Regards croisés sur le marché des études
Pour plus de 90 % des prestataires interrogés, les attentes des clients ont
évolué au cours des cinq dernières années (“beaucoup” 40,2 %). Tous les
intervenants sont d'accord pour dire que celles qui ont le plus évolué
concernent le besoin de recommandations directement opérationnelles et de
conseil. « Le marché est passé de l'ère de la collecte/fourniture de données à
celle de l'aide à la décision », notent Jean-Marie Milanini et Carine Lafitte
qui ont réalisé cette étude. Les problématiques internationales viennent
ensuite, mais leur besoin est nettement surévalué par les prestataires. La
grande surprise tient à la perception de l'évolution des attentes en termes de
prix. Alors que les prestataires jugent l'évolution de la pression sur les prix
comme l'une des plus importantes de ces dernières années, il n'en est pas de
même pour les annonceurs. Pour les prestataires, le prix serait la seconde
attente du client, juste après l'adéquation du projet au problème posé. Pour
leurs clients, cette attente n'arrive qu'en… dixième position. « Le marché
n'est pas condamné aux guerres des prix et à la banalisation », constate
Guillaume Weill, Dg de CRMMetrix. La satisfaction à l'égard de l'industrie est
très moyenne ; un constat partagé à la fois par les clients et les
prestataires, même si ces derniers ont tendance à légèrement surestimer la
satisfaction des clients (6,54/10 pour les clients, 6,88/10 pour les
prestataires). Pour les clients, peu d'attentes sont bien satisfaites,
notamment sur l'expertise marketing mais aussi, plus surprenant, sur
l'expertise métier. Un constat qui milite pour la mise en place systématique de
suivi de la satisfaction client, processus déjà mis en place par les instituts
détenteurs de la norme ISO 9001. Est-ce pour cette raison que les clients
souhaitent consulter davantage de petites sociétés (76,42 % des clients
interrogés) ?
Sortir d'un cercle vicieux
«
L'industrie des études s'est créée dans les années 60-70, caractérisée par une
relative pénurie de l'information sur les consommateurs, insiste Guillaume
Weill. La valeur ajoutée des instituts se trouvait dans la capacité à collecter
de l'information, et à la remettre à disposition des clients. Quarante ans plus
tard, ce qui devient de plus en plus important c'est de pouvoir gérer la masse
d'informations pour apporter une recommandation directement opérationnelle.
Aujourd'hui encore, l'essentiel des coûts est concentré dans les moyens de
collecte et de traitement. Résultat, les instituts continuent de collecter de
l'information, alors que les besoins des clients ont évolué vers plus de
conseil et d'expertise marketing. Le risque, c'est celui d'une offre de plus en
plus indifférenciée, où le prix est la variable d'ajustement principale à cause
de la faible différenciation des offres. Cette pression sur les prix entraîne
une pression forte sur la masse salariale des instituts, qui peuvent avoir de
plus en plus recours à des profils juniors, moins coûteux, mais aussi moins
experts, ce qui tend à accentuer la banalisation du marché. » Comment sortir de
ce cercle vicieux ? Pour Guillaume Weill, plusieurs directions devraient être
investiguées : réfléchir à une modification en profondeur du processus de
production de l'information, de manière à faire remonter la valeur ajoutée de
la collecte vers l'analyse de l'information ; travailler sur les stratégies de
formation interne, sur l'expertise métier ; éviter la “consanguinité” en
recrutant des profils complémentaires avec une véritable expérience marketing
ou distribution, pour amener plus d'expertise marketing. « De la capacité à
bien appréhender ces enjeux dépendent le futur de l'industrie des études et sa
place dans l'entreprise », conclut-il.