Etudes et marketing direct, un mariage déraisonnable
Deux professions liées au marketing sollicitent régulièrement les consommateurs: les responsables d'études de marché, pour les interroger; les spécialistes du marketing direct, pour leur vendre produits et services. Deux démarches radicalement différentes, nécessitant des aptitudes particulières. Savoir écouter sans induire pour les uns, savoir convaincre pour les autres.
Le monde des études ne s'est jamais immiscé dans celui du marketing direct. Formé à ne modifier sous aucun prétexte l'opinion d'autrui, un bon enquêteur se révélera toujours un piètre vendeur. En revanche, l'inverse est monnaie courante: divers opérateurs du marketing direct effectuent le travail de terrain d'instituts ou d'annonceurs peu scrupuleux... et peu soucieux de la qualité. En effet, les télévendeurs sont incapables d'une écoute patiente. De plus, les conventions collectives diffèrent fortement d'un métier à l'autre. Certains pays ont choisi de marquer juridiquement la frontière entre les deux professions; d'autres se contentent de règles éthiques, plus lâches et plus aisées à contourner - c'est le cas chez nous.
Avec le développement d'Internet, on aurait pu croire le problème derrière nous, les coûts salariaux disparaissant de l'équation. C'était compter sans l'hypercompétition à laquelle se trouvent confrontés les vendeurs en ligne, les acteurs du marketing direct les premiers.
Dans le monde physique, les magasins décorent leurs vitrines pour attirer le chaland, distribuent catalogues et prospectus, collent des affiches, expédient des courriers à leurs clients et prospects - une activité souvent très coûteuse et parfois peu rentable, en cas de fichiers de clientèle de moindre qualité. Dans le monde virtuel, il en va différemment, parce que tous luttent pour occuper massivement un écran de 15 à 17 pouces.
François Laurent, (Adetem)
François Laurent, (Adetem) :
«Certains pays marquent juridiquement la frontière entre études marketing et marketing direct. Il faut édicter un code de bonnes pratiques commun.»
Spam et pseudo-enquêtes, des dérives dommageables
Les masses de courriels reviennent beaucoup moins cher que les envois postaux d'hier: certains spécialistes du marketing direct inondent généreusement les boîtes mail, sans d'ailleurs vraiment respecter la législation, et notamment l'obligation du consentement préalable. Bref, on glisse doucement mais sûrement vers le spamming. Ce qui ne suffit pas pour émerger. Déverser des tombereaux de propositions sur des piles de propositions similaires n'incite pas à la lecture! Alors, il faut trouver des astuces. Certains acteurs donnent dans la surenchère sémantique et multiplient les opérations prix écrasés et ventes flash en tous genres.
D'autres se sont aperçu que les internautes aimaient bien donner leur avis sur la Toile, sur tout: la politique, le temps qu'il fait... et bien sûr, sur les produits et services qu'ils découvrent et achètent. Alors, on les sollicite en ce sens. Je viens également de jeter à la poubelle un e-mail envoyé par «Enquête rémunérée» me demandant, pêle-mêle, si j'étais intéressé par des «bons plans shopping», j'avais «un projet de mariage», je souhaitais «prochainement changer de mutuelle»... auquel cas, on me proposera d'être mis en contact avec une «complémentaire santé et de bénéficier d'un devis gratuit». Je ne pense pas avoir jamais accepté d'être sollicité par «Enquête rémunérée»! Je croyais répondre à une enquête... et voilà qu'on essaie de me vendre toutes sortes de services.
En tant que consommateur, plus jamais je ne répondrai à de telles sollicitations. Tant pis pour les instituts qui font sérieusement leur travail. En tant que marketeur, je ne peux que déplorer une dérive qui nuit à toute la profession. Aux études, parce que des vendeurs peu scrupuleux se parent d'un masque à leur effigie pour déballer leurs boniments à des internautes qui, demain, refuseront de répondre à leurs enquêtes. A tous les professionnels du marketing (direct, mais pas seulement) parce que de telles pratiques dévalorisent l'image et la crédibilité de tous - pour le seul bénéfice de quelques-uns, et encore, ce n'est même pas sûr.
Il serait temps que tous les intervenants concernés se réunissent autour d'une table et qu'ils se demandent, sans langue de bois, où de telles pratiques risquent de conduire le marketing en général. Et qu'ils édictent ensemble un code de bonnes pratiques. C'est à la fois une question de salubrité et de survie.
François Laurent,
coprésident de l'Adetem