La télé du futur prend ses marques
Si le téléviseur reste le principal écran du foyer, la télévision connectée, le mobile et la tablette modifient les usages des téléspectateurs et renouvellent les possibilités d'échange avec les clients offertes aux annonceurs.
Je m'abonneLe téléspectateur avait déjà pris l'habitude de gérer son temps et sa consommation de programmes grâce à la télévision de rattrapage (la catchup TV). Aujourd'hui équipé d'un smartphone, et parfois d'une tablette, il regarde la télévision comme bon lui semble, en combinant ses différents équipements. Selon l'étude Global TV de Médiamétrie d'octobre-décembre 2011, 35 % des possesseurs de tablettes s'en servent pour regarder la télévision en direct ou en rattrapage, et 51 % des internautes de 15 ans et plus utilisent un second écran en regardant la télévision.
Cette révolution ne fait que commencer, si l'on en juge par le développement du parc de téléviseurs connectables ou effectivement connectés à Internet, par les offres des fabricants de téléviseurs (Samsung, LG, Sony...) et des mastodontes d'Internet (Apple ou Google) qui ont l'intention de «déverrouiller l'écran de télé». Lancée fin septembre par Google avec Sony (voir encadré p. 37), la Google TV veut offrir «la liberté du Web sur grand écran» en donnant un accès à différentes applications, à You Tube ou Skype... grâce à une navigation optimisée avec Google Chrome et à une télécommande double face (pavé tactile au recto et clavier au verso). D'ici à la fin 2012, YouTube lancera plusieurs web TV qui feront converger davantage les contenus issus de la télé et de la Toile.
Les acteurs de la télévision proposent aussi de nouvelles fonctions pour les téléviseurs connectés. Certaines sont des services, comme Salto, qui permet de reprendre au début certains programmes de France Télévisions en cours de diffusion. D'autres contribuent à augmenter l'expérience autour du programme: grâce à l'application développée pour C dans l'air (France 5), le téléspectateur peut participer à la «question du jour», accéder aux votes en temps réel, poser des questions en direct...
Le service de second écran «Devant ma TV», lancé par M6 en octobre, ne repose pas sur la télévision connectée, mais sur un système de reconnaissance sonore qui synchronise l'écran du téléviseur avec un mobile ou une tablette. Selon les émissions, il permet au téléspectateur de communiquer avec ses amis (Un dîner presque parfait, La France a un incroyable talent), d'accéder à une base de recettes (Top Chef) ou à des informations complémentaires (Capital, E=M6).
Cette convergence favorise le développement de la dimension sociale de la télé: selon la vague d'avril 2012 du baromètre Iligo sur la social TV, 55 % des internautes ont déjà laissé sur les réseaux sociaux un commentaire sur la télévision, contre 49 % en octobre 2011. Depuis quelques mois, TF1 joue pleinement la carte Twitter autour de Danse avec les stars via des commentaires en direct, mais aussi du «tweet replay»: en cliquant sur un tweet, l'internaute est renvoyé au moment de l'émission qui avait généré le commentaire.
Nelly Brossard (Amaline assurances)
«Mon Nickelodeon Junior», service lancé en juillet dernier par MTV Networks, ajoute une dimension de personnalisation à l'interactivité. Les parents programment le temps d'antenne ainsi que le type de programmes qu'ils souhaitent voir regarder par leur enfant. Accueilli dans le service par son prénom, celui-ci est invité à donner une appréciation sur ce qu'il vient de voir à la fin du programme. S'il doit interrompre le visionnage, l'enfant peut le reprendre là où il l'avait laissé sur un autre écran (tablette, smartphone, téléviseur).
Une palette d?associations prometteuse pour les marques
Les premières campagnes de publicité interactive ont été diffusées avant l'été 2012. L'assureur Amaguiz a proposé, début juin, sur TF1, une campagne autour de son offre automobile Pay as you drive, exploitant la norme de diffusion européenne HbbTV. Avec leur télécommande, les téléspectateurs pouvaient accéder à un mini site dédié, contacter le centre d'appels d'Amaguiz ou laisser leurs coordonnées pour se faire rappeler et bénéficier d'une offre promotionnelle. «Il s 'agissait surtout de tester une nouvelle technologie et d'associer Amaguiz à un mode de communication innovant, souligne Nelly Brossard, directrice générale d'Amaline assurances (Amaguiz). Grâce à l'interactivité en direct, ce type de marketing direct permet de savoir qui a cliqué sur quoi et de mesurer l'efficacité de la campagne, spot par spot. » Avec près de 700 visiteurs uniques sur la page de présentation du site et plus de 600 téléchargements de la vidéo durant la campagne (du 3 au 13juin), l'assureur se dit prêt à renouveler l'expérience «sous une forme ou sous une autre».
Les annonceurs commencent à jouer...
France Télévisions Publicité a mesuré la montée en puissance de son offre de TV connectée. Peu soutenu en communication, le dispositif testé avec Peugeot lors du tournoi de Roland-Garros avait suscité 29 000 visites et 333 000 pages vues en 15jours. L'opération multisupport organisée pendant les deux semaines des JO de Londres se voulait plus ambitieuse. Parmi les nouveautés: un e-mag envoyé à plus d'un million de fans et un jeu-concours autour de quatre e-reporters associés à une marque partenaire. Les chiffres sont montés à 130 000 visites et plus de 800 000 pages vues. Coca-Cola, la Française des Jeux, Allianz, Brossard, EDF et Asics étaient de la partie: «Les annonceurs commencent à jouer avec ces nouvelles manières de communiquer, analyse Olivier Douffiagues, directeur commercial de France Télévisions Publicité. Le niveau de préparation de Peugeot ou des partenaires des JO n était déjà pas tout à fait le même. Les gens venant chercher du contenu additionnel, la marque reste plus longtemps en contact avec le téléspectateur et peut travailler davantage sur la valeur d 'engagement avec le client final. Plus les contenus sont forts, plus le téléspectateur peut jouer avec. »
La télévision connectée et le multi-écran permettent d'imaginer toute une palette d'associations avec les marques. Cet été, TF1 Publicité a proposé à Cornetto de rapprocher ses prises de parole télé et digitales à travers un dispositif social. Sur un «mur de fans» dédié à Secret Story, les internautes pouvaient commenter l'émission, découvrir des contenus exclusifs et connecter toutes ces interactions à leurs comptes Facebook ou Twitter...
Pour l'heure, «Mon Nickelodeon Junior» ne propose pas de publicité: « Nous sommes attentifs à ce qu'un programme ludo-éducatif ne devienne pas un tunnel publicitaire, mais cela n'interdit pas les opérations de parrainage, en faisant très attention au secteur et en trouvant une interaction éducative », note Nicolas Besnier, directeur marketing, communication et promotion de MTV Networks.
En favorisant le passage d'un usage séquentiel à un usage simultané des écrans, la télévision connectée complique les relations avec le consommateur. « Cela implique de mettre en place des programmes de communication qui n'ont pas de fin, à la différence d'une campagne, et d'orchestrer leurs différents aspects: savoir ce que l'on dit au consommateur, où on le renvoie, ce que l'on veut qu'il fasse... », indique Matthieu de Lesseux, président de DDB Paris.
Une phase d'observation du téléspectateur
Les volumes générés sur la télévision connectée dénotent une tendance de fond, mais n'en font pas encore un véritable canal publicitaire. « Ce sera le cas lorsqu'il y aura quelques millions de foyers connectés et quand on pourra mesurer son apport, affirme Olivier Mazeron, directeur général de GroupM Interaction. Pour tous les grands comptes, l'innovation publicitaire est un must have.
On va entrer dans une grande phase d'expérimentation.» Cette phase permettra aussi de savoir si, avec la télévision connectée, on se dirige ou non vers un univers complètement applicatif. Et de tester la capacité du téléspectateur à jongler entre les différents écrans, ou encore à trouver ce qu'il cherche dans un univers de plus de 300 chaînes et de 150 applications.
Christophe Lapacz
« Google TV fera passer la télévision du one to many au one to one »
Questions à... Christophe Lapacz, directeur marketing et développement de Sony
Marketing Magazine: En quoi la Google TV se différencie-t-elle de la télé connectée «classique»?
Christophe Lapacz: La télévision connectée ou les box des opérateurs ne savent pas bien se connecter à Internet. Sur les 6,5 millions de téléviseurs qui seront vendus en France en 2012, seuls 40 % sont connectables. Le boîtier Sony, qui se branche sur le téléviseur grâce à une prise HDMI, permet de connecter tout poste, même ancien. Google TV donne accès à toutes les applications Android de Google, mais aussi au Web, à YouTube, Skype ou Twitter. Sur la plateforme Sony, le téléspectateur dispose d'applications enrichies développées pour Google TV par une douzaine de partenaires français: 20 Minutes ; France 24 ; France Télévisions, avec une application Les Zouzous ; Auféminin.com, avec une web TV à thématique féminine...
Quelles sont les opportunités du support pour les marques?
En suivant le comportement de l'utilisateur en temps réel, on pourra faire passer la télévision du «one to many» au «one to one». Google TV proposera de la publicité classique sur le site que l'on regarde et de la publicité dans des vidéos en pré-roll ou en mid-roll. Au début, il y aura beaucoup d'applications gratuites, ensuite, des applications payantes sur un modèle freemium qui s'est beaucoup développé dans le jeu. L'appli développée par Paris Première pour son émission de décoration Intérieurs préfigure la relation ecommerce que l'on envisage à terme. On peut déjà afficher à l'écran des informations sur les meubles et objets visibles dans la vidéo. L'étape suivante consistera à ajouter un lien vers un site qui permettra au téléspectateur d'acheter ce qui lui a plu à l'écran.