Jan Löning, Fnac.com « L'activité du site génère du trafic en magasin » 1/2
Ouvert à l'automne 99, Fnac.com duplique les points forts de l'enseigne sur le Net. La plus grande Fnac de France investit avec une obsession du retour sur investissement. Un développement raisonné qui porte ses fruits : la rentabilité est proche et le clic stimule le mortar. C'est du moins ce qu'affirme Jan Löning, son P-dg.
Je m'abonneVotre prédécesseur, Jean-Christophe Hermann, disait, il y a quelques mois, que fnac.com atteindrait la rentabilité en 2003. Cela se confirme-t-il ?
Oui. Le business marche bien et nous avons une croissance de 65
% depuis le début de l'année.
Quels sont les points forts du site ?
Notre offre s'étoffe avec, notamment, les produits techniques
que l'on ne proposait pas au début. Le site est plus performant. Un magasin, on
le construit une fois puis on le maintient. Un site est un chantier permanent,
auquel on ajoute sans cesse des fonctionnalités et des "plus". Par ailleurs, le
marché mûrit. Le nombre de connectés à Internet augmente, le nombre d'acheteurs
également. Le haut débit est entrain de démarrer. Son utilisation devrait être
multipliée par cinq d'ici à cinq ans. Tous ces éléments sous-jacents
contribuent à la croissance très forte de fnac.com.
La force d'une Fnac, c'est le choix et les vendeurs-experts. Quelles sont les équivalences en ligne ?
Les fondamentaux sont les mêmes. Le site propose du choix,
de la diversité, de l'expertise. Nous n'avons pas uniquement un catalogue de
produits, mais des contenus enrichis à travers notre équipe de journalistes qui
commentent les produits. Nous avons un accord exclusif avec France Inter sur
les paroles d'auteur. Ils peuvent s'exprimer sur leurs propres écrits et nous
reprenons également des critiques littéraires parues dans différents titres.
Ensuite, la Fnac est un lieu de rencontres culturelles. Cet esprit, nous le
développons sur le site, pour qu'il soit aussi un lieu d'échanges et
d'inspiration culturelle.
Quel serait l'équivalent magasin du site ?
En termes de nombre de références, nous sommes de loin la plus
grande Fnac. Dans un magasin, un volume d'espace est alloué à chaque catégorie
de produits. Un site est beaucoup plus variable et élastique. Vous pouvez
entrer et avoir un premier aperçu et ensuite creuser. Le e-client est seul à
décider de la densité ou de la richesse d'informations qu'il souhaite voir. En
magasin, les mises en avant varient d'un mois sur l'autre. En ligne, nous avons
en permanence un contenu et une information beaucoup plus riches. Et nous
pouvons proposer des produits que nous n'avons pas en stock !
La clientèle magasin tend à devenir la même que celle du site. Est-ce que cela implique, à terme, moins de clients en magasin ?
Aujourd'hui, nous
constatons que le site anime le magasin. Vous pouvez y voir, par exemple,
quelles activités vont avoir lieu en magasin. Les clients font une présélection
sur le site. Ils se rendent au magasin avec les fiches qu'ils ont imprimées et
disent : "J'hésite entre tel et tel produit. Vous, vendeur-expert, aidez-moi à
faire le choix final". Autre exemple, près d'un billet de spectacle sur deux,
acheté sur le site, est retiré en magasin. L'activité du site génère du trafic
en magasin.
Un samedi
après-midi, vous pouvez avoir envie d'aller à la Fnac et d'acheter un livre ou
un DVD pour le week-end. Vous en ressortez avec la gratification immédiate,
c'est-à-dire, le produit désiré. Si vous cherchez un titre très spécifique, il
est plus pratique d'aller sur le site et de le commander. Ce sont les mêmes
clients qui, en fonction d'envies ou de situations d'achats, vont plutôt
choisir le magasin ou le site.
Vous avez également un call center. Quelle est la proportion d'internautes qui font leurs commandes sans recours à l'aide téléphonique ?
L'essentiel des commandes est passé sans
assistance, mais il est important d'avoir un service client performant. D'un
côté, il y a des commandes passées par téléphone, en particulier sur les
produits, tels que la micro-informatique, l'électronique grand public, des
produits impliquants sur lesquels le client a plus de questions. Pour toutes
les situations où il a un doute, le fait de parler à quelqu'un le rassure et
l'aide à résoudre des problèmes qui ne peuvent pas l'être par e-mails.
La peur de payer par Carte Bleue n'est plus le premier frein à l'achat...
Non, elle est aujourd'hui supplantée par celle de ne
pas pouvoir joindre quelqu'un si ça ne marche pas. Cela montre que de plus en
plus de clients ont compris qu'il n'y a aucun risque. Utiliser sa carte dans un
restaurant est plus dangereux que sur Internet où les circuits sont beaucoup
plus bétonnés. Des clients de plus en plus nombreux savent qu'en cas de souci,
le problème se règle entre le commerçant et le banquier. Par ailleurs, il y a
des e-commerçants qui font des promesses qu'ils ne tiennent pas. Or, les
clients sont de plus en plus exigeants, ils s'attendent à ce que le produit
commandé soit livré en temps et en heure, à être informés s'il y a le moindre
retard et, s'ils cherchent à entrer en contact avec le commerçant, qu'on leur
réponde rapidement et de façon professionnelle. Les aspects de back-office et
de logistique deviennent de plus en plus importants. Et la logistique est un
métier qui ne s'invente pas. Il s'apprend dans la durée. Délivrer 365 jours
dans l'année un excellent niveau de service avec des variations de volumes, de
saisonnalité, etc., c'est difficile. Plusieurs milliers de livraisons par jour,
c'est une opération réellement industrielle.
Les frais de port restent élevés alors qu'Internet, le magasin virtuel, promettait d'être synonyme de prix bas...
Internet n'est pas, contrairement à ce que
l'on pensait initialement, une façon de vendre à prix discount mais une forme
de vente à haute valeur ajoutée. Vous remplissez votre chariot chez vous et on
vous livre à domicile. Le picking, l'emballage, l'expédition sont des éléments
qui ont une vraie valeur pour les clients, et un coût pour l'entreprise. Il est
tout à fait normal que ce service soit payant.
En termes de "sympathie vis-à-vis des sites marchands", comment expliquer que vous soyez encore devancés par amazon.fr ?
Le marché est balbutiant. Fnac.com
représente moins de 2 % du CA du groupe Fnac avec un objectif de 10 % d'ici à
quelques années. Le marché s'est créé via des clients qui ont davantage
confiance en Internet, avec le développement du haut débit mais aussi à travers
des e-commerçants qui ont des propositions de valeur. Sncf.fr est dans le top 5
et son succès est très positif pour l'ensemble des e-commerçants. Cela
contribue à la crédibilisation de ce canal de vente. Même chose pour nos
concurrents directs. Le fait d'être performant et d'avoir des propositions
intéressantes contribue à développer le marché.
Biographie
Diplômé d'HEC (1988), Jan Löning, 38 ans, a passé neuf ans dans le Cabinet Mercer Management Consulting à Londres et Paris. En 1997, il rejoint le groupe Pinault-Printemps-Redoute et occupe la fonction de directeur de la stratégie et du développement du groupe Redcats (pôle VPC de PPR). En 1999, il se voit confier la direction générale de Mobil Planet aux Etats-Unis. Il assure le développement de ce site internet B to B de produits informatiques, dont il lance l'activité en France fin 2000. Depuis avril 2002, il est P-dg de fnac.com.
L'entreprise
Le chiffre d'affaires du commerce en ligne de la Fnac s'élève à 30 millions d'euros (sur le premier semestre 2002), soit un peu moins de 2 % de son chiffre d'affaires. Ce chiffre comprend Fnac.com, Surcouf et Eveil et Jeux plus un peu d'international. Fnac.com réalise 10 % de son chiffre hors de l'Hexagone. Le site enregistre plus de 100 000 visiteurs uniques par jour et 50 millions de pages vues par mois. Il réunit plus d'un million de références dont 100 000 livrables en 24 heures. La société compte 160 collaborateurs.