Les effets psychologiques du design
Attaquée sur tous les fronts, environnement, comportements délinquants au volant, récession économique, l'automobile doit sans cesse être en quête de nouvelles solutions. Quelle est la politique de Renault ? Les commentaires de Patrick Le Quément, directeur du design.
Je m'abonneL'environnement économique vous inquiète-t-il ?
Nous éprouvons toujours de l'inquiétude dans une industrie cyclique. Et, comme
toute industrie, nous nous posons la question de l'impact économique des
événements. Toutefois, il est peu probable qu'ils se traduisent par une
désaffection vis-à-vis de l'automobile. Nous essayons de ne pas être surpris
par des évolutions en dents de scie et d'y trouver les adaptations nécessaires.
L'avantage du transport porte à porte constitue un avantage unique.
L'automobile et les transports en commun ne sont pas en contradiction. Il faut
simplement assurer une meilleure coordination entre les deux. Il faut aussi
préciser que beaucoup de campagnes ne disposent pas d'infrastructures de
transports en commun. Quant à l'Ile-de-France, les réseaux orientés vers le
centre de Paris sont complexes et pas toujours au point, même s'ils se sont
démocratisés.
Qu'en est-il des nouvelles énergies ?
Nous consacrons beaucoup d'investissements à ce domaine. Certains produits
répondent à des types particuliers d'attente. Mais, pour le moment, en raison
de l'autonomie limitée et du coût élevé, ce sont des moyens moins efficaces que
le moteur à combustion. Nous suivons d'autres pistes de recherche d'hybrides,
comme la pile à combustible. Mais il est encore trop tôt. Il faut dire aussi
que le moteur à combustion devient de plus en plus propre.
L'intégration de l'informatique est-elle une préoccupation importante ?
L'informatique a suscité partout un engouement. Mais
nous sommes une entreprise citoyenne. Nous ne proposons pas de nouvelles
prestations sans en avoir étudié les conséquences. Regardez le cas du
téléphone. Il est avéré qu'il est dangereux. Le "mains libres" le serait aussi.
La réalité est souvent délicate à appréhender.
Expliquez-nous l'enjeu du projet Talisman.
Il s'agit d'une étude préliminaire
pour tester le marché. Talisman est une sorte d'écrin qui présente notre
conception de l'intérieur de l'automobile. Nous voulons contribuer à ce que
l'automobile reste un plaisir et soit associée à une idée de sérénité. Le
design cherche à créer un effet psychologique de détente. Nous avons travaillé
sur ce que nous appelons la "simplexité", c'est-à-dire une approche ergonomique
à la fois plus fonctionnelle et plus légère. Les commandes sont compréhensibles
dès le premier coup d'oeil. La conformité de la manoeuvre est signalée
immédiatement. Nous visons à susciter le minimum de stress dans la
manipulation. Je suis convaincu que le design peut jouer un rôle important dans
le confort à la fois conscient et subconscient de l'individu. Ces intérieurs
qui ressemblent à des tableaux de bord d'avions de chasse entraînent des
comportements agressifs.
Justement, que pensez-vous de l'aggravation des comportements délinquants au volant ?
Il faut
dénoncer l'incivilité au volant, ainsi que cette pratique inacceptable de plus
en plus fréquente du dépassement sur la droite. Ce manque de responsabilité
doit être compensé par une meilleure éducation. C'est un problème que doit
traiter l'Etat. Nous suivons de très près les analyses sociétales pour mieux
les comprendre et participer à trouver des solutions. Chez Renault, nous sommes
conscients que nous devons contribuer à dissiper cette illusion de surpuissance
présente dans la conduite automobile. Nous cherchons aussi à proposer une très
bonne sécurité à l'intérieur de nos véhicules.
Les regroupements de constructeurs ne risquent-ils pas d'affaiblir l'offre ?
Je ne le
pense pas. Jusqu'ici, les effets de ces regroupements s'avèrent positifs, tant
dans la richesse de l'offre que dans le prix de vente.
Quels sont les changements qui vont intervenir dans le domaine de l'automobile ?
La pluralité des modes de distribution se poursuivra car la
variété continuera à dominer. De nouvelles formes de location et de service
global vont apparaître. Mais la propriété reste la réaction dominante. La
relation à l'intimité n'est pas la même. Certains peuvent préférer les chambres
d'hôtel. Mais la majorité aime mieux posséder l'intérieur qu'elle a choisi.
Surtout, nous nous dirigeons vers des offres de plus en plus personnalisées,
des produits de moins en moins standards, un design à façon, riche dans ses
catalogues. L'outil industriel va s'adapter à une nouvelle distribution pour
construire et livrer à l'utilisateur dans un temps réduit le produit qu'il a
exactement choisi. Nous nous attachons aussi à mener des opérations sur un
thème marketing où deux marques s'associent, comme nous l'avons déjà fait avec
Kenzo, pour offrir une série limitée qui constitue une prestation avantageuse,
tant sur la qualité que sur le prix.