L'événementiel sort son atout stratégique 1/2
Le marché de la communication événementielle poursuit sa professionnalisation. Après avoir prouvé leur pertinence, les agences événementielles veulent intervenir en amont des stratégies globales de communication. Un challenge qui ne fait pas peur à ce marché oscillant en permanence entre rigueur de l'organisation et impertinence créative.
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Réflexion, rigueur et créativité : la réussite d'une stratégie
événementielle dépend du bon dosage de ces trois ingrédients. Auparavant,
l'événement était perçu, dans un plan de communication, comme La cerise sur le
gâteau : un petit plus, non indispensable, qui permettait d'ancrer un message
aussi bien en interne qu'auprès des consommateurs de la marque. Aujourd'hui,
dans la grande famille du hors-médias, l'événementiel a fait ses preuves, et la
professionnalisation du secteur se poursuit. En 2001, et selon la dernière
étude de l'Anaé Evénements, le syndicat national des agences d'événements, le
chiffre d'affaires du marché a ainsi connu une croissance de 29 % pour s'élever
à 696 millions d'euros. Petit bémol, le résultat net, en revanche, accuse un
recul de 34 %. Des chiffres qui s'expliquent aisément, l'événementiel
fonctionnant, en effet, comme une caisse de résonance. « C'est un marché qui
répond quasiment en temps réel, explique Philippe Castanet, directeur conseil
chez Auditoire. Si un changement d'envergure dans la situation économique ou
internationale se produit, le marché peut réagir en 24 heures. » Après une
période de prospérité exceptionnelle entre 1999 et 2001, portée par la bulle
internet et les mutations d'entreprises, les annonceurs agissent depuis deux
ans avec plus de prudence. « Nous retrouvons une situation plus normale, même
si le marché est un peu plus tendu qu'auparavant. Les annonceurs sont plus
frileux sur les budgets et les opérations sont de moindre envergure
qu'auparavant », analyse Philippe Castanet. « On sent clairement qu'il y a une
politique d'attentisme, ajoute Joseph Caunan, directeur général de Market
Place. Les appels d'offres, auparavant lancés pour un délai de réalisation à
six mois, sont désormais organisés deux à trois mois avant l'événement. Les
décisions se prennent plus souvent au dernier moment. » En 2002, un autre
phénomène a marqué les esprits : le dépôt de bilan de plusieurs agences dont
l'un des acteurs phares du secteur, Capital Event. Les spécialistes de
l'événement n'affichent cependant pas de pessimisme. Les situations des quelque
80 agences du marché s'avèrent très disparates et de nouvelles agences
continuent à voir le jour.
Paillettes intelligentes
En
revanche, les types d'opérations ont évolué, les shows paillettes et les
grandes messes ne sont plus en vogue.
« Les opérations
que nous organisons sont plus fractionnées ou plus régionales. Pour les
événements internes, on préfère organiser des roads shows avec de petits
groupes de personnes, précise Gérard Denis, P-dg de Denis & Co. Cela s'explique
surtout par un effet balancier : une entreprise ne peut pas organiser
systématiquement une grande messe et veut varier les types d'opérations. Cela
ne veut pas dire non plus que le coût global de l'opération sera moindre mais
plus dispatché. » Au lieu de sortir les tambours et trompettes en organisant de
véritables spectacles, les annonceurs attendent surtout d'une opération qu'elle
provoque l'émotionnel de la cible visée.
« On constate un
nouveau type de demande, note Christophe Carrère, directeur de Reflex Event.
Les marques veulent des événements plus interactifs, pendant lesquels les
invités participent. » Dans un plan de communication, l'événementiel peut
répondre à plusieurs objectifs. Les opérations à destination du grand public
permettent de faire connaître la marque et de toucher des cibles parfois
difficiles à atteindre par des campagnes publicitaires classiques. C'est
particulièrement pertinent pour les marques qui visent un public jeune et
adolescent. C'est également intéressant pour cibler un public local. Auditoire
vient ainsi d'organiser une série d'opérations à Paris pour Eurostar afin de
toucher un public d'hommes et de femmes d'affaires : des relèves de la garde
anglaise ont été organisées dans Paris et un décor constitué de grosses
horloges a été installé gare du Nord, afin de rappeler que Londres est à deux
heures de Paris. A l'occasion de l'inauguration de quatre concessions
automobiles Skoda à Paris, Le Public Système a imaginé une opération de rue,
dans les zones proches des concessions. « Nous voulions faire connaître la
marque, tout en prévenant le public de l'ouverture des concessions, explique
Valérie Schetzel, directrice associée du Public Système et responsable du
département Evénements médiatiques et promotionnels. Pendant la nuit, dans le
quartier des concessions, nous avons placé sur tous les véhicules un magnet
avec le logo de la marque accompagné, sur le pare-brise, d'un message
incitatif, comprenant une offre promotionnelle. » Pour provoquer l'étonnement
de la cible visée, qu'il s'agisse du grand public ou des prescripteurs
d'opinions, de nombreuses opérations font appel aujourd'hui à de jeunes
artistes. « Les marques sont très friandes d'alibis culturels, explique
Philippe Combres, fondateur de l'agence Ici. Notre travail consiste à infiltrer
des niches de cibles que la marque n'avait pas forcément perçues. Et, pour
obtenir ce résultat, nous ne parlons jamais en direct de la marque, nous créons
un alibi culturel. » A l'occasion du lancement de la Nissan Micra, et pour le
compte de FKGB\, Ici a imaginé de faire habiller les voitures par des créateurs
de mode, en associant à chaque voiture un média de presse écrite. Les onze
duos, comme la voiture Balmain / Libération ou encore Sonia Rykiel / Elle, ont
été présentés en défilé à un public de journalistes et de VIP Nissan. Dans le
cadre d'opérations internes, auprès des salariés, réseaux de distribution ou
partenaires de l'entreprise, des objectifs similaires sont visés : ancrer le
message, immerger le public visé dans un univers symptomatique des valeurs de
la marque, provoquer l'enthousiasme en faisant appel à des opérations
impliquantes. En mars 2002, pour le fabricant de papiers techniques et de
création ArjoWiggins, Reflex Event a créé, sur un lieu comprenant plusieurs
niveaux, des univers répondant aux valeurs des gammes de la marque. Les
professionnels invités ont ainsi pu évoluer dans un salon fumoir feutré pour le
papier de luxe ou dans d'autres espaces, l'un porté par un sol multicolore,
l'autre par un sol en métal. Avec, pour chaque niveau, différentes animations :
ici, un peintre qui redécorait l'un des murs, là un portraitiste qui s'exerçait
parmi les participants.
Dessine moi ton marché !
Frédéric Bedin (directeur général du Public Système) : « On peut s'attendre à la création d'agences plus importantes, par regroupement de compétences. Avec ainsi la constitution d'agences qui piloteront l'ensemble des actions événementielles et hors-médias, et qui géreront les prestataires. » Gérard Denis (P-dg de Denis & Co) : « Les agences de taille moyenne vont garder leur place, les annonceurs ne veulent pas forcément avoir en face d'eux un seul interlocuteur. Ils se sont rendu compte de la valeur ajoutée des agences à taille humaine. » Jérôme Garamond (Responsable de l'événementiel chez CPM) : « Je crois que les annonceurs prennent plaisir à faire leur marché et n'ont pas intérêt à avoir en face d'eux un seul type d'interlocuteurs. L'ensemble des systèmes et des structures continueront à cohabiter. Je ne crois pas à la loi des plus gros à tout prix. » Philippe Castanet (Directeur conseil chez Auditoire) : « L'événementiel reste un métier jeune, qui va continuer à mûrir. Je crois plus à un positionnement
d'agences conseils plutôt qu'une agence de production. Je ne crois pas pour autant à la constitution de méga structures d'événements. L'avenir de notre métier réside dans sa capacité à proposer une valeur ajoutée stratégique et créative. »
Jacques Bungert (Directeur associé de Pro Deo) : « Je verrais un marché assez bipolaire : avec quatre ou cinq sociétés dominantes et des moyennes ou petites sociétés. Je pense aussi qu'il y aura plus de petits spécialistes, positionnés sur des niches, comme la mode, l'aéronautique, les événements de rue, etc. »
Joseph Caunan (directeur général de Market Place) : « Notre métier n'est déjà plus de faire de l'événement mais de la stratégie événementielle. La production et l'organisation de l'événement n'est que la partie visible de l'iceberg. »
Finimétal part à la conquête de son réseau
Pendant presque un mois, un camion d'exposition a parcouru la France pour rencontrer les distributeurs et prescripteurs du fabricant de radiateurs Finimétal. Un premier test grandeur nature de l'événementiel, qui accompagnait une campagne de pub télé. A la fin 2002, le fabricant de radiateur Finimétal a décidé de tester une nouvelle approche de son réseau de
distributeurs et de prescripteurs. « Nous menions alors une réflexion sur deux cibles : le grand public et les distributeurs. Pour toucher fortement et rapidement le grand public, nous avons opté pour une campagne publicitaire télé. Pour les professionnels, nous avions envie d'aller à leur rencontre, directement chez eux », explique Christophe Latapie, directeur commercial. La société cherche alors une agence d'événementiel et se tourne vers Denis & Co. « Nous avons fait notre choix en recherchant des opérations récentes de road show en France. Le sérieux de l'agence, mais aussi sa taille, ont fait partie de nos critères : nous avions besoin d'un support technique important, de trois personnes de l'agence présentes sur place pendant l'opération. Nous voulions un organisateur de l'événement, pas un simple prestataire logistique. » L'opération débute le 16 septembre 2002. Et la tournée compte au total 27 étapes différentes. Quinze jours avant chaque étape, les invitations partent du siège de Finimétal avec des relances téléphoniques issues soit de la part des commerciaux maison, soit des distributeurs locaux. Installée en général sur le parking d'un hôtel, l'exposition ambulante ouvre ses portes à 10 h et est suivie d'un déjeuner. Un petit jeu-questionnaire, doté de cadeaux, est associé à chaque étape. Au total, 2 500 professionnels se sont déplacés. « Nous sommes très satisfaits de l'opération, surtout par rapport à la qualité des visiteurs que nous avons eus : nous avons noué de nombreux contacts avec des installateurs que nous n'avions pas en fichier. Nous avons aussi été étonnés de voir des consommateurs : la campagne télé, organisée au même moment, notifiait notre site internet où les dates et étapes étaient indiquées. » L'opération, d'un coût global de 230 000 €, et qui s'est avérée très impliquante pour le marketing interne, ne sera pas réitérée tous les ans. Le seul regret de Finimétal : « Pour les prestations publicitaires, nous avons une idée très précise et détaillée des retombées. Pour l'événementiel, cela devrait être compris dans le coût de la prestation. »