Mike Kirkham (Groupe TNS) : « Internet provoque un changement fondamental »
Marketing Magazine : En ce début d'année 2005, comment se présente le groupe TNS ?
Mike Kirkham : Le groupe TNS est n°2
sur le marché mondial, avec environ 1,4 milliard d'euros de chiffre d'affaires
en 2004. Nous sommes présents dans 70 pays, et employons près de 14 000
personnes à plein temps. Environ 30 % de notre chiffre d'affaires est réalisé
par des services syndiqués en continu (panels, piges…) et 70 % par des études
ad hoc, sur lesquels nous sommes le n°1 mondial.
Souhaitez-vous voir ces proportions évoluer ?
M. K : J'aimerais qu'une proportion
plus importante de notre business soit réalisée par les services en continu, où
les marges sont plus importantes et la nature de la concurrence différente : en
général, sur la plupart des pays, nous n'avons qu'un seul concurrent. En
revanche, dans les études ad hoc, les barrières sont très faibles et, dans
chaque pays, il y a beaucoup de concurrents, ce qui entraîne toujours une
pression sur les prix.
Quelles sont les grandes lignes de votre stratégie ?
M. K : Nous avons créé un réseau mondial que nous
voulons exploiter. En étant présents, par exemple, sur les grands contrats des
entreprises multinationales, qui représentent une part croissante du marché.
L'année dernière, nous avons ainsi gagné un très gros contrat de la Commission
européenne, Eurobarometer, pour lequel notre réseau a été essentiel. Par
ailleurs, nous avons identifié des secteurs sur lesquels nous voulons nous
concentrer : l'Automobile, la Santé, les Télécoms, les Médias… avec une
politique de comptes-clés. Nous voulons aussi développer les services en
continu existants et en créer de nouveaux. C'est, par exemple, ce que nous
avons fait en France, en passant le panel Consoscan de 8 000 à 12 000 foyers ;
le panel consommateurs, en Grande-Bretagne, va passer de 15 000 à 20 000
foyers. Pour les études ad hoc, nous mettons l'emphase sur ce que nous appelons
les “Business Solutions”, les produits “brandés”, comme TRIM dans le domaine
de la satisfaction, qui vient de chez NFO. Enfin, notre dernier axe est
d'investir dans les solutions high-tech, pour délivrer à nos clients de
l'information plus rapide, plus pointue…
Comment voyez-vous l'évolution du marché des études ?
M. K : Dans les années 90,
c'est un marché qui a progressé chaque année, dans le monde, d'environ 9 % par
an. Et même pendant les années les plus difficiles - 2001, 2002 -, il a
continué de croître. Mais, ce qui est sûr aujourd'hui, c'est qu'il ne reviendra
pas à ses taux de croissance antérieurs. Il progressera de manière plus lente.
Dans ce contexte, l'Europe connaît la progression la plus faible ; la plus
forte étant le fait de l'Asie, tirée par la Chine. Nous ne pensons pas que
l'Europe de l'Ouest progressera de plus de 2 ou 3 % . C'est un problème pour
TNS parce que, comparativement à nos concurrents, nous avons une proportion de
notre chiffre d'affaires plus importante en Europe, plus de 60 %. Une autre
évolution, c'est la “consolidation” des clients, dans l'Automobile, l'industrie
pharmaceutique… Par ailleurs, quand les clients sont sur des marchés qui ne
progressent pas, à l'image de la grande consommation en Europe et en Amérique
du Nord, quand ils sont “pressés” par les distributeurs, s'ils veulent protéger
leurs marges, ils se tournent vers leurs fournisseurs. Notre industrie est
soumise à une pression croissante, et qui ne va pas disparaître, au niveau de
la négociation des contrats. D'autre part, notre industrie, elle aussi, va
continuer de se concentrer.
Avez-vous encore des projets d'acquisitions ?
M. K : Nous participons à ce processus de
consolidation. Ce qui ne veut pas dire que nous achèterons n'importe quoi, mais
que, si cela fait du sens, si cela nous aide à nous renforcer dans une partie
du monde donnée, nous le ferons. Par exemple, au Japon où il y a de bonnes
opportunités, ou au Brésil où nous annoncerons très prochainement une
acquisition.
Quel autres changements voyez-vous ?
M.
K : La croissance des projets internationaux. Et aussi le fait que notre
marché est soumis à la même règle que les autres : quand il y a des changements
technologiques, il existe une opportunité pour de nouveaux arrivants. C'est ce
qui arrive avec Internet.
Quelle est aujourd'hui l'importance du canal Internet ?
M. K : Aux Etats-Unis, sur un marché total de
l'ordre de 6,5 Md$, les études par Internet devraient représenter en 2005
environ 1,1 Md$, soit près de 30 % des études ad hoc. La collecte
d'informations par Internet y connaît une croissance fantastique depuis 2001.
En 1999, Internet représentait 10 % de la collecte des access panels
américains. En 2004 : 70 %. Il y a un changement fondamental. Qui est en train
de se passer également en Europe. En 2004, 37 % de notre chiffre d'affaires aux
Pays-Bas ont été réalisés sur Internet ; un résultat dû, aussi et
partiellement, au degré de pénétration d'Internet.
D'où le lancement de votre access panel européen on line...
M. K : Aux
Etats-Unis, suite au rachat de NFO, nous disposons d'un access panel on line
très puissant, très bien renseigné. En nous appuyant sur ce savoir faire, nous
lançons donc ce que nous avons appelé “6th Dimension”, en cohérence avec notre
positionnement “The 6th sens of business”. C'est une véritable initiative
européenne. Nous aurons une plate-forme centrale, aux Pays-Bas, et nous
construisons cet access panel sur les six pays européens principaux :
Allemagne, France, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Italie et Espagne. Avec un
objectif de plus d'un demi-million de panélistes en 2005. Avec 100 000
panélistes sur les principaux pays. Nous pourrons réaliser à la fois des
études domestiques et des études européennes, avec énormément de simplification
dans les processus par rapport aux études multipays par téléphone. Nous sommes
également en train de mettre en place une plate-forme technique commune entre
l'Europe et l'Amérique du Nord, pour réaliser depuis l'Europe des études sur
l'Amérique du Nord. C'est donc une initiative européenne, mais aussi
mondiale.
Quelles sont les caractéristiques de cet access panel on line ?
M. K : C'est, lui aussi, un “managed access panel”. Il y
a des sociétés qui offrent des “panels internet” qui ne sont que des listes
d'adresses e-mails. Elles ne gèrent pas leur panel. Nous, nous avons beaucoup
de renseignements sur nos panélistes. Nous ne leur envoyons pas toujours le
même questionnaire, nous avons beaucoup travaillé aux Etats-Unis pour optimiser
le nombre de questions à envoyer à quelqu'un dans un période de temps donné. Et
nous récompensons les gens. C'est pourquoi nous avons beaucoup plus de réponses
que les listes. Aux Etats-Unis, chacun de nos trois millions de panélistes a
son propre compte qu'il peut consulter en ligne. C'est un système très
personnalisé. Désormais, faire des études sera de plus en plus difficile et
coûteux par téléphone, mais beaucoup plus efficace et rapide par Internet.
Internet est très flexible.
Quel objectif de chiffre d'affaires vous êtes-vous fixé ?
M. K : L'objectif, qui me paraît réaliste,
est de réaliser, en 2007, 35 % de notre chiffre d'affaires européen en études
ad hoc via notre access panel on line. Ce taux variera selon les pays.
J'espère qu'il sera plus haut aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Scandinavie…
La France devrait être proche de ce niveau. Il sera plus bas en Grèce, au
Portugal…
Visez-vous la place de n°1 du marché mondial ?
M. K : Ce que je souhaite, c'est la croissance. Comme nos
actionnaires, bien sûr. Nos clients aussi, parce qu'ils aiment travailler avec
des sociétés innovantes… Et puis, dans les sociétés d'études, il y a beaucoup
de jeunes personnes intelligentes. Et c'est la croissance qui peut leur offrir
des opportunités.
Mike Kirkham
Né en 1946, diplômé de “Monmouth School and Oriel College”, à l'Université d'Oxford. A débuté sa carrière en tant qu'économiste. Rejoint AGB Research en 1970. Directeur général associé de la filiale anglaise en 1981. Puis occupe des responsabilités dans les différentes activités du groupe en Asie, Europe et Amérique du Nord. Entre au Board du groupe Taylor Nelson AGB en 1992. CEO du groupe Taylor Nelson Sofres plc en juin 2001.