Le quanti, entre simplification et sophistication
En 2003, les études quantitatives ad hoc représentaient une part, estimée par Syntec Etudes Marketing et Opinion, à 45 % des dépenses totales. Pour les principales sociétés d'études quanti, l'heure est à la réflexion. D'un côté, une certaine simplification, de l'autre, une plus grande sophistication. Mais la qualité a un prix.
Je m'abonne
Avec une certaine stabilité économique retrouvée, la demande pour les
études liées à l'innovation a le vent en poupe depuis quelques mois. GfK a même
décrété 2004 année de l'innovation. C'est le grand retour des screenings de
concept et de packaging. C'est aussi la mise à disposition des directions
marketing d'outils plus simples, moins chers, à prestations réduites, mais
apportant une réponse rapide à un besoin (Menus Express de CSA, offre TNS
Direct, Mini Test System chez IOD…). C'est le recours à des méthodologies qui
permettent d'aller plus vite comme le couplage des méthodes quanti/quali
(Research International, QuantiQuali…). En même temps, remarque Yannick
Carriou, Dga de TNS Sofres, les U&A font un retour en force : « Les directions
marketing, en France comme à l'international, ont besoin d'une compréhension
approfondie de leurs marchés et de leurs consommateurs avec une véritable
articulation quanti/quali. Des outils comme Needscope sont très demandés. »
Research International développe les études autour des “needs” afin
d'identifier les motivations qui pourraient être autant d'opportunités de
lancement de nouveaux produits. Stéphane Truchi, Dg d'Ipsos France, reconnaît
une baisse des études descriptives et une hausse de la demande d'études à
valeur ajoutée destinées à la prise de décision. « Cela nous oblige à muter
vers une démarche d'accompagnement du client, notamment dans les process
d'innovation ou les études sur la marque », estime-t-il. Aujourd'hui, le marché
semble se scinder en deux segments distincts : celui de la commodité (des
études bien faites qui répondent à des questions simples) et celui de la
valeur ajoutée. « Sur le marché de la commodité, les clés sont : l'efficacité
des opérations, la productivité, l'intégration du réseau ou la capacité à
acheter les ressources, la maîtrise des coûts, fait remarquer Michaël Bendavid,
fondateur de Strategic Research. Le second marché, très convoité, est celui de
la valeur ajoutée. Mais il faut des ressources très qualifiées pour délivrer ce
type de projet. Si vous faites réaliser un projet stratégique par un institut
dont le modèle économique est de délivrer de la commodité, vous obtenez un
résultat mitigé et, à l'arrivée, des directeurs marketing qui vous disent : “On
a les données, mais qu'est-ce qu'on fait maintenant ?” » Les entreprises
veulent des études activables, qui s'intègrent davantage avec ce qui se fait
dans l'entreprise : mise en relation des études et du CRM, apport du
géomarketing (c'est la raison d'être, par exemple, du partenariat de TNS Sofres
avec Asterop). Et surtout, exigence d'efficacité. « Le retour sur
investissement va s'exprimer par la capacité à enrichir le processus
décisionnel du client. Les clients veulent bien acheter des études, mais ils
veulent savoir à quoi ça sert », explique Yannick Carriou. D'où l'existence
chez TNS Sofres de modèles comme Media FX (test publicitaire) ou TriM
(satisfaction). « C'est dans la modélisation que l'on va chercher la réponse à
la question de ROI », précise-t-il. L'outil CategoryDynamics de Millward Brown
a été créé dans cette optique. Pour Michaël Bendavid, « les directions
marketing mettent aujourd'hui une pression forte sur leurs services études pour
mieux comprendre ce qui se passe sur les marchés et dans la tête de leurs
consommateurs. Ce type de demande implique que les instituts redéploient leurs
ressources vers l'intelligence et l'analyse. » Conséquence : une partie du
métier se sophistique. Pour cela, les instituts d'études sont obligés
d'investir des sommes importantes en R&D (en moyenne 2 % du CA, mais jusqu'à 3
à 4 % chez TNS Sofres) et en politiques de ressources humaines pour trouver les
meilleurs et les garder, alors même que le besoin en fonctions seniors se fait
plus grand.
La pression des services achats
Cet été,
un vent de mécontentement a soufflé sur la profession des études devant les
exigences du service achats de France Télécom. Pour être référencées, les
sociétés d'études étaient appelées à calculer 1 049 données, dont 842 pour le
quanti (647 prix, 195 indices). 400 sociétés ont été ainsi sélectionnées pour
répondre au questionnaire, au sein desquelles 200 ont reçu le “Top Sourcing”
(matrice de prix) et étaient invitées à participer à des enchères inversées.
Pour les sociétés d'études, cette demande de l'un des plus grands donneurs
d'ordres français a nécessité des heures de travail. La montée en puissance des
services achats dans le marché des études n'est pas un épiphénomène. Depuis
longtemps, Mars, Danone, la Société Générale, Philips, EDF/GDF… sont dans un
processus de service achats. Actuellement, Unilever vient d'entamer une
procédure similaire à celle de France Télécom. « Il faut apprendre à vivre
avec, mais le problème est la prédominance du financier sur le technicien »,
estime Catherine Delannoy, P-dg de Catherine Delannoy et Associés. Pour les
sociétés d'études, quelles conséquences, indépendamment de la perte de temps à
remplir des questionnaires qui ne correspondent pas à leur propre système de
découpage analytique ? « Il va falloir travailler sur des gains de productivité
», souligne Renaud Dedeyan, P-dg de IOD. Tous les grands instituts
s'interrogent sur les gains et l'optimisation des coûts de transmission de
l'information (Extranet, présentation des résultats, etc.). Pour le data
delivery, TNS a mis en place un portail TNS Info sur un Extranet sécurisé qui
compte déjà plus de 10 000 utilisateurs clients dans le monde, répartis dans
plus de 100 pays. Research International a monté, au niveau international, une
formation “5 Alive” qui aide les chargés d'études à identifier les 5
recommandations clés d'une étude. Ipsos se penche sur les façons d'améliorer
une prestation pour un coût donné, notamment par la centralisation et
l'optimisation des ressources sans dévaloriser pour autant le service. « La
pression est forte aujourd'hui, et c'est une nouveauté dans nos métiers,
reconnaît Stéphane Truchi. Nos commerciaux ne sont pas habitués à la
négociation budgétaire et il est important que nous soyons juridiquement
équipés, tout en restant dans une position intelligente et non pas dans le
conflit. Il faut expliquer aux acheteurs notre métier qui est complexe car, à
force de trop tirer sur les prix, on risque de baisser la qualité. » Le critère
de coût arrive en dernière position des éléments de satisfaction étudiés dans
le baromètre de satisfaction des annonceurs à l'égard de leurs prestataires
études réalisé tous les ans par Atoo (voir Marketing Magazine n°85, p. 70).
Mais la valeur ajoutée, ou tout simplement, la qualité, a un prix. L'important
est de bien définir, d'un commun accord, le périmètre au-delà duquel il n'est
pas question de négocier. Le développement d'une stratégie de grands comptes
est peut-être aussi une façon de remédier à la pression des prix.