Les cadres, une cible à recadrer Interdeco identifie les nouveaux leaders de consommation
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Bouclée avant l'été, l'étude Interdeco a depuis déclenché des commentaires
entre ceux qui y voient un effet de mode et ceux qui la considèrent comme un
premier pas vers une réflexion nouvelle sur le marché. « Notre démarche n'a pas
été de vouloir révolutionner les techniques habituelles de médiaplanning,
tempère Cyril Gardere, directeur de la publicité de Paris Match. Nous avons
surtout voulu apporter un éclairage différent autour de certains concepts qui
méritent d'être dépoussiérés. » Le pôle actualité d'Interdeco qui en est à
l'origine (Le Point, Paris Match et le Journal Du Dimanche) met en avant la
caution du Crédoc à qui il a été demandé d'analyser, concernant les cadres,
dans quelle mesure les caractéristiques socio-démographiques gardaient un
pouvoir explicatif et prédictif des comportements de consommation. « Quand un
annonceur utilise le critère de cadres pour définir sa cible, il fait
l'hypothèse d'une manière homogène de consommer alors que ce groupe est devenu
très hétérogène, constate Bruno Schmutz, directeur d'études chez Interdeco.
Nous avons voulu mettre l'accent sur une idée ancienne mais pas forcément
répandue en marketing et publicité qui est que la notion de cadres est
extrêmement fragile. »
UNE POPULATION QUI RECOUVRE DE TRÈS GRANDES DISPARITÉS
L'étude s'est attaquer aux raisons pour lesquelles on
cible d'emblée cette population. Concernant la première d'entre elles, revenus
et pouvoir d'achat, si les AB + disposent d'un revenu souvent supérieur à la
moyenne nationale - 54 % des foyers AB + ont un revenu mensuel supérieur à 20
KF - cette population recouvre de très grandes disparités. Interdeco relève,
que près de 40 % des foyers cadres ont un revenu mensuel inférieur à 6 500
francs par personne et qu'ils présentent un niveau d'endettement souvent élevé
(près de 30 % ont plus de 300 KF à rembourser). Cette population de 5,6
millions de personnes selon l'Insee, qui va de l'artisan à l'ingénieur en
passant par l'instituteur, affiche des revenus mensuels moyens qui vont du
simple au double. S'ils disposent d'un équipement parfois supérieur à la
moyenne nationale, leur consommation n'est pas toujours la plus dynamique.
L'étude s'appuie pour cela sur l'ancienneté dans la banque principale, ou
encore l'achat d'occasion de la voiture entre des chefs de foyers AB et AB +.
Ces éléments posés, l'étude est rentrée dans le vif du sujet en cherchant à
savoir qui étaient les populations leaders de consommation sur un certain
nombre de marchés (automobile, banque, électroménager, équipement de loisirs,
tourisme et ameublement-décoration). La méthode utilisée a consisté à
identifier avec le Crédoc les plus gros consommateurs en distinguant, à
l'intérieur de cette catégorie, les foyers cadres ou non. Puis à partir de
l'exploitation d'une base Simm-Scanner de Sécodip, à faire un scoring par
attribution de notes selon trois variables (achat récent, possession,
intention) pour aboutir à un top 10 et d'un top 25. La population française vue
par l'Insee se découpait en 12 % d'AB + (5,6 millions) et 35 % d'AB (17
millions). La méthode Interdeco propose de raisonner autour d'un Top 10
constitué de 5 millions de personnes et d'un Top 25, de 12 millions de
personnes. « Cette base présente l'intérêt de faire apparaître qu'il existe des
leaders de consommation dans toutes les strates de la population, de tous âges
et toute origine géographique, note Bruno Schmutz. Elle montre, par exemple,
que les consommateurs les plus actifs se recrutent notamment chez les plus de
50 ans toujours actifs ou à la retraite, à haut pouvoir d'achat et pas
forcément aussi urbains que le monde publicitaire l'imagine. » Les responsables
de l'étude constatent qu'il n'existe pas de groupe social unique tirant tous
les marchés. Seuls 20 % des consommateurs les plus actifs sur le secteur
bancaire le sont aussi dans le secteur automobile. Ces pros de la consommation
n'ont une présence significative que sur deux ou trois marchés. « C'est
effectivement logique sauf que, quand on dit cibler des cadres au sens large,
on pose le postulat que tous consomment de la même manière et au même rythme »,
rétorque Bruno Schmutz. Il apparaît aussi que les foyers cadres ne représentent
qu'une partie de cette population fortement consommatrice. Dans les 10 % plus
gros consommateurs du marché, 78 % ne sont pas AB +. Le Top 25 intègre, de son
côté, 60 % de non AB. Dans le Top 10, 79 % des consommateurs actifs en
automobile ou produits bancaires ne sont pas des cadres supérieurs. « 90 % des
annonceurs qui communiquent en presse travaillent sur une cible cadres. Il ne
s'agit pas de mettre une croix sur les AB et AB+, conclut Cyril Gardere, mais
d'expliquer que c'est non seulement réducteur mais que cela ne permet pas non
plus de toucher le Nirvana de la consommation. »