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Les études au service de la refondation des marques

Marque Face à consommateur de plus en Jus exigeant, infidèle, dont le râleurs changent t qui cherche un sens à son acte de consommation, les marques se remettent En question. Les approches lises en place par les instituts leur apportent de nouvelles solutions pour revoir leur identité.

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Durs, durs, les temps sont durs pour les marques aujourd'hui. Leurs consommateurs ont changé. La crise économique de ces derniers mois est venue renforcer des tendances latentes en France depuis 2007 et, notamment, une aspiration forte au changement avec une vraie remise en cause de leurs valeurs et de leur façon de vivre.

L'étude Publicité & Société, réalisée par TNS Sofres pour l'agence Australie, montre bien que, malgré un certain retour à l'optimisme à fin août 2009 des consommateurs français, la reprise de l'envie de consommer n'est toujours pas au rendez-vous. Pour près d'un Français sur deux (47 %), il n'est pas nécessaire de dépenser pour être heureux et 48 % pensent qu'ils ne consommeront plus jamais comme avant (source : étude TNS Sofres/ CLM BBDO Momentum, déc. 2008). Surtout, leur désamour à l'égard des marques se renforce. D'autant que les consommateurs se révèlent de plus en plus experts dans le décryptage des stratégies marketing et communication : 78 % des Français interrogés pour l'étude Publicité & Société se déclarent méfiants à l'égard des marques, 59 % pensent qu'elles essayent de les berner et 59 % se déclarent indifférents à leur égard (+ 7 points vs. 2007). Ils sont de moins en moins nombreux à penser que les marques donnent envie et sont innovantes. D'autant que le levier «baisse des prix» est peu différenciant, comme l'indique l'enquête européenne «Brands in downturn» de TNS Sofres réalisée en juin 2009. «Le consommateur de l'après-crise ne sera définitivement plus le même. Ses priorités et sa relation aux marques ont changé», constate Laurent Habib, président d'Euro RSCG C&O, présentant l'étude «Crise et consommation : quelle nouvelle donne pour les marques ?», réalisée par Harris Interactive en France, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.

Le nouveau paradigme des marques

Les marques sont menacées, il est vrai, mais la lecture attentive de toutes ces études montre que rien n'est encore perdu. Interrogés en octobre 2009, pour la deuxième vague du baromètre GfK sur la crise, 17 % des Français affirmaient que les marques ne leur donnaient plus envie d'acheter, mais 18 % émettaient un avis contraire. «Un «ventre mou" de 58 % de Français est à la fois alarmant et encourageant, remarque Nathalie Mandavit, Brand & Advertising Department Director de GfK Custom Research France. Alarmant, parce que les marques, et probablement plus généralement l'hyperconsommation, font moins rêver. Encourageant, parce qu'il existe aujourd'hui un gigantesque potentiel pour les marques de créer une nouvelle relation marque/ consommateur en accompagnant ce dernier dans son expérience quotidienne de la marque au sens fonctionnel ou moral (développement de grandes causes et développement durable). »

Il existe donc des pistes pour que les marques renouent avec l'attachement de leurs consommateurs. A certaines conditions : fournir des produits de grande qualité, être une marque qui inspire confiance, qui soit moderne et qui apporte des solutions en période difficile. « C'est le moment de créer une nouvelle relation entre la marque et ses acheteurs. Rnouer avec le plaisir, apporter du service et surtout parler différemment aux consommateurs, avec plus de respect et de proximité», estime Pierre Gomy, directeur du développement de TNS Sofres. L'édition Brand Observer 2009 de l'Ifop, qui propose un ranking des critères constitutifs de l'attractivité d'une marque, montre bien que les dimensions d'utilité d'un produit, de durabilité, tout comme les valeurs humaines d'une marque (honnêteté, intégrité vis-à-vis du consommateur, responsabilité sociale) deviennent autant, voire plus, importantes que l'émotion et le plaisir délivrés par une marque et ses produits.

Les études sur la plateforme de marque, en tant que modèle pour définir l'identité de la marque et son positionnement, sont donc à l'ordre du jour dans de nombreuses entreprises. « Ce travail doit se nourrir de la vision que les consommateurs -et les non-consommateurs ont de la marque. De ce point de vue, les études de «fond de marque" sont un préalable essentiel du travail de refondation qui doit s'engager. La difficulté, dans le cas d'un repositionnement, est de proposer une nouvelle vision de la marque, de raconter une nouvelle histoire qui, sans renier le passé, propose un futur crédible et aspirationnel pour les consommateurs », précise Michael Bendavid, directeur général de Strategic Research, institut qui a développé son propre modèle, Strategic Platform. Ce dernier est d'ailleurs surpris de constater que nombre de marques ont fait l'impasse, ces dernières années, sur cette réflexion, se référant à leur plateforme historique sans prendre la mesure de la dégradation des valeurs d'origine. «La crise économique les pousse désormais à redécouvrir la nécessité de disposer d'instruments de navigation en état de marche», ajoute-t-il. La liste (non exhaustive) d'outils, en page 76, montre à quel point le sujet est au coeur des réflexions des instituts et de leurs clients. Et la créativité des instituts se poursuit : l'Ifop proposera ainsi dans quelques mois sa propre vision de la brand equity (valeur de la marque) .

Aux mesures traditionnelles de fond de marque et de capital marque (focalisées longtemps sur la notoriété, l'image... ) , les instituts vont désormais ajouter de nouvelles dimensions. «La marque est avant tout une affaire d'expérience et non de

perception, et les études marque doivent appréhender l'expérience du consommateur dans son exhaustivité avec deux incontournables : l'attachement et la confiance accordés à la marque», souligne Nathalie Mandavit. «Il s 'agit plus que jamais pour les marques dans une relation quasi-transactionnelle de s'engager, d'apporter des preuves, d'expliquer par le détail ce qu'elles apportent concrètement au consommateur, et non plus défaire des promesses qui auront toutes les chances de n'être jamais tenues. C'est la fin de ces promesses et le primat de la vérité offerte dans l'expérience», renchérit Bruno Bourdon, directeur général du Département Quali d'Ipsos Marketing. C'est tout le sens de l'outil Brand Mandala, qui prend ses distances avec les schémas classiques d'analyse des marques pour mieux les appréhender en contexte dans l'expérience qu'elles proposent à leurs consommateurs. C'est également l'approche d'eQual qui cherche à comprendre comment l'expérience qu'un consommateur a de la marque interagit sur les valeurs de cette dernière. «La marque doit sublimer l'expérience produit/ service et s 'interroger sur ce qui permet cette articulation», remarque Didier Laporte, p-dg d'eQual. BVA a récemment proposé, avec Jean-Noël Kapferer, un nouvel outil de pilotage de la marque, Brand Power System, qui mesure la capacité de résistance de la marque à l'attraction d'une offre concurrente, et ce, au-delà de l'image.

Une nouvelle plateforme de marque pour Simone Pérèle

Entreprise familiale spécialisée dans la lingerie féminine, Simone Pérèle se trouve aujourd'hui confrontée à un marché très atomisé. « C'était un peu une belle endormie qu 'il fallait réveiller. En 2007, la marque a ressenti la nécessité de repenser son positionnement », relate Inès de Montgon, directrice image et communication. L'entreprise s'est alors tournée vers InterView pour comprendre où en était le capital de la marque, quels atouts exploiter, quels leviers actionner (plateforme de marque, communication, produits, etc.). L'institut a proposé une méthodologie en cinq étapes, appelée Capital Innovation Marque ou «Le voyage prospectif au coeur de la marque». La première étape a consisté en une étude sémiologique du nom, du logo et du langage du marché de la lingerie. Une étape suivie de 24 entretiens à domicile, complétés par des reportages photographiques. « Un nombre idéal parce qu'il permettait de comprendre l'intimité des femmes et de dresser une typologie», explique Christine Pollet, CEO d'InterView. Dernière étape : découvrir la personnalité profonde de la marque au travers de groupes créatifs de quatre heures minimum, réalisés en France, Espagne et Grande-Bretagne (principaux marchés de la marque), mixant différentes tranches d'âge, des clientes de la marque, des non-clientes, des ex-clientes. Les enseignements de ces trois étapes ont été croisés avec une analyse des «tendances socio-marketing» d'InterView qui ont permis de formuler un positionnement définitif, de définir une identité, une image différenciatrice, les valeurs et les missions de la marque ainsi que les codes de séduction, et ont aidé au choix d'une égérie. «Notre premier acte fondateur a été d'expliquer le nouveau positionnement en interne, puis en externe. Ce dernier a été utilisé par les départements Style et Marketing/ communication », souligne Inès de Montgon. Cette étude fond de marque a permis de recréer une segmentation de produits calquée sur les typologies observées et de rédiger le brief agence qui a abouti à une campagne presse Web, catalogues et RP autour du concept «Simone, so French». «Les post-tests de la campagne pour la collection Automne-Hiver 2009/2010 se sont révélés très positifs et le carnet de commandes 2010 est excellent. Nous allons continuer à tester nos campagnes pour vérifier que nous ne dévions pas de la plateforme de marque», conclut Inès de Montgon.

Schneider Electric va au-delà du quali classique

Il y a trois ans, Schneider Electric a décidé de passer en France de plusieurs marques connues (Merlin-Gérin, Télémécanique, TAC... ) à une seule, Schneider Electric. «Nous avions besoin de comprendre ce que représentait la marque pour nos clients, se souvient Eric Marsan, responsable Etudes dans le département Marketing Stratégique de Schneider Electric en France. Et nous voulions une méthodologie qui aille au-delà des études qualitatives classiques. » L'entreprise a été séduite par l'Emotional Monitoring de Repères qui considère la marque comme une personne. L'outil lui a permis de mieux comprendre les grandes dimensions de la marque dans le temps, ses valeurs, ses missions. Et d'établir une typologie des clients selon leur vision de la marque. «C'est un outil de pilotage de la marque sur le long terme, qui permet d'agir à tous les niveaux, sur toutes les cibles, toutes les activités, qui met en évidence la relation qu 'ont nos clients à la marque et dont les résultats sont très facilement appropriables par l'interne», constate Eric Marsan. Une première vague Emotional Monitoring a été réalisée en 2007, suivie d'une deuxième en 2009, auprès d'un échantillon de 118 personnes représentatif des domaines d'activité de l'entreprise, issues du fichier clients de Schneider Electric. Elles ont été interrogées en ligne au moyen de jeux projectifs, afin d'éviter la rationalisation. « Ce qui prouve que le projectif passe auprès de toutes les cibles», remarque Eric Marsan. Chaque vague a été complétée par un baromètre d'image réalisé auprès de 688 personnes clientes de l'entreprise. «Les deux outils se nourrissent l'un de l'autre», précise Eric Marsan.

Eric Mars (Schneider Electric) : « Le projectif passe auprès de toutes les cibles.»

Eric Mars (Schneider Electric) : « Le projectif passe auprès de toutes les cibles.»

Les leviers de l'attachement

De son côté, Adwise propose un modèle qui prend en compte quatre niveaux d'analyse de la valeur d'une marque : le macro-social, le meso-social, le micro-social et le micro-individuel. «Nous partons du sociétal pour aller jusqu'à l'individu afin d'établir un diagnostic intégré marque-marché», explique Florence Hussenot, sa directrice générale. Added Value a ajouté à ses études sur la marque une quatrième dimension, la dimension culturelle, c'est-à-dire l'environnement, les tendances pour étudier la «brand personality», au moyen d'un nouvel outil, l'Archetype Game, un jeu sous forme de workshop avec le client. Repères, de son côté, propose l'Emotional Monitoring (cf. encadré ci-contre) .

«La notion de santé de la marque (croisement de l'equity avec le prix) est fondamentale aujourd'hui», constate Thomas Tougard, directeur général d'Ipsos Marketing. Avec Monitoring Brand Asset, Panel On The Web propose une démarche méthodologique qui entend relier la contribution de la marque et son image à la performance commerciale et aux leviers de croissance, le tout avec une vision projective. «Les entreprises veulent bien continuer à investir sur les marques, mais ces investissements doivent être justifiés par un vrai retour sur investissement; ce qui nécessite un arbitrage plus fin entre les moyens de communication», indique Philippe Jourdan, associé fondateur de Panel On The Web. De son côté, TNS Sofres a mis au point BPO (Brand Performance Optimization), un modèle qui permet de mesurer la santé de la marque, notamment avec deux indicateurs croisés avec les ventes, Power in the Mind (positionnement) et Power in the Market (variables du mix) . L'institut intègre des modules pour apporter une vraie opérationnalité «business» à court et long termes dans une recherche de construction de marque : outils de segmentation, outils de simulation, module Touchpoint (action des différents points de contacts).

Difficile d'ignorer l'impact du Web 2.0 quand on étudie une marque aujourd'hui. «Le développement de contenu permettant de créer une relation régulière avec les visiteurs est l 'un des plus grands challenges pour les équipes marketing. Pour cela, il faut s 'interroger sur la mission de la marque car, de marque totem, la marque devient média», note Guillaume Weill, directeur général de Crmmetrix, institut qui lance 6D360, un outil de mesure de l'impact marque à 360°. Et de préciser : «Le site de marque doit être perçu comme un hub marketing, un point de contact-clé qui va au-delà de la simple communication pour aboutir à une connaissance client en continu. » Ceci ouvre un nouveau champ de réflexion, qui requiert une double expertise : études et nouvelles technologies. Tout comme la dimension marque média. Autre vaste sujet...

Peugeot retrouve ses racines

Le 8 janvier 2010, Peugeot dévoilait sa nouvelle plateforme de marque, soutenue par une campagne corporate puissante confiée à l'agence BETC Euro RSCG, déployée d'abord en France, puis dans le monde. «Peugeot fête ses 200 ans d'histoire et s'est demandé où la marque en était de ses valeurs dans un contexte difficile alors même que la marque veut proposer une offre de mobilité large», explique Olivier Gandolfo, responsable publicité de Peugeot. Plusieurs groupes de travail multimétier et multidiscipline, animés par des cabinets extérieurs et complétés par des échanges avec un historien de l'automobile, Jean-Louis Doubet, ont été nécessaires pour réfléchir à ce qu'est la marque aujourd'hui et où elle souhaite aller. «Jean-Louis Doubet a joué un rôle très important pour nous aider à trouver le bon éclairage, nous faire partir de nos racines, nous faire prendre conscience que la marque Peugeot s'est toujours définie comme l'alliance de l'exigence et de l'émotion», relate Olivier Gandolfo. Cette phase de consultation a abouti à la nouvelle plateforme de marque, résumée par une nouvelle signature qui présentait le grand avantage d'être facilement transposable à l'international, «Peugeot : motion & emotion», prétestée en quali par TNS Sofres. «Nous avons aussi revu notre système de post-tests publicitaires pour en faire un outil de mesure de la performance de la commu nication et voir comment celle-ci construit, nourrit et enrichit dans le temps les valeurs de la marque», pécise Olivier Gandolfo. Un appel d'offres commun à Peugeot et à Citroën a été lancé au second semestre 2009 pour aboutir au choix de deux instituts : GfK, qui s'est vu confier la réalisation de la nouvelle méthodologie de posttest dans 13 pays, et CSA pour la mise en place d'un tracking de marque dans les cinq grands pays européens. «Ce sont des outils formidables», affirme Olivier Gandolfo, qui a tout de même eu recours à un pilote grandeur nature avant de valider le choix.

Olivier Gandolfo (Peugeot) : «La marque s'est toujours définie comme l'alliance de l'exigence et de l'émotion.»

Olivier Gandolfo (Peugeot) : «La marque s'est toujours définie comme l'alliance de l'exigence et de l'émotion.»

Anika Michalowska

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