Le marketing prend les commandes 2/2
Les outils décisionnels ne sont plus réservés aux seules directions générales. Après avoir servi vaillamment les directions commerciales dans l'élaboration des tarifications, ils sont désormais utilisés à un niveau opérationnel. En retour, ils permettent d'assister à un phénomène nouveau : le retour en force du marketing, qui définit désormais les règles de comportement avec le client et sollicite directement les forces de vente.
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Un volet analytique pour les non-spécialistes
Chez
Business Objects, un des principaux éditeurs d'outils d'aide à la décision, on
envisage la relation client selon trois volets. Le CRM transactionnel, qui
touche à l'automatisation des forces de vente, et dont les leaders sont Sybel,
Vantive ou encore Clarify. La partie analytique, qui intègre le système
décisionnel autour de la relation client : le datawarehouse vente et marketing,
les applications de Category Management, la segmentation et le scoring, les
services études. Enfin, le volet collaboratif, qui permet de gérer les
interactions entre tous les canaux (centres d'appels, Web, e-mail fax, agences,
forces de vente). « Nous nous positionnons comme un élément d'infrastructure
sur ces trois volets, remarque Jean-Marc Bellot, directeur marketing. Dans le
domaine transactionnel, nous pouvons, à côté d'un logiciel destiné aux forces
de vente, automatiser les fonctions de reporting. » Un utilisateur du logiciel
Sybel pourra ainsi, en utilisant Business Objects, avoir accès automatiquement
à son portefeuille d'actions ou d'affaires. Quant au volet analytique, Business
Objects permet à des populations de plus en plus larges et non-spécialistes en
statistiques d'avoir accès à des fonctions d'interrogation, de reporting,
d'analyse et même de segmentation à travers un seul produit. Et Jean-Marc
Bellot de citer Bouygues Telecom comme exemple de société ayant appliqué une
stratégie innovante en matière de relation client. Commençant par le volet
analytique, puis l'ouvrant aux forces de vente, à l'inverse de la plupart des
autres entreprises du secteur qui, en général, abordent la relation client par
l'automatisation des forces de vente. « A mon sens, le succès de Bouygues
Telecom en téléphonie mobile est en sans doute lié à ce paradoxe qui a consisté
à commencer par traiter en premier l'aspect analytique, puis de l'appliquer et
le diffuser au terrain et enfin d'installer un logiciel d'automatisation des
forces de vente », commente Jean-Marc Bellot. Et d'ajouter « le niveau
collaboratif, qui passe par l'utilisation d'Internet pour la vente ou
l'élaboration de relations nouvelles avec le client, est porteur d'opportunités
inenvisageables auparavant ». Exemple : la société américaine Owens & Minor,
un grossiste en matériel médical. Son datawarehouse, ouvert à ses forces de
vente, l'est aussi, via un Extranet, à ses 4 000 clients, des hôpitaux. Ces
derniers, grâce au logiciel Business Objects, peuvent ainsi faire l'analyse et
leur reporting en utilisant les données fournies par Owens & Minor. Résultat :
outre qu'Owens & Minor n'a plus à distribuer des rapports sur ses ventes, ses
clients peuvent identifier des regroupements d'achats à faire ou déceler des
foyers de pertes d'argent et ainsi optimiser leurs politiques d'achat.
S'apercevoir qu'ils achetaient leurs scanners à des fournisseurs différents,
par exemple, regrouper les achats et les renégocier. L'avantage pour Owens ? Il
dispose d'un élément différenciateur pour ses nouveaux clients et reste un
intermédiaire incontournabl... Et c'est son client qui regroupe les achats et
amorce les négociations. D'après Jack Clark, le directeur commercial d'Owens &
Minor, un client hospitalier est allé jusqu'à citer l'existence du
datawarehouse pour justifier une commande additionnelle d'un montant de 44
millions de dollars. A la mi-octobre de cette année, toujours selon Jack
Clark, Owens & Minor avait généré environ 120 millions de dollars de nouvelles
commandes. « Cela prouve que l'association du Web comme canal et du décisionnel
permet de tirer des profits d'une façon extraordinaire », insiste Jean-Marc
Bellot. En France, la société de restauration collective "Les Repas Parisiens"
a décidé d'ouvrir son datawarehouse vers ses clients, en utilisant la même
formule. Reste que l'utilisation des outils d'aide à la décision peut également
s'insérer dans la gestion des forces de vente. Pour preuve, le logiciel
ISObjects, proposé par la jeune société Intelligent Sales Objects. Compatible
avec Windows et utilisant l'interface Outlook, Excel et Internet Explorer de
Microsoft, il fonctionne selon trois axes d'utilisation. Le premier est
l'analyse de l'activité commerciale en termes de gestion de portefeuille et
d'activité, en s'appuyant sur une base de données multidimensionnelle qui
permet des analyses selon des vues prédéfinies. « Nous en proposons une dizaine
par défaut, indique Philippe Coup-Jambet, son P-dg. Selon le temps, par
exemple, en comparant un mois par rapport à un autre, mais aussi par régions,
produits, ou encore typologies clients. Mais aussi par origine marketing de
l'affaire : une publicité, un séminaire, un salon, un mailing. » Un autre
module permet de cibler au mieux les perspectives de chiffre d'affaires à
partir de technologies de data mining, sous la forme d'un "portefeuille
prédictif". Les risques d'erreurs étant élevés, ces propositions sont assorties
d'intervalles de confiance sous la forme de pourcentages d'erreurs. Enfin,
afin de mieux connaître le client au niveau des affaires à réaliser, une autre
technologie de data mining, à base d'algorithmes génétiques, élabore un
hit-parade des affaires. Ainsi, lorsque le commercial arrive en fin de
prospection et qu'il lui reste un objectif de chiffre d'affaires à réaliser,
l'outil lui proposera celles qu'il a le plus de chance de transformer.
Vers un traitement décentralisé
En matière de relation
client, en fait, ce ne sont pas tant les technologies innovantes que les
nouvelles applications données à des technologies éprouvées qui vont
transformer et gérer cette relation. D'ici à deux ou trois ans, il y aura selon
Jean-Louis Gross, directeur associé chez CSC Peat Marwick, plus de téléphones
mobiles que de PC connectés à Internet. En mars 2000, Peugeot devrait présenter
un modèle de voiture qui disposera d'une adresse Internet. D'ores et déjà,
Mercedes, en association avec Mannesman, propose un kit main libre de
téléphonie mobile qui permet d'automatiser les visites d'entretien de sa
voiture. On assiste à une accélération en matière de quantités d'informations
collectées sur le client. « L'information explose, arrive en temps réel. Et le
client est de plus en plus exigeant. Il veut réserver sa chambre d'hôtel depuis
son bureau et recevoir la confirmation chez lui », remarque Jean-Louis Gross.
Et le traitement de ces informations peut, dans certains cas, être
décentralisé. Il cite comme exemple un type de réfrigérateur qui va gérer son
contenu et commander directement au magasin son réassort. A ce stade, le client
devient un capital circulant. « Tout se complique. Les fournisseurs et les
distributeurs deviennent des concurrents. Et pourtant, dans le cas des produits
de grande consommation, le producteur doit partager avec ses distributeurs les
informations sur ses clients », ajoute Jean-Louis Gross. On assiste à la mise
en oeuvre de bases de données clients, dont les données sont ouvertes
différemment selon l'utilisateur et le contrat le liant à l'entreprise. Aux
USA, certaines bases de données client sont même gérées par des tiers de
confiance. Pour CSC, la structure organisationnelle doit s'articuler autour de
trois couches. La première s'applique à gérer les canaux. La deuxième, le
Customer Knowledge Management, le Datawarehouse client, donne l'intelligence au
front-office sous la forme de datamarts métier et d'études. Et enfin, la
troisième est celle du système d'information de production - gérant, par
exemple, les factures dans le cas d'une entreprise de télécommunication ou les
tickets de caisse pour la grande distribution - ; le Customer Knowledge
Management servant alors d'interface entre le front-office et le système
d'information de production. Pour Catherine Oules-Risbourg, directeur associé
chez CSC, « il s'agit de capter l'information client en temps réel, une partie
sera utilisée immédiatement, tandis que d'autres données, plus stratégiques,
alimenteront, en différé, les systèmes de production ». Face à la
multiplication des canaux d'interaction avec le client, à la croissance
exponentielle du volume de données collectées, le risque est d'aboutir au
phénomène d'"Info Glut", où trop d'informations, trop de "bruit", tuent
l'information elle-même. En attendant, et compte tenu de nombreux filtres à
mettre en place, c'est encore une fois grâce à la révolution introduite par les
technologies web, que le décisionnel quitte les cimes des directions générales
ou des services des études pour trouver son application dans le marketing
opérationnel, face au client.
Comment Nouvelles frontières a mis en place son CRM
C'est en mettant en action les outils décisionnels proposés par SAS Institue que le voyagiste Nouvelles Frontières a mis en place un datawarehouse spécifique client. « Il ne porte pas sur l'ensemble de notre clientèle, mais sur un datamart qui comprend un échantillon représentatif de notre clientèle, précise Patrick Janssens, analyste data mining chez Nouvelles Frontières. Nous avons choisi cette solution pour des raisons statistiques, en procédant à un tirage aléatoire sur une base de 2 millions et demi de clients. » Parallèlement à la mise en place du datamart, un programme de fidélisation a été installé. « Nous voulons récompenser les clients de leur fidélité, plutôt que de fidéliser un client par une récompense », souligne-t-il. La méthode retenue pour segmenter la base de données utilise la technique de stratification, selon des critères de Récence Fréquence, Montant et réactivité commerciale. Ce datamart constitué, les outils de data mining ont permis de mettre en valeur trois catégories principales de clients : les meilleurs, les bons, et les occasionnels. « Nous avons inclus dans la catégorie occasionnels les anciens et les nouveaux clients, ce qui permet d'établir un score dès le premier achat. » A un niveau opérationnel, en agence ou en centre d'appels, le vendeur peut identifier le client par sa fiche, comportant les informations relatives à la communication menée sur lui, les réponses aux mailings, les réclamations, l'historique de ses achats, s'il est déjà client. « D'ici à quelques mois, ajoute Patrick Janssens, un score apparaîtra automatiquement. » Après cette première segmentation RFM, Nouvelles Frontières met en place une segmentation comportementale sur 15 à 20 segments, prenant en compte la saisonnalité, le type de produit, les régions visitées, qui sera réintégrée dans le système opérationnel afin que le vendeur sache instantanément à quel segment appartient le client et lui fasse une proposition adaptée. En matière de marketing direct, Nouvelles Frontières met à profit cette base de données pour envoyer des mailings personnalisés sous la forme de trois vagues de 100 000 documents par an. « Ils sont envoyés vers les clients en fonction de leurs scores. Nous avons fait une présélection sur les 500 000 clients au plus fort potentiel et sur 500 000 dont le score établissait un potentiel d'intérêt sur nos produits, en affinant les moyens et en optimisant les coûts en fonction des possibilités de retour sur investissement. Ainsi, nous avons pu envoyer moins de documents, mais aux bons clients. » Et Patrick Janssens de préciser que la connaissance des clients doit être partagée dans toute l'entreprise, ce qui fait rarement bon ménage avec la notion de pouvoir. « Cette problématique de partage de la connaissance ne souffre pas de blocage. Si un élément fait de la rétention, tout le développement peut être bloqué. »