Forces de vente supplétives, du tactique au stratégique
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Difficulté pour de nombreuses entreprises de couvrir tout le territoire
national avec des ressources internes, volonté d'allégement de la gestion du
personnel, pragmatisme stratégique, besoin de flexibilité, variabilisation des
coûts…
Le recours à des forces de vente supplétives peut trouver des facteurs
divers de motivation. Et le management français, s'il reste culturellement
rétif à l'externalisation des ressources dès lors qu'il les considère comme
stratégiques, commence à goûter les vertus d'une formule qui conjugue
souplesse et productivité.
Parmi les motifs premiers d'externalisation : le
besoin de couverture exprimé par des industriels soucieux de toucher la
clientèle la plus importante possible. Les entreprises disposant d'une force de
vente interne calibrée pour couvrir les 10 000 grandes surfaces du territoire
ne seraient pas plus de vingt en France. En dépêchant un pool de trente-cinq
commerciaux chevronnés, et sur la base de fichiers propres, qualifiés et
actualisés, il est envisageable de visiter 3 500 magasins en deux semaines. «
De manière générale, il est possible de monter un projet de grande ampleur en
moins de deux mois », note Thomas Martin, directeur du département forces de
vente d'Ajilon, deuxième acteur du secteur. Le développement d'un marché repose
souvent sur une dynamique vertueuse : la maturité de la demande accélère le
professionnalisme de l'offre, et réciproquement.
L'externalisation, un mouvement porteur
Les prestataires spécialisés proposent une
palette élargie de services susceptibles de répondre à des besoins de mieux en
mieux définis. Pourtant, les courbes répétitives de croissance enregistrées
depuis plusieurs années sur le marché des forces de vente supplétives accusent
en 2005 un infléchissement assez marqué. « Nous enregistrons une progression de
l'ordre de 5 %. Rien à voir avec les taux à deux chiffres qu'on a connus depuis
quatre ans », commente Jean-Claude Montaudoin, directeur associé de Circular,
numéro trois du marché.
La tendance est unanimement ressentie par la plupart
des grands fournisseurs de la place. « Les mouvements d'internalisation
déclenchés dans le cadre de fusion ou de rapprochement d'unités au sein des
grands groupes industriels expliquent en grande partie ce tassement
conjoncturel », avance Véronique Motte, directrice générale adjointe de CPM. «
C'est le tactique qui a souffert et non le stratégique. L'externalisation des
forces commerciales comme composante à part entière de la stratégie des
entreprises bénéficie au contraire d'un mouvement porteur », soutient Éric
Grasland, directeur général de Daytona. Les potentiels existent.
« Il reste des
secteurs à évangéliser. C'est notamment le cas de la banque, encore
culturellement rétive à l'idée d'externalisation », poursuit Véronique Motte.
Et de préciser que 80 % des nouveaux contrats enregistrés cette année par le
leader français des forces commerciales supplétives relèvent d'un business
strictement additionnel. L'accompagnement dans un contexte ponctuel de
lancement de produit, de mise en place d'une opération promotionnelle ou de
réalisation d'une activité saisonnière nécessitera le recours à une “force de
vente commando”. Celle-ci représente aujourd'hui plus d'un quart du marché.
Si
les besoins s'avèrent plus structurants, on parlera de force de vente
externalisée, ou de délégation de tout ou partie de la force de vente à un
prestataire. Le développement du marché ne repose pas sur les entreprises ayant
un recours ponctuel et limité à l'outsourcing pour limiter leurs dépenses. Il
procède bien plutôt de la volonté stratégique des grands comptes d'intégrer
l'externalisation comme une approche alternative, mais structurante, dans leur
dispositif commercial. Grands comptes qui, en l'occurrence, viennent
généralement à une externalisation plus stratégique après avoir testé
l'outsourcing via des missions ponctuelles et tactiques.
Combiner l'externalisation
Rares sont les entreprises à opter pour une
externalisation totale des ressources commerciales. La formule généralement
adoptée conjugue force de vente propre et commerciaux supplétifs. La première
se concentre sur les missions à forte valeur ajoutée, les seconds, forts de
leur flexibilité, apportant un renfort terrain ultra-opérationnel. Les équipes
internes et externes ne doivent pas se marcher sur les pieds : elles seront
affectées à des missions programmées sur des étapes différentes, ou encore sur
des zones géographiques ou des circuits distincts. Il importe en tout cas
d'assurer une bonne communication en amont auprès de ses propres ressources
afin d'éviter toute source de malentendu.
L'externalisation offre deux
solutions pour les entreprises : le recours à des prestataires ou à des agents
commerciaux. Multicartes, ces derniers peuvent fournir une réponse aux petites
structures qui ne disposent que de moyens limités, en tout cas une ressource
adaptée à des besoins commerciaux restreints. Attention toutefois, ces derniers
sont des chefs d'entreprise, qui disposent d'un carnet d'adresses, ont leurs
entrées au sein de réseaux clairement identifiés et délimités et sont
“propriétaires” de la clientèle.
Les sociétés prestataires constitueront non
seulement un intermédiaire entre l'entreprise demandeuse et les agents
commerciaux eux-mêmes, en garantissant le recrutement des viviers et la
sélection des équipes. Mais ils fourniront également un certain nombre de
services : management, back-office administratif, mise à disposition des
véhicules et autres moyens techniques, plateaux téléphoniques avec solutions
technologiques adaptées, conseil opérationnel… Autant d'offres intéressantes
dans le cadre de problématiques qui se complexifient appelant des dispositifs
de plus en plus composites.
« La demande des entreprises évolue de plus en plus
vers du conseil en amont de la prestation opérationnelle », commente Véronique
Motte. Et pour cause. Le travail de préparation devient d'autant plus pointu
que les ingrédients se multiplient, alternant la qualification téléphonique, la
prise de rendez-vous, les visites commerciales en face-à-face, la relance
téléphonique, la clôture de vente sur site… « Il y a cinq ans, nous ne
disposions pas de cellule téléphone propre. Aujourd'hui, nous pouvons mettre à
disposition de nos clients une quarantaine de positions », affirme Jean-Claude
Montaudoin.
Des problématiques plus complexes
L'apparition chez les prestataires d'offres packagées témoigne de cette plus
grande maturité d'un marché à la recherche de solutions adaptées à des
problématiques qui deviennent plus complexes. Ces mêmes prestataires se sont en
outre dotés de solutions technologiques afin d'offrir à leurs clients une
réactivité accrue. Les serveurs de messagerie unifiée permettant de gérer des
fonctionnalités de fax, de SMS, d‘e-mails et de télex s'interfacent aujourd'hui
avec l'ensemble des applications métiers et bureautiques et avec l'ensemble des
messageries du marché.
Un certain nombre d'entreprises spécialisées dans la
délégation des forces de vente ont adopté une plate-forme de ce type.
Objectifs: gérer de manière rapide les demandes les plus opérationnelles de
clients pressés et entrer très rapidement en contact avec le vivier des
commerciaux.
Comment fonctionnent ces platesformes ? Une fois la requête
enregistrée, l'extraction du fichier opéré et la sélection affinée, en fonction
des besoins spécifiques de l'entreprise, il suffit d'appuyer sur un bouton pour
envoyer par exemple un SMS à tout ou partie des équipes terrain. Plus besoin de
chercher à joindre les commerciaux par téléphone. « Longtemps, les commerciaux
externalisés ont été considérés comme des mercenaires par l'interne.
Aujourd'hui, dès lors que la cohabitation est expliquée et préparée, le recours
à nos services est accepté comme ce qu'il est réellement : une ressource
complémentaire qui, par sa souplesse et son évolutivité, vient optimiser le
travail des ventes en interne », développe Thomas Martin. Filiale d'Adecco,
Ajilon Sales & Marketing (40 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2005) a
annoncé pour la fin de l'année 2006 le recrutement d'un millier de
collaborateurs, dont une cinquantaine en CDI pour des postes de chefs de
secteur en forces de vente supplétiventes, chefs de secteur, délégués
commerciaux et chefs de vente, pour un niveau de formation requis allant de bac
+ 2 à bac + 4. Une opération de grande envergure peut nécessiter le recrutement
d'un millier de commerciaux.
Leader du marché, CPM a constitué une équipe
sourcing de trois personnes. « On ne peut pas dire que les bons commerciaux
sont plus rares qu'ils ne l'étaient il y a quelques années, note Véronique
Motte. Ce qui est certain, c'est que le marché est plus difficile, le vivier
extrêmement sollicité. Par ailleurs, il nous faut prendre en compte l'évolution
du rapport qu'entretiennent les jeunes générations au travail. » Circular
emploie trois personnes au recrutement. « Le sourcing serait plutôt plus facile
pour nous aujourd'hui parce que nous avons massivement investi dans un logiciel
puissant et pour être présents et identifiés aux bons endroits », note
Jean-Claude Montaudoin. Les dispositifs déployés restent invariables : achat de
services auprès d'agences de chasse, présence sur les campus, activation des
réseaux d'anciens des écoles, recours aux fichiers des enseignes de travail
temporaire, petites annonces off et on line.
Capter de nouvelles ressources est
une chose. Les fidéliser en est une autre. Les clauses de sortie de contrats
prévoient des préavis de trois à neuf mois selon la durée initiale du
partenariat, ainsi que des indemnités de rupture. Et pour débaucher un agent
commercial repéré parmi les équipes déléguées par le prestataire, l'entreprise
devra payer une indemnité équivalant à une période donnée (généralement deux
ans) de prestation. La plupart des prestataires spécialisés ont ces dernières
années investi dans des programmes de formation initiale et continue.
A l'image
de CPM, qui a constitué il y a deux ans sa propre méthode de vente. « Nous la
mettons systématiquement en oeuvre pour chacune de nos équipes ainsi qu'au
niveau plus transversal des teams managers. » Côté Circular, on a mis en place
un système de coaching garantissant contractuellement pour le client un nombre
minimal de jours de formation par vendeur. Chez Ajilon, chaque directeur des
ventes va tourner trois à quatre jours par semaine sur le terrain en mission
d'accompagnement des commerciaux. Le contrat passé avec le prestataire
n'implique pas nécessairement d'obligation de résultat. Mais il inclut des
obligations de moyens (matériels, formation, encadrement et suivi des
commerciaux), ainsi qu'un reporting régulier via Intranet par exemple. Les
objectifs doivent être libellés très précisément en termes qualitatifs et
quantitatifs (nombre de visites, volumes de commandes...), de même que le mode
d'évaluation de la performance. Sur la base d'une définition claire de ces
objectifs, présentation des enjeux et des contraintes pour l'entreprise
cliente, le cahier des charges définira le profil des commerciaux, la formation
requise et à mettre en oeuvre, les modalités de reporting.
L'une des tâches les
plus délicates étant de dimensionner l'équipe commerciale, quel sera le contenu
des visites ou des appels, quelle en sera la fréquence ? Combien de personnes
sont nécessaires sur le terrain ou sur les plateaux téléphoniques ?
L'expérience des sociétés spécialisées, ainsi que leur aptitude à réajuster les
effectifs avec souplesse en fonction des premiers résultats constitue ici un
atout de taille. « Nous mettons quasi systématiquement en oeuvre des tests de
vente, durant deux à trois mois pour les projets d'ampleur, afin de définir les
meilleurs indicateurs de performance et les bons ratios de variabilisation »,
explique Thomas Martin.
Un coût en baisse
Sur ce
marché où les écarts de prix peuvent atteindre 30 % d'un prestataire à l'autre,
la différence se fait essentiellement à la marge, au niveau des petits
prestataires en quête de chiffre d'affaires immédiat. La marge brute moyenne
des prestataires tourne autour des 25 %. Le coût de l'outsourcing s'infléchit à
mesure qu'augmente la taille des ressources externalisées. Trente commerciaux
externes employés pendant trois mois pèseront moins dans les lignes budgétaires
qu'une équipe interne, a fortiori si elle s'avère inadaptée aux besoins
permanents de l'entreprise et si sa productivité ne peut être assurée de
manière optimale. Un vendeur externe est a priori moins rémunéré que son
homologue en interne. Le salaire est fonction du secteur d'activité.
Un
commercial gagnera davantage dans la pharmacie que dans la grande consommation.
Un vendeur externalisé coûte de 4 500 à 5 000 euros par mois (vingt jours
ouvrés) pour un animateur des ventes, de 5 000 à 6 000 euros pour un technico-
commercial, autour de 8 000 euros pour un chef des ventes, entre 8 000 et 10
000 euros pour un cadre commercial international. « La part variable sera
fonction du secteur d'activité. Elle peut atteindre les 80 % dans la
téléphonie, alors qu'elle ne dépassera pas 15 % en GMS », spécifie Jean-Claude
Montaudoin. Quel budget faudra-t-il prévoir pour une équipe de dix personnes,
dont un chef de vente national et un coordinateur national ? « En grande
surface alimentaire, l'investissement fluctue entre 820 000 et 870 000 euros
annuels. Dans la distribution plus sélective, la fourchette se situera entre
950 000 et 1 million d'euros », précise Éric Grasland.
Le marketing terrain en chiffres
En 2005, le marché du marketing terrain représentait : ? 300 millions d'euros de chiffre d'affaires ; ? 1 200 emplois permanents et 45 000 salariés sur le terrain ; ? Plus de 165 prestataires en France. En cinq ans, le marché a progressé de 10 %.
Des prestations multiples
Forces de vente commando, permanentes, d'accompagnement ou de renfort : ? Négociation ou consolidation des accords commerciaux ; ? Accompagnement des référencements ; ? Prospection ; ? Augmentation des ventes et prise de commandes ; ? Présentation des promotions ; ? Représentation chez les distributeurs ; ? Suivi et conseil en point de vente ; ? Relevé d'informations ; ? Pose de PLV, mise en avant ; ? Décoration, installation de mobilier ; ? Implantation d'espaces marchands, de linéaires ; ? Visites mystères.
Un cinquième des entreprises concerné
Interface entre le client et l'entreprise, la force de vente est, davantage que toute autre fonction, soumise à la pression du résultat. C'est ce que confirme dans sa dernière édition l'Observatoire Cegos de la fonction commerciale en entreprise, réalisé au cours du premier semestre 2006 auprès d'un échantillon national fort de cent trente-sept sociétés. Pour autant, la Cegos ne constate pas de poussée inflationniste de l'externalisation des ressources. Si 54 % des entreprises pensent faire évoluer les effectifs de leur force de vente, elles ne sont que 21 % à envisager un recours à l'outsourcing : 17 % via des forces de vente supplétives et seulement 4 % au travers d'une externalisation totale des ressources commerciales.
A l'inverse, 31 % des sociétés approchées déclarent opter pour un renforcement de leurs équipes commerciales internes. Aujourd'hui, la fonction commerciale représente en moyenne 23,5 % des effectifs des entreprises. Quant aux dépenses commerciales, elles pèsent 7,5 % du chiffre d'affaires (contre 6,6 % en 2002) : 4,9 % pour les dépenses salariales, 1,3 % pour les dépenses de fonctionnement et 1,3 % pour les dépenses publi-promotionnelles.
Qu'attendent les directeurs commerciaux de leurs équipes ? Trois exigences-clés sont requises en priorité : la connaissance technique des produits et services proposés par l'entreprise, la négociation des prix et des conditions, l'organisation de l'action commerciale. Viennent ensuite les aspects plus techniques spécifiques au métier de vendeur : maîtrise des techniques de vente et de la prospection, dimension psychologique de la relation client et la gestion des conflits, gestion du temps, élaboration de plans d'action commerciale opérationnels.
Des besoins divers
Augmentation du taux de pénétration sur un parc de magasins ; ? Prospection de clientèles complémentaires ; ? Gain de nouveaux marchés en France ou à l'étranger ; ? Concentration des ressources internes sur les plus forts potentiels de business ; ? Gestion des pics d'activité ; ? Gestion des crises ; ? Test sur de nouvelles organisations commerciales, etc.