Le food fait saliver le marché
L'encombrement de la télévision et son coût amènent les annonceurs de la grande consommation à affiner leurs stratégies médias.
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Est-ce l'arbre qui cache la forêt ? Dans tous les cas, on peut dire que le
groupe Danone joue avec les nerfs des publicitaires. Entre le premier trimestre
2003 et le premier trimestre 2004, ses investissements publicitaires plurimédia
sont, en effet passés d'un véritable boom d'un peu plus de 100 % à une
augmentation toute relative de 6,80 %. Le doublement du budget de sa division
ultra frais avait, en effet, été sacré événement de l'année 2003 par TNS Media
Intelligence. Et pour cause, il avait fait passer le groupe au premier rang du
top annonceurs avec 458 millions d'euros bruts investis. Ce virage stratégique
a largement bénéficié à la télévision, média numéro un du groupe avec un poids
porté à 71 % de ses budgets. Mais il a surtout donné un coup d'accélérateur,
sans précédent, à la radio investie à hauteur de 90 ME pour le seul ultra
frais, contre 150 000 euros en 2002. Avec 113 millions d'euros, au global, le
groupe Danone s'est classé au second rang des annonceurs radio. Néanmoins, si
la part de marché de la radio dans les investissements du secteur a fait un
bond de 3,6 % à 6,2 %, elle reste toujours très faible par rapport à celle de
la télévision, augmentée dans le même temps de 63,9 % à 65 %. « C'est encore
plus vrai quand on regarde le taux de nourriture des deux médias, note Eric
Trousset, directeur marketing du pôle médias de TNS Media Intelligence. Il
était, l'an dernier, de 74 % quand celui de la radio atteignait 10 %. »
L'exemple de Danone est toutefois significatif d'une évolution dans la
répartition des investissements publicitaires de ce marché. Sur les 2 345
annonceurs issus de la grande consommation l'an dernier, 1 615 (soit 69 %)
étaient déjà actifs en 2002 et 283 d'entre eux ont au moins doublé leurs
budgets plurimédia sur cette période. C'est le cas, par exemple, de groupes
comme Nestlé, deuxième annonceur le plus dynamique derrière Danone (+ 36,3 %)
ou de Procter & Gamble (+ 19,9 %). « Il y a de plus en plus de gros annonceurs,
majoritairement en télévision, qui se posent la question de son coût et de son
encombrement, notamment avec l'arrivée de nouveaux secteurs, et Procter &
Gamble fait partie de ceux qui anticipent cette situation, explique Patricia
Pithaud, directrice de clientèle en charge des marques du groupe chez Mediacom.
Nous avons entre autres lancé un test en radio l'an dernier sur l'entretien qui
s'est avéré probant dans le cadre d'une réflexion sur la diversification
médias. » Selon TNS Media Intelligence, Procter & Gamble a ainsi multiplié,
l'an dernier, son budget radio par dix tandis que Nestlé le multipliait par 3,6
et Lever Fabergé par trois, Masterfood l'augmentait de 33 % et Kellogg's s'y
lançait pour la première fois.
La radio grignote des parts en food
Véritable bénéficiaire de cette tendance, la radio récolte là
les fruits semés depuis trois ans c'est-à-dire depuis la mise en œuvre d'études
d'efficacité menées en conditions réelles sur des campagnes radio dans le
domaine des produits de grande consommation via l'outil RadioScan de
MarketingScan. « Un outil affiné en continu dont le dispositif a été élargi
cette année à deux magasins supplémentaires et 9 000 foyers panélistes sur
Angers et Le Mans et qui a bénéficié de la mise en place d'un scoring ad hoc »,
explique Dominique Guérin, directrice générale du Media Radio-Sirrp. D'après
cette dernière, les premiers résultats de la base de données ainsi constituée
montrent notamment que les deux tiers des campagnes sont efficaces avec un gain
additionnel moyen de 28 % porté à 42 % pour les plus efficaces. « L'analyse de
l'efficacité croisée des contacts radio et TV montre que, dans quatre cas sur
cinq, la radio apporte une efficacité complémentaire sur les moins exposés,
comme sur les plus exposés TV, précise François Dufresne, directeur du
marketing de NRJ Régies. Nous allons continuer à creuser dans cette direction
via des données du panel Nielsen que nous avons en exclusivité, car ce type
d'études est l'arme principale de prospection auprès des marques habituées à
acheter en TV. » Au premier trimestre, des trois principales régies, NRJ
Régies était la plus investie par le food avec 37 % de parts de marché, devant
IP (35,5 %) et Lagardère Active Publicité (24 %). Chez cette dernière, Philippe
Pignol, récent Dg en charge des différents médias, dit « miser sur ce nouveau
pôle spécifique dédié au cross-media pour faire jouer la transversalité que
l'on peut mettre en avant, via notre connaissance de la télévision. » « Le
gros problème de l'alimentaire est la disparité des marques et des budgets qui
leur sont consacrés, ajoute Eric Elan, directeur marketing de L.A.P. Dans
nombre de cas, ce sont les chefs de produit qu'il faut convaincre de la
pertinence du média. » Pour les petites marques comme pour les poids lourds, la
radio est loin d'être un réflexe médiatique. « Chez Nestlé, le poids de la
radio était remonté l'an dernier à 3 % des investissements du groupe, porté par
quelques campagnes d'efficacité, mais il sera plus faible cette année, note,
par exemple, Paul Mingés, P-dg d'Universal Comcord, en charge des achats du
groupe. La radio est surtout efficace pour corriger certaines cibles comme les
jeunes ou les CSP + .» Au premier trimestre, Danone a, pour sa part, consacré à
la radio 13 ME contre 28 millions au premier trimestre 2003. En baisse de 6 %
au global du marché plurimédia, l'entretien progresse peu à peu en radio, sous
l'impulsion d'un groupe comme Lever Fabergé. « On peut l'utiliser en effet de
contexte, comme nous l'avons fait l'an dernier pour Ambi-Pur, estime Frédéric
Erimo, directeur marketing de la division entretien et hygiène-beauté de Sara
Lee. Nous avons complété le plan TV par la radio ,car il s'agissait du
lancement d'un diffuseur de parfum pour voiture et cela permettait de toucher
directement les automobilistes. »
Hygiène-beauté : radio peut-être, presse sûrement
L'hygiène-beauté qui renouait au début
de l'année avec une croissance à deux chiffres de ses investissements (+ 12 %)
est également un secteur pour lequel la radio a les yeux de Chimène. La
présence de L'Oréal Paris ou de Lancôme, l'un et l'autre absents début 2003 est
vue comme un signe positif par le média. Tout comme celle de Colgate, également
absent l'an dernier. La marque a franchi le pas pour le lancement du kit de
blanchiment dentaire Simply White. « Nous sommes traditionnellement plutôt TV
mais, pour ce lancement, qui correspond à la création d'une nouvelle catégorie
de produits, nous avons opté pour une stratégie plurimédia », confirme Matthieu
Bourguignon, chef de produit. Au plan décliné en TV et dans 14 titres de
presse, essentiellement féminins, s'ajoutait une campagne radio en décembre. «
Il s'agissait d'un jeu-concours qui a généré 165 000 appels, ce qui a eu un
effet buzz considérable, raconte Matthieu Bourguignon. Nous avons d'ailleurs
refait une nouvelle vague en janvier qui mettait en place une saga. ». Parmi
les convaincus figure aussi Wilkinson. « Nous avions communiqué en radio l'an
dernier pour mettre en avant le prix concurrentiel du rasoir Extrême III et
recommencé cette année, indique Anne-Sophie Gaget, directrice du marketing de
Wilkinson Sword. L'efficacité du bi média TV-radio nous a convaincus de
soutenir le quatre lames Quattro de la même manière, en avril dernier. »
La presse prend du poids en alimentaire
Troisième
investisseur plurimédia l'an dernier, L'Oréal occupe, depuis des années, le
premier rang en presse. Mais on assiste, là aussi, à une diversification du
portefeuille. « Au premier trimestre, les investissements publicitaires
progressent très fortement dans les hebdomadaires féminins grand public du
groupe (+ 15 % sur Femme Actuelle et + 37,2 % sur Voici), se félicite Anne
Dionisi, directrice du département marketing services du groupe Prisma Presse.
Des grandes marques comme L'Oréal, Gemey, Nivea, Elsève continuent d'investir
de façon importante sur nos titres. » Et cette dernière d'ajouter : « On
observe également un certain nombre de nouveaux entrants comme Amora, Danone,
Dessange, Adidas Parfum, Lustucru, Evian Affinity sur Voici ou Mont Blanc,
Kellog's, Nescafé sur Femme Actuelle. » Si cette diversification est moins
récente qu'en radio, elle va en se structurant comme le montre, par exemple, la
création l'an dernier d'Interdeco Food. « Face à un marketing consommateur qui
s'organise beaucoup plus par cible et par profil consommateur, la presse
magazine est mieux placée que la télévision, plaide Marie-Ange de Charry, Dg
d'Interdeco Food. Notre structure a pour vocation de donner une approche
synthétique du média, d'éclairer et de rassurer sur son efficacité. » Née en
novembre dernier, elle a également eu Danone Ultra Frais comme premier gros
dossier avec Actimel. Depuis trois ans que la presse a commencé à faire venir à
elle l'alimentaire, elle s'est d'abord placé dans le registre du message
explicatif mis au service des différents secteurs. Petit à petit elle est
parvenue à séduire des marques comme Mars ou La Vache qui Rit qui montraient
une sensibilité à faire des coups. Avec la campagne Coca-Cola Light, le 6 mai
dernier, dans le gratuit 20 Minutes, les lecteurs de l'édition parisienne du
quotidien gratuit ont pu ce jour-là découvrir un journal parfumé au citron et
recouvert d'une sur-couverture aux couleurs de Coca-Cola Light Lemon. « C'est
un vrai signe de reconnaissance pour nous dans le sens où nous étions le seul
quotidien national en complément d'une campagne presse magazine nationale»
raconte Laurence Bridier, directrice du marketing de 20 Minutes. Ce type
d'opérations demeure toutefois encore marginal en presse. « L'investissement
presse est lourd, il faut avoir quelque chose à raconter, analyse Christophe
Lemaître, directeur du marketing de la coopérative de production de légumes
Cecab, qui communique notamment autour de la culture maîtrisée. Nous sommes en
train de réécrire les fondements de la marque et pour cela la télévison ne
suffit pas. » Un avis partagé en partie par Hélène Montibert-Courrier,
directrice du marketing de Canderel. Si la marque revient en TV après neuf ans
d'absence, elle garde également un relais en presse magazine. « Notre objectif
est de communiquer autour du goût et d'installer nos poudres et comprimés dans
la normalité. La presse magazine peut nous aider à délivrer ce message de fond.
Nous allons aussi l'utiliser de manière plus tactique cet été pour soutenir
nos Pockets griffés par des couturiers. »
Findus : place à l'imagination
Heu-reu-sement qu'on a des idées, pourrait-on chanter chez Findus. « Pertinent pour renforcer le message des grosses marques, le plurimédia n'a pas de sens pour un annonceur moyen comme nous, estime Matthieu Lambeaux, directeur du marketing de Findus. Nous avons préféré nous inventer d'autres moyens de communication, plus malins, des moyens qui passent par le partage avec d'autres. » Objectif : fêter les quarante ans qui se sont écoulés depuis le lancement du premier poisson pané Findus en mars 1964 et également son retour sur le marché des surgelés, abandonné depuis 2000. Parallèlement à un budget média « 100 % TV pour éviter un effet de fragmentation », dixit Matthieu Lambeaux , la marque s'est ainsi associée avec Arthur Martin Electrolux (AME) dans une démarche axée sur le goût et la praticité au quotidien. Cette collaboration se définit notamment par des recommandations mutuelles sur les produits et dans les 1,5 million de catalogues du groupe d'électroménager ainsi que dans des animations en magasins. Findus fera également son retour dans la caravane du Tour de France cet été en utilisant les services de beaux hommes tout en muscles pour vanter sa moussaka, « une animation qui ne devrait pas laisser les femmes insensibles », sourit Matthieu Lambeaux. Depuis mi-mars et jusqu'en juillet, ses plats cuisinés surgelés sont déjà mis à l'honneur chaque soir de manière originale au théâtre des Bouffes Parisiens. Ils sont, en effet, au centre de l'intrigue de la pièce de théâtre de Gérard Moulévrier “Folle de son corps”, un événement sur lequel la marque a rebondi en offrant des places à ses consom- mateurs.