Faute de goût dans les assiettes des Français
Interrogés par Ipsos Marketing, dans le cadre de la cinquième édition des "Saveurs de l'année", les Français critiquent la fadeur des aliments qui leur sont proposés. Une inexorable dégradation, particulièrement pour les produits frais.
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Les années se suivent mais ne se ressemblent pas. Si 2000 avait consacré le
retour de la confiance des Français dans le goût de leur alimentation, 2001
signe un regain de scepticisme avec 50 % de déçus du goût. Qui plus est, le
franchissement de cette barre psychologique s'accompagne de son corollaire de
pessimisme puisque 44 % des personnes interrogées n'envisagent pas vraiment
d'amélioration à l'avenir. En fait, et comme cela a été le cas les années
précédentes, ce constat mitigé cache des contrastes entre les familles de
produits. Particulièrement entre les aliments transformés, mieux perçus, et les
produits frais, fortement contestés, dont les filières ont de quoi s'inquiéter.
Et en tout premier lieu, celle des fruits et légumes. Ces "produits du Bon
Dieu" n'arrivent toujours pas à conjurer l'hémorragie gustative qui les touche
depuis plus de cinq ans. Et la moitié des Français continue de les trouver de
moins en moins goûteux. Alors : effet psychologique qui tendrait à rendre les
fruits de "notre enfance" forcément meilleurs que ceux d'aujourd'hui ? Ou plus
simplement effet collatéral de la recherche génétique et des méthodes de
distribution inadaptées ? Toujours est-il que d'autres familles de produits
frais s'en sortent mieux. Alors qu'ils étaient 34 % et 41 % de Français à
trouver que la viande et le pain avaient de moins en moins de goût il y a cinq
ans (étude Louis Harris), ils ne sont plus que 28 % et 27 % en 2001. Quant à la
charcuterie, elle se maintient autour des 20 % de détracteurs (23 % il y a cinq
ans et 21 % en 2001). Le poisson, pour sa part, remonte le courant. 16 % des
personnes interrogées trouvent que son goût baisse, alors qu'ils étaient 20 %
l'an dernier. Il faut donc, cette année encore, regarder du côté des produits
transformés pour retrouver le sourire même si les taux de satisfaction
gustatifs ont, là encore, tendance à baisser. La palme revient aux produits
laitiers, comme l'an passé, suivis des biscuits, des produits surgelés, des
fromages et des conserves. Reste néanmoins le "mystère oeufs". Produit qui,
pour 22 % des Français, continuerait de perdre de son goût. Mais, comme tout
le monde le sait, la perception du goût est un paramètre très subjectif.
Notamment chez les Français qui lui confèrent également une valeur de mémoire
et de transmission culturelle. 99 % d'entre eux jugent même qu'il est important
de ne pas oublier le goût des aliments. Quand 94 % estiment qu'il est important
d'éduquer les enfants à l'école sur ce sujet.
Le plaisir toujours plébiscité
Les Français sont donc à la fois atteints du syndrome
de la "madeleine de Proust" et ont un besoin croissant de connaître les
produits. Cela va de la composition des produits (85 %), au mode de fabrication
(81 %) en passant par les signes de qualité, comme les certifications ou les
labels (79 %), ainsi que l'origine géographique (74 %). A ces considérations
pragmatiques vient s'ajouter une attente de naturalité et de produits bio de
plus en plus soutenue pour 44 % des Français. Dimension qui n'occulte en rien
la notion de plaisir que les Français continuent de plébisciter. A ce titre, 39
% des personnes interrogées accordent à l'alimentation une dimension gourmande,
36 % une connotation "gourmet" et 28 % l'associent à un modèle "bon vivant".
Rien de surprenant alors au fait qu'ils choisissent comme stars emblématiques
de la gastronomie française (en dehors des chefs cuisiniers) des personnages
bons vivants, pourfendeurs de la "mal bouffe", amateurs de grands crus, comme
Gérard Depardieu ou Jean-Pierre Coffe, et, dans un autre registre plus
contrasté, Maïté (14 %) et Jacques Chirac pour 9 % des Français. A quand la
défense du goût au programme d'un homme politique ?
MÉTHODOLOGIE
Sondage réalisé pour les "Saveurs de l'année" par Ipsos Marketing. Enquête par téléphone, les 22 et 23 juin 2001, auprès d'un échantillon de 1 017 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus. Méthode des quotas : sexe, âge, profession du chef de ménage après stratification par région et par catégorie d'agglomération.