L'événementiel sort son atout stratégique 2/2
Le marché de la communication événementielle poursuit sa professionnalisation. Après avoir prouvé leur pertinence, les agences événementielles veulent intervenir en amont des stratégies globales de communication. Un challenge qui ne fait pas peur à ce marché oscillant en permanence entre rigueur de l'organisation et impertinence créative.
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Rêves et réalités stratégiques
La valeur ajouté de ce
type d'événement ne réside pas tant dans l'idée elle-même ou dans les moyens
mis en oeuvre pour la réaliser. Mais bien dans l'adéquation de l'idée avec les
valeurs de la marque. Même si les opérations événementielles restent
ponctuelles, elles devraient s'inscrire dans la stratégie de communication
globale de l'annonceur. C'est du moins ce que les acteurs du marché souhaitent.
« Pour nous, l'événement est l'un des moyens de répondre à la stratégie
hors-médias d'une marque. Pourtant de nombreuses agences ne font que de
l'événementiel, elles produisent une idée créative plus ou moins calée sur la
stratégie de communication de la marque, lance Jacques Bungert, directeur
associé de Pro Deo. Alors que les médias et les approches sont complémentaires
: ce sont autant de moyens pour maximiser les point de contacts entre la marque
et ses cibles. » D'après Frédéric Bedin, président de l'Anaé Evénement et
directeur général du Public Système, les agences d'événement entrent plus
facilement dans la boucle stratégique et décisionnel de l'annonceur : «
Auparavant, les annonceurs avaient une agence de publicité qui décidait de la
stratégie de communication globale : c'est elle qui choisissait d'intégrer ou
non un peu de hors-médias. Maintenant chez les annonceurs les plus avancés, les
choix stratégiques en communication se prennent après consultations de quelques
agences phares : pub, CRM, hors-médias. » Devenir, comme le sont les agences de
pub, le bras droit des annonceurs, tel est le voeu des acteurs de
l'événementiel. Un objectif plus facile à atteindre pour les grosses agences,
comme Auditoire, Le Public Système, Market Place ou encore Pro Deo, qui ne
cessent d'accrocher de nouvelles cordes à leur arc. Public Système est, par
exemple, l'agence exclusive hors-médias de Skoda. Pour l'ouverture des
concessions parisiennes de la marque, la société a travaillé en amont de
concert avec l'agence de pub V, et le prestataire en achat d'espace de la
marque. Pour le lancement de l'i-mode de Bouygues Télécom, aucun appel d'offres
n'a eu lieu. « Compte tenu de la confidentialité du lancement, nous avons
décidé de monter une équipe resserrée de cinq personnes qui a géré le concept,
la scénographie, les grands principes d'animation et la stratégie de lancement
», explique Valérie Schetzel. L'opération, organisée pendant une semaine en
novembre 2002, a touché toutes les cibles. Le nouveau service d'accès à
Internet via téléphone portable a été lancé à Paris, sur la pelouse de la Cité
Universitaire Internationale. Une structure en forme de "i" a accueilli
successivement les prescripteurs et leaders d'opinion, le grand public, les
collaborateurs de l'entreprise puis, durant la soirée de clôture, le public B
to B, comme les collectivités locales et entreprises. Les annonceurs commencent
ainsi à suffisamment accorder de crédit aux agences événementielles pour leur
ouvrir les portes de leur stratégie globale. Cependant, ils ne sont pas
forcément fidèles à leurs agences. Les appels d'offres sont une tradition bien
ancrée dans ce
marché, même si, au final, le choix peut se porter sur l'agence sortante...
Cette discontinuité dans la relation agence - annonceur permet moins facilement
aux agences de suivre les marques et de faire valoir leurs compétences en
conseils stratégiques. Enfin, cette vision de l'agence d'événementiel en tant
que partenaire clé dans la construction de la stratégie de marque n'est pas
encore intégrée par tous les annonceurs.
« Dans l'étude menée par le cabinet Ballester pour l'Anaé, les annonceurs ont
été sondés pour savoir comment ils choisissent leur agence d'événementiel : le
prix, le respect des délais, la qualité du process arrivaient en tête de liste.
La stratégie n'était même pas mentionnée ! », regrette Philippe Castanet.
Artisanat organisé
La plupart des annonceurs attendent
encore et surtout d'une agence de la créativité et une production et
organisation de qualité. Pour atteindre les sphères stratégiques de la
communication de leurs clients annonceurs, les agences se doivent de poursuivre
la professionnalisation de leur métier. La création de l'Anaé Evénement avait
posé un premier jalon pour définir et structurer les métiers de l'événementiel.
Afin d'être aussi crédible que sa grande soeur la communication publicitaire,
l'événement doit aussi se doter d'outils de suivi et de mesure des opérations.
« C'est à nous
d'être précurseurs : l'agence doit proposer des outils à mettre en place pour
le suivi de l'opération et pour la mesure de son efficacité, explique Jérôme
Garamond, en charge de l'événementiel au sein de CPM. Cependant, toutes les
opérations ne peuvent pas appliquer la même méthodologie, et il est parfois
difficile de mettre en place des critères afin de mesurer le comportement
humain. » Certaines agences ont déjà développé des outils de mesure, mais qui
restent propriétaires. En collaboration avec Ipsos, Le Public Système a mis en
oeuvre un outil d'évaluation de l'impact d'une opération, intitulé Score, pour
Suivi Corrélé des Opinions sur la Réussite des Evéne-ments. Par des sondages,
pré et post opération, la méthode permet de mesure les écarts sur une série de
critères. Market Place propose, de son côté, l'étude Market Scopie qui mesure
l'impact du message en sortie d'opérations, puis plus tard, via des entretiens
téléphoniques : l'objectif est de vérifier la mémorisation du message et sa
compréhension par la cible. « Nous avions une forte demande de ce type de
mesures, il y a quatre ou cinq ans, remarque Joseph Caunan. Mais moins
actuellement. Je crois qu'aujourd'hui le plus important pour les marques, c'est
de provoquer l'enthousiasme, de positiver. En interne, on cherche à montrer que
l'entreprise se mobilise, même si la situation économique est morose En fait,
les annonceurs veulent à la fois marquer un temps fort par un événement, tout
en l'inscrivant dans un continuum. » La difficulté du marché de l'événementiel
est ainsi de jouer en permanence avec les contradictions. L'instauration de
process de type industriel est nécessaire pour assurer la qualité de
l'organisation et le suivi des opérations et faire de l'événement un levier
marketing incontournable. En même temps, il est impossible, voire dangereux,
d'appliquer des process à un acte créatif. « Notre métier reste nécessairement
un métier d'artisan, résume Philippe Castanet. Car la création d'opérations ne
peut pas s'industrialiser. Si bien que même les grosses agences doivent
fonctionner comme des petites. » C'est d'ailleurs certainement l'une des
raisons qui expliquent la vivacité de certaines agences, de petites ou moyennes
tailles. « Les annonceurs se sont rendu compte que les agences à taille humaine
sont aussi professionnelles que les très grosses agences, sans avoir la
lourdeur de la grande structure », assure Gérard Denis. Un autre argument
prêche pour le maintien d'agences de moins d'une quinzaine de personnes : la
spécialisation. En effet, le marché comprend des agences plus spécialisées sur
un type d'événements, comme Denis & Co, qui travaille sur les conventions, ou
les opérations corporate ; d'autres acteurs bien implantés sur un secteur
d'activité, comme Reflex Event dans le luxe, ou encore des prestataires dont la
nature des opérations fait appel à certains intervenants, comme les artistes
pour Ici.
Bouffées créatives
Dans les couloirs des
agences, le vrai challenge permanent tient en un seul mot : créativité. Car,
au-delà des structures de marché et de la reconnaissance des atouts de
l'événementiel, la vitalité du secteur dépend d'abord de sa capacité à investir
de nouveaux espaces de communication, et à inventer de nouveaux médias
éphémères. « Pour moi, la seule chose qui arrive à vraiment convaincre les
marques, c'est l'idée !, lance Philippe Combres. La créativité doit être au
coeur de l'agence, alors que les talents logistiques peuvent être à
l'extérieur. » Chez les petits et grands intervenants, la chasse à l'idée la
plus en phase avec la stratégie de marque est ouverte ! « Nous organisons des
semaines de créativité, des brainstoming sur des sujets multiples, en intégrant
dans les groupes de travail des profils très divers », explique Jacques
Bungert. Equipes commando, pools croisés de compétences, recrutement de
personnels aux parcours très différents, la créativité se nourrit de brassage
de compétences. Si elle est couplée d'une réflexion stratégique en amont et
d'une rigueur de production et d'exécution de l'opération, la créativité fera
toute la différence à l'avenir entre les acteurs de l'événementiel.
Le marché de l'événementiel en chiffres*
Chiffre d'affaires Evénement 2001 : 696 millions d'euros (+ 29 %)
Résultat net Evénement en 2001 = 12,8 millions d'euros (-34 %)
Nombre d'opérations : une centaine d'opérations par semaine sont organisées par les agences de L'Anaé, soit 5 000 au total.
Typologie des opérations : les conventions, auprès de clients, de réseaux, ou de salariés, arrivent toujours en tête de liste ; elles représentent 32 % des opérations. Suivent l'organisation de voyages, de réunions, de soirées et d'événements grand public (11 % des opérations). D'une manière générale, 57 % des événements répondent à un besoin de communication interne, contre 43 % pour les opérations externes. Interlocuteurs des agences : les présidences et directions générales restent les interlocuteurs les plus fréquents (27 %), suivies par les directions de la communication (26 %), les directions marketing (22 %) et commerciales (18 %) et les DRH (5 %).
Les services achats s'impliquent également de plus en plus dans le suivi de la prestation événementielle, même s'ils ne sont pas les interlocuteurs principaux.
* Source : Etude Anaé 2002