La fusion des idées, pas la confusion food Un art populaire de la cuisine contemporaine.
Une société progresse par ses marges et ses élites. L'innovation ne naît pas de demander son avis à la masse sur l'innovation. Frédérick Grasser-Hermé auteur de "Délices d'Initiés" (Editions Noesis), a réconcilié gastronomie et produits de grande consommation. Elle nous explique sa démarche singulière.
Je m'abonneOn vous accuse de faire de la trash food. Qu'en est-il ?
Rien à voir. Je ne vois pas pourquoi il serait interdit de
mettre de l'humour et des clins d'oeil dans la cuisine. En fait, j'ai
simplement voulu réhabiliter des produits qui nous rappellent notre enfance et
font partie de notre paysage quotidien. Ils appartiennent à ce que j'appelle
"la cuisine sentimentale". Personne n'avait osé triturer ces produits de masse
et leur donner leurs lettres de noblesse gastronomique. J'ai aussi voulu
montrer mon attachement à certains outils de travail populaires comme la
Cocotte-minute et le Camping Gaz. J'affirme que la qualité de la cuisine vient
de l'envie et du désir et non d'un local aménagé à des prix exorbitants.
Pensez-vous être sévèrement critiquée parce que la gastronomie est un milieu machiste ?
En partie. Mais Dieu merci, il existe de
grands chefs qui sont capables de dire et de reconnaître que la cuisine des
hommes n'existerait pas sans la cuisine des femmes. Et j'ai voulu aussi
m'adresser aux femmes pour leur permettre de prendre le temps d'avoir
rendez-vous avec le temps. J'ai beaucoup de respect pour la ménagère de moins
de cinquante ans qui fait une double journée de travail.
Mais quand même le poulet au Coca du Korova dégage une odeur de gag !
Oui,
lorsqu'on est victime de ses a priori. Mais il ne s'agit pas juste de détourner
des produits pour rigoler mais au contraire de les sublimer. Si j'ai mis au
point certaines recettes de ce genre, c'est que je possède une culture
culinaire classique qui me permet de les créer. Par exemple, j'ai réinterprété
le cake à la mayonnaise qui a existé pendant la récession aux Etats-Unis.
Lorsque les femmes remplaçaient le beurre et les oeufs par de la mayonnaise
industrielle.
N'est-ce pas un peu démagogique ?
Non,
car je me sais élitiste, exigeante, rigoureuse sur la qualité. Et la modernité
me fascine. Je désacralise les vieux rituels. Mais je ne fais pas partie de
ceux qui disent : « Je m'efface devant le produit ». Je travaille avec les
émotions et les sensations, avec des architectures de goûts et de contrastes.
Je vis dans mon époque en sophistiquant les produits de la grande distribution
en essayant de faire avancer la gastronomie.