus pertinent, puisque tout se joue lors du référencement.
2002 : une cuvée très diversifiée
En 2002, les marques
citées présentent une variété de formes et d'évocations. Toutefois, notons que
cette année, la finale O ou EO est toujours très en vogue. Explication toute
simple : la plupart des noms sont sensés évoquer convivialité, proximité. La
lettre O, toute ronde, finale souvent latine, voire latino (verbe conjugué à la
première personne du singulier : amo, hablo, etc.), exprime une certaine
générosité, une dimension chaleureuse (Cléo, Doméo, Fisio, Ublo). L'engouement
pour les marques très "techno" s'est un peu émoussé (Intexxia, NeXXair). Les
sonorités 2002 sont plus féminines, même dans les secteurs de tradition plus
masculine, du moins dans les noms. Plusieurs marques se terminent en effet par
un son A ou IA (Millesima, Eulia, Gloria, Nectra...). On voit bien également
que les annonceurs privilégient les marques courtes, avec un maximum de deux
syllabes phonétiques (Atys, Tempus, Lyria). Notons que trois marques sont
formulées comme des exclamations, avec un point d'exclamation : Oh ! Ouizz !,
So Girl !, Simgo !. Les "créateurs" sont toujours à l'affût de nouveaux types
de constructions. Après les néologismes non signifiants, les formes verbales
"j'adore", "aimez-moi", les exclamations séduisent aussi les annonceurs, et pas
seulement les enthousiastes d'Internet (houra.fr, osana.com). Malgré
l'encombrement des bases de l'INPI, les mots signifiants ont toujours eu la
cote, quel que soit le secteur : Osmose, Initial, Féline, Nabab, Invincible,
Calligraphie, Premier Rôle, SomeOne. D'ailleurs, la création passe de plus en
plus souvent par le rachat des droits d'une marque existante, déjà déposée
(Invincible a été déposée en 1994, Vivango en 2000). Pour bénéficier d'une
marque signifiante, il faut parfois faire quelques petites concessions sur la
longueur des marques : Il était une fois, Mémoire d'homme, Mots de santé.
La tendance classique toujours vivace
La tendance
classique, c'est-à-dire latine ou latinisante, permet de créer des marques à
dimension internationale, sans nécessairement passer par l'anglais, ou des
marques qui donnent l'impression d'avoir toujours existé et de bénéficier déjà
d'un historique, d'un passé. Les sonorités latines donnent un statut plus
institutionnel aux noms et aux services ou produits (Scellius, Doméo, Nectra).
L'effet Vivendi persistait, il y a peu encore. Nous pourrons vérifier dans les
prochains mois si l'actualité récente contredit ou non cette évolution. La
mythologie est toujours source d'inspiration, même s'il faut désormais
convoquer des divinités plus exotiques ou moins connues (Atys, Kaidara).
Aujourd'hui, il n'est plus besoin de préciser ".fr" ou ".com" lorsque l'on cite
une marque ; il n'existe plus de vraie différence de forme ou de construction
entre les e-marques et les autres. Les contraintes de la législation sur les
marques et celles qui concernent les noms de domaine s'additionnent le plus
souvent car les marques doivent pouvoir exister indifféremment sur tous les
supports. Avec un peu de recul, on peut dire que la démocratisation d'Internet
a permis de générer un certain nombre de marques très créatives, tant au plan
des évocations que de l'aspect formel, dans l'ensemble des secteurs.
Aujourd'hui, les annonceurs sont prêts à accepter toutes sortes de marques, à
condition qu'elles restent accessibles, facilement compréhensibles et, surtout,
disponibles au plan juridique... Comme toujours ! »