Plurimédia Les médias élargissent leur territoire de marque 1/2
Le succès des déclinaisons de produits aux couleurs des Star Academy et autres Popstars a donné un nouveau coup de projecteur aux stratégies des marques médias en matière de droits dérivés. Mais cette politique ne se limite pas à ces marques très médiatiques, dont il serait plus que hasardeux de parier sur la durée de vie. Porter ses couleurs hors du cadre d'origine, petit écran ou kiosque, est une tendance qui va en s'accentuant dans les médias comme dans les autres secteurs. Reste là aussi à rester fidèle aux valeurs des marques en se gardant de céder aux seuls appâts du gain à court terme.
Prisma Presse vient à son tour de sauter le pas. Depuis le 1er janvier
dernier, Dominique Fleurmont, ex-directrice de la diffusion et de la promotion
des titres, est officiellement nommée directrice du développement des produits
de marques pour l'ensemble des titres du groupe. Une fonction qui correspond à
une création de poste stratégique et qui traduit la volonté d'Axel Ganz, auquel
elle est directement rattachée, de construire un département spécifiquement axé
sur une activité de produits dérivés. « Je n'aime pas trop le terme de produits
dérivés qui implique plus une idée de merchandising, note Dominique Fleurmont.
Je préfère parler de développement de produits de marques, vu comme un aspect
du marketing des médias, un mode de communication de la marque. » Cette
activité n'est pas tout à fait nouvelle pour Dominique Fleurmont qui
travaillait déjà au développement de produits déclinés de GEO et Ça
m'intéresse. Initiée en 1999, la diversification de la marque GEO est
d'ailleurs la plus aboutie à ce jour. Il existe, en effet, un certain nombre de
livres, CD, vidéo et CD-Rom réunis sous la bannière "Les éditions GEO" et
réalisés la plupart du temps en coédition avec des éditeurs extérieurs. Les
produits sont diffusés à la fois sous forme d'un catalogue de vente par
correspondance adressé au printemps et en fin d'année aux abonnés du mensuel
mais également commercialisés dans les réseaux de distribution classique,
librairies et autres. Une stratégie similaire est à l'étude pour GEO Ado, la
déclinaison version jeune du mensuel lancée à la rentrée dernière. « GEO était
le magazine le plus évident au départ pour lancer des produits sous sa marque
par tout ce que le titre véhicule autour de la connaissance, de l'évasion »,
explique Dominique Fleurmont. GEO s'est d'ailleurs également fait voyagiste,
mais là uniquement pour ses abonnés, en organisant des voyages thématiques à
vocation culturelle, dans des endroits souvent inconnus du tourisme de masse.
Pas question toutefois d'aller au-delà en commercialisant, par exemple, du
sportswear, des lignes de bagages ou d'appareils photo, des produits pourtant
proches de son univers. Les responsables de GEO y ont bien pensé, mais raconte
Dominique Fleurmont, « on a testé ce genre de propositions en réunions de
groupes et il est apparu clairement qu'il y a des limites à l'image mercantile
qu'on peut donner de la marque. » Dans ses développements de produits, GEO a pu
bénéficier de l'expérience de National Geographic, arrivé dans le groupe Prisma
fin 1999. Le titre a, en effet, dés le départ fait le pari d'une large
déclinaison de produits dérivés, la plus récente étant la chaîne de télévision
éponyme lancée l'an dernier. « Notre stratégie est différente, nous préférons
que les marques s'installent avec leurs valeurs et nous les renforçons ensuite
par des produits qui rejaillissent sur les bénéfices des marques », précise
Dominique Fleurmont. Avant la création d'un poste dédié, Prisma Presse avait
déjà commencé, dans la foulée de GEO, à commercialiser des produits d'édition
autour de Ça m'intéresse, autre magazine positionné sur la découverte, la
compréhension du monde. La suite des événements devrait concerner cette fois un
registre plus grand public. « Nous sommes en train de faire le tour des
éditeurs des différents pôles pour savoir ce qu'ils souhaitent mais les marques
qui s'imposeront en priorité seront celles du pôle féminin, Femme Actuelle,
Prima et les titres de cuisine, annonce Dominique Fleurmont. Cela pourra
également concerner ensuite des titres comme Capital ou Télé Loisirs. » Alors à
quand du prêt-à-porter signé Prima ou des accessoires Femme Actuelle ? « Rien
n'est fermé mais rien n'est prévu dans ce domaine, répond Dominique Fleurmont.
Au départ, cela concernera plutôt des produits d'édition. »
"ELLE" FAIT FIGURE DE PRÉCURSEUR
Une politique en cela totalement
différente de celle appliquée depuis plusieurs années par Hachette Filipacchi
Medias autour de la marque Elle. Cela fait, en effet, plus de vingt ans que le
l'hebdomadaire féminin se décline en prêt-à-porter et accessoires de mode pour
femme et enfant. Sur les 400 ME que génère les ventes de ces produits, la zone
Asie-Pacifique, dont principalement le Japon, pèse pour 82 % et l'Europe 14 %
dont un petit tiers pour la France. Le reste est généré par les Etats-Unis en
phase de démarrage. Si la marque existe effectivement depuis longtemps, en
France comme en Europe, l'essor réel des ventes est beaucoup plus récent. « A
la différence des produits dérivés de la télévision où ce sont les émissions
qui véhiculent une image de marque et pas les chaînes en tant que telles, en
presse, les titres eux-mêmes sont des marques qui répondent à des attentes
précises des lectrices, analyse Fabrice Plaquevent, directeur général en charge
de la diversification chez Hachette Filipacchi Medias. Un titre comme Elle a
créé un lien émotionnel via un contenu de marque complexe, fort et
transgénérationnel. En termes de licences, c'est une vraie problématique de
répondre aux attentes des lectrices mais aussi des femmes qui vont s'approprier
la marque Elle et qui ne sont pas forcément les mêmes. On est à la fois sur un
phénomène mondial et transversal, il faut être prudent. » Un certain nombre
d'études pour identifier les attentes des unes et des autres ont déjà été
menées au Japon et commencent à être mises en oeuvre en France. Les collections
Elle sont créées par un studio spécifique situé au siège français du groupe
puis relayées par les 150 licenciés répartis dans le monde. Des collections qui
vont en s'étendant. Au printemps-été prochain, elles déclineront des nouvelles
lignes de lingerie de jour et de nuit, des accessoires de cheveux, une ligne de
chaussures Elle Sport et de la papeterie enfant. Cet élargissement de gammes
vaut également pour les titres périphériques de Elle. Elle Girl US, l'édition
américaine de la déclinaison junior du féminin, a ainsi lancé en décembre une
ligne de chaussures pour les 12-17ans. En France, c'est d'ailleurs la chaussure
pour laquelle craquent en premier les aficionados de la marque, suivie des
vêtements d'enfant et des lunettes. C'est d'ailleurs probablement à la
chaussure que sera consacré le magasin parisien sur l'ouverture duquel planche
le groupe HFM. Les "fashionistas" se souviennent probablement qu'il existait
déjà des boutiques Elle dans la capitale il y a quelques années mais qui ont
fermé leurs portes il y a cinq ans. Motif : "trop fourre-tout" d'où l'idée de
se concentrer sur un point de vente monoproduit. 6 boutiques existent par
ailleurs en Grande-Bretagne, 50 en Asie, celles là multiproduit. « Il ne s'agit
pas de faire un Colette bis, on restera dans l'accessible, explique Fabrice
Plaquevent. Cela vaut pour l'ensemble de la marque Elle avec laquelle on veut
rester dans une légitimité de territoire, à savoir s'adresser à une femme
urbaine, active, leader d'opinion, qui a envie de produits mode, mais
accessibles. » Jusqu'il y a encore quelque temps, le groupe HFM était
essentiellement concentré sur le licensing de la marque de son navire-amiral.
Elle représente, en effet, 95 % du business, les 5 % restant émanant de
produits déclinés de titres américains axés sur le bateau, l'automobile, etc.
Mais depuis quelques mois, le groupe a commencé à commercialiser des lignes
signées "Jeune et Jolie", comme des chaussures, des accessoires de cheveux,
etc. A la différence des collections de Elle, commercialisées en boutiques et
grands magasins, ces produits sont diffusés en grandes surfaces, magazine
populaire oblige. « Nous avons choisi Jeune et Jolie car le magazine a un
positionnement complémentaire de Elle et qu'il est lui aussi leader sur son
marché », explique Fabrice Plaquevent.