Organisation marketing et commerciale : un palier est atteint
Pour sa troisième édition, le Baromètre Market IAE, dont Marketing Magazine publie en exclusivité les principales tendances, s'enrichit d'un indicateur sur le multicanal. Et montre que le renouveau attendu pour 2004 n'est peut-être pas au rendez-vous.
Je m'abonneLe marketing dans l'entreprise : une stabilité des tendances
Les items suivis depuis l'origine du Baromètre *
révèlent une constance dans les évolutions. La fonction et les activités que le
marketing rassemble sont perçues comme disposant d'une position encore
améliorée dans l'entreprise. Voilà qui est positif. Mais les contours, les
subdivisions à l'intérieur du périmètre, en un mot la définition et les
caractéristiques du marketing, prouvent le caractère flou des frontières. En
d'autres termes, le rôle du marketing dans la performance de l'entreprise est
établi avec clarté dans tous les secteurs, sans aucune exception. Toutefois, à
y regarder de près, la crise d'existence du marketing n'est pas éloignée. Le
métier est plus difficile à maîtriser dans ses aspects techniques, il recouvre
souvent tant les aspects stratégiques que les facettes opérationnelles, se
rapproche de la vente et, paradoxalement, les fantassins, les chefs de
produits, connaissent des responsabilités amoindries. Voilà une sorte de
paradoxe : le marketing connaîtrait à la fois un élargissement de son champ
d'activités et une réduction de ses responsabilités. La fonction est
victorieuse, les acteurs sont fatigués ! Aux appréciations fortement nuancées
de 2003, qui soulignaient la relative non prise en compte des décideurs dans
l'élaboration du Système d'information marketing (Sim), succèdent des avis plus
positifs. Non seulement le Sim était perçu comme un outil utile, sans plus,
mais il était également critiqué parce que construit sans véritable
considération des besoins des décideurs marketing. Nous disions : au secours
les sociétés de conseil ! N'auriez-vous pas mis en place des usines à gaz CRM
sans suffisamment solliciter ceux qui doivent les utiliser ? Le baromètre met
ici en lumière un net progrès dans leur élaboration.
Climat : plus d'affaires, moins d'emplois
Le décalage déjà observé entre les
appréciations sur les activités d'une part et sur l'emploi d'autre part se
retrouve cette année. A des perspectives plutôt encourageantes en matière
d'activités, correspondent des réponses assez nettement négatives en ce qui
concerne l'emploi. Le secteur est-il touché par la “jobless recovery”, grave
maladie de ce début de siècle ? Les périodes médiocres s'accompagnent de
fusions, de regroupements de fonctions, voire de suppressions d'emplois, alors
que les phases d'optimisme sur la croissance n'appellent aucune traduction
positive sur l'emploi. On licencie quand cela va mal, ou simplement pas très
bien. On compte sur ses propres forces et on n'embauche pas, si cela va
mieux.
Multicanal : le must du moment
La maîtrise
toujours accrue des innombrables méthodes de contact avec les prospects et les
clients d'une part, la nécessité de tisser autour du client un réseau
relationnel toujours plus dense d'autre part, sont les raisons push / pull qui
font exploser le multicanal. L'unanimité est presque obtenue sur les objectifs
du multicanal : il est indispensable pour informer, conquérir et fidéliser le
client. Toutefois, il est mieux perçu dans son intérêt global de contact
clientèle que dans sa vertu supposée de joindre chaque segment avec plus
d'efficacité et avec plus d'efficience, c'est-à-dire à un coût moindre. Des
marges de progrès sont ainsi encore présentes. Mais, si on prolonge les
interrogations vers les difficultés de mise en œuvre du multicanal, les
jugements se font parfois plus sévères. On va rarement jusqu'à dire que les
clients se plaignent d'être cernés par des contacts trop nombreux et
désordonnés, mais le sentiment est bien net que la concurrence entre les canaux
n'est pas toujours maîtrisée avec la plus parfaite réussite. Les appréciations
négatives sont d'autant plus fortes que les entreprises sont de grande taille.
Le multicanal pour les banques, les assurances, les distributeurs, les
entreprises de services, toutes de niveau national ou mondial, est plus
particulièrement difficile à mettre en œuvre avec bonheur. Le partage est de
l'ordre de 40/60 entre les opinions négatives et les opinions positives en ce
qui concerne “l'implémentation” du multicanal. Un peu plus de 40 % des
répondants estiment que la stratégie multicanal n'a pas été suffisamment
réfléchie avant d'être lancée, que les difficultés de mise en œuvre sont
importantes, que la concurrence entre les canaux est mal maîtrisée. Plus d'un
tiers de déçus, à l'heure actuelle, c'est à la fois peu et beaucoup. C'est peu
si l'on raisonne en dynamique à un moment où la plupart des entreprises sortent
à peine de la phase de lancement du multicanal. Cela demeure beaucoup si on
conserve en tête que le marketing ne devrait s'engager dans une action qu'avec
une quasi-certitude de réussite, a fortiori lorsque le client est l'objectif
immédiat et que ce dernier peut percevoir dans l'instant les défauts de la
cuirasse.
A l'image de l'économie mondiale
En
conclusion, l'année 2004 du marketing s'annonce comme ressemblant de près à
l'économie mondiale. Au moment même de l'enquête étaient publiés, du côté
positif, les chiffres rehaussés de perspective de croissance pour le monde
entier (de 4 à 4,6 %) et suivaient, de manière dramatiquement objective, les
attentats de Madrid avec le dévissage boursier. Comment dans ces
circonstances, pour le marketing, utiliser une autre expression que celle en
cours pour toute l'économie : “optimisme mesuré teinté d'incertitude” ? 2004
s'annonçait comme l'amorce d'un renouveau. Aujourd'hui, l'expression de “palier
atteint” est plus proche de la réalité. * Précédentes parutions dans MM n° 69
(avril 2002) et 79 (mai 2003).
Méthodologie
Questionnaire auto-administré par voie postale entre le 15 février et 15 mars 2004 auprès de 356 professionnels, issus de la base de données Market de l'IAE de Paris.