Internet à la recherche de la mesure idéale
« Les besoins de connaissance des internautes sont de plus en plus aigus.
Il est important pour le CESP de faire un point sur l'état de l'art des mesures
d'audience », explique Patrice Saugeron, président du CESP. Internet occupe
désormais une vraie place au sein du CESP avec l'extension du collège Internet
à tous les membres de l'organisme depuis début 2000. Face à la multitude de
termes employés pour mesurer l'audience des sites, le CESP a tout d'abord
effectué un travail sur la terminologie afin de sortir du vocabulaire du milieu
informatique et de faire le lien avec les autres médias. Autre chantier
originel, des tests sur les logiciels de comptage des connexions. Après cette
phase, le CESP est passé en 1999 à l'audit des études concernant la population
des internautes, comme Profiling de Médiangles ou les panels MMXI et Net Value.
« Il existe deux besoins sur Internet : quantifier et qualifier l'audience,
résume Hélène Haering, directeur d'études au CESP. Deux approches se dégagent :
la mesure de fréquentation des sites et la mesure du comportement des
internautes. » L'approche de mesure du trafic, appelée "site centric", a été
développée en premier. Ces mesures site centric sont effectuées depuis les
sites. Elles sont en théorie sans biais, valables pour les grands et les petits
sites et prennent en compte tous les lieux de connexion. Toutefois, elles ne
permettent pas de connaître l'individu connecté et se pose un problème
d'exhaustivité. Les logiciels de comptage sont de deux ordres. Certains
utilisent les fichiers logs du site serveur et comptent les requêtes arrivant
directement au site. Problème : certaines pages sont stockées sur des serveurs
proxy pour permettre au fournisseur d'accès d'optimiser le trafic. De fait,
elles ne sont pas comptabilisées, ne provenant pas directement du site, ce qui
peut conduire à une sous-estimation du trafic. Pour résoudre cette difficulté,
d'autres outils permettent de mettre en place des marqueurs sur chaque page.
C'est le cas de Cybermétrie de Médiamétrie ou d'Adsuite Certifier de France
Cybermédia, par exemple. Si l'exhaustivité est assurée, cette technique est
cependant plus sensible à l'environnement technologique, et les résultats ne
sont pas comparables et pas forcément très précis. « Contrairement à ce que
l'on pourrait penser, la précision absolue n'existe pas, mais la marge d'erreur
est maîtrisable et assez proche de celle des médias classiques », souligne
Françoise Renaud, présidente du collège Internet du CESP, et directeur des
études de l'Union des annonceurs.
L'enjeu des panels
Les serveurs de publicité ont aussi une fonction de mesure quantitative. Mais,
ils mesurent une audience uniquement publicitaire, en termes de publicité
demandée sur les pages, dans un système comparable aux outils de comptage avec
marqueur. Trois serveurs principaux fonctionnent sur le marché : Dart de
Doubleclick, OpenAdStream de Real Média et Netgravity (racheté par Doubleclick
au printemps 1999). Les approches comportementales, appelées "user centric"
sont de deux ordres : enquêtes et panels. Dans leur ensemble, se pose la
question de la représentativité de l'échantillon. Du fait du nombre encore
limité d'internautes, l'échantillon doit être large et Internet n'est pas
représenté équitablement dans toutes les strates de population, avec, de plus,
des comportements qui risquent de biaiser leur recrutement, comme une mobilité
supérieure à la moyenne. Les enquêtes sont surtout utilisées pour mesurer la
pénétration d'Internet. Deux méthodes coexistent : l'interview face à face
(baromètre Médiamétrie) et l'enquête téléphonique, pour Profiling de Médiangles
et pour le calage des panels (MMXI et NetValue). Les panels permettent de
qualifier l'audience et les individus, mais ne peuvent mesurer l'audience que
des sites très importants. Ils font actuellement l'actualité du secteur avec
des alliances entre sociétés. Ainsi, NetValue est associé à Taylor Nelson
Sofres depuis l'été 1999, Mediametrix à Ipsos et GfK et Médiamétrie avec
ACNielsen (voir page 37). D'où une concurrence accrue sur ce secteur pour
prendre une position dominante qui dépendra essentiellement de la technique
employée et de la qualité des échantillons. Complémentaires, les deux approches
de l'audience sur Internet devraient continuer à cohabiter. Reste à savoir si
une mesure unique pour chacun d'entre eux sera adoptée à un moment ou un autre.
« Sur l'approche user centric, il y aura probablement un petit nombre de
systèmes. C'est plus difficile à imaginer pour l'approche site centric où
plusieurs systèmes peuvent cohabiter », estime Emmanuel Fraisse, directeur
général du CESP. Quoi qu'il en soit, la mesure d'audience sur Internet n'est
pas encore parfaite, mais pour un média aussi jeune les avancées sont rapides.