Etudes de gestion de la relation client : vers plus d'operationnalité
Longtemps limitées au seul tracking de l'indice global de la satisfaction, les études de gestion de la relation client se veulent encore plus fines dans la connaissance du client. Secteur en progression, c'est un marché convoité par les instituts d'études qui se dotent d'outils ou d'approches de plus en plus opérationnelles.
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Qu'il s'agisse de secteurs B to C ou B to B, voire d'administrations ou de
collectivités, aucun secteur n'échappe aujourd'hui à une réflexion sur une
meilleure satisfaction et fidélisation de ses clients. Généralement lourdes
(pour descendre finement dans l'analyse) et régulières (elles sont le plus
souvent barométriques), les études de satisfaction drainent des budgets
suffisamment conséquents pour que les instituts d'études s'intéressent depuis
quelques années à ce marché (ne serait-ce que pour occuper leurs capacités
terrain). La Poste fait interviewer par téléphone 53 000 personnes par an, un
échantillon nécessaire quand il s'agit de descendre à un niveau géographique
suffisamment fin. Aéroports de Paris interroge 23 000 voyageurs par an par
enquête autoadministrée, distribuée par enquêteurs en salle d'attente, pour
connaître la satisfaction des voyageurs. BNP Paribas, dont les 1 900 agences
reçoivent des visites mystères deux fois par an, interroge 50 000 clients dans
l'année pour un de ses outils de mesure de la satisfaction. De plus en plus, à
côté des baromètres de satisfaction globale, les entreprises interrogent leurs
clients sur leur satisfaction sur événements et à tous les points de contact
avec leurs clients (points de vente, agences, call center, site web, etc.) avec
tout ce que cela comporte de nouveaux outils d'évaluation (type CallcenterEval
de TNS Sofres) et de visites/appels mystères dont le marché est estimé à 30 ME
en France. Le marché des études de gestion de la relation client représente
une part non négligeable du chiffre d'affaires des grandes sociétés d'études
dites “généralistes” : 8 %, par exemple, chez Research International France,
10 % chez Ipsos, entre 10 % et 15% pour BVA (et même 20 % si l'on intègre les
études Qualité), 20 % pour Synovate et CSA, 20 % à 25 % pour MV2 Conseil, 25 %
pour Market Audit (voire 50 % si l'on y ajoute l'activité visites mystères)…
Mieux encore, le marché est en progression. « C'est un marché qui croît
aujourd'hui plus vite que les autres catégories d'études », constate Marc
Papanicola, directeur du département Etudes Quantitatives Services et Industrie
de Research International France. « Les études GRC sont importantes pour nous
comme pour nos confrères, remarque Philippe Guilbert, D-ga de BVA. Ce secteur
était déjà loin d'être négligeable dans nos portefeuilles d'activités et il a
encore tendance à croître pour tout le monde.» Tendance que confirme Henri
Wallard, CEO d'Ipsos Loyalty Monde, une spécialité qui s'est ajoutée en 2003
aux quatre autres métiers du groupe: « 2004 a été une très belle année pour
Ipsos Loyalty. C'est un secteur d'avenir et ce, pour quatre grandes raisons :
la concurrence est généralisée et exacerbée, le niveau d'exigence des clients
est toujours plus élevé, la disponibilité des données sur les clients est
toujours plus grande et aujourd'hui, on a la capacité technologique de faire
beaucoup plus. » Et Alain Peron, directeur général d'Ipsos Loyalty France de
préciser avec satisfaction : « Notre activité a connu l'an dernier une
croissance à deux chiffres en France. » Difficile d'ignorer un tel marché
potentiel. En 2003, IOD a lancé un nouvel outil pour affirmer sa volonté de
jouer dans la cour des grands : FidSatis, un outil d'évaluation de la qualité
de la relation client. L'an dernier, l'arrivée de Guillaume Antonietti a permis
à Audirep de développer un pôle d'expertises “Marketing Client”. « Nous avons
une vraie ambition sur ce secteur et nous voulons devenir une référence en
satisfaction en France», reconnaît ce dernier, qui travaille notamment sur la
notion d'asymétrie des facteurs contributifs à la satisfaction avec l'Institut
du Capital Client monté par Daniel Ray, professeur de marketing à Grenoble
Ecole de Management. Un pari peut-être, mais qui s'inspire de la confiance que
l'institut a dans son modèle. Au point d'engager une partie de la rémunération
du client sur la progression de la satisfaction.
L'effet des rachats
Les récents rachats dans l'industrie des études sont venus
renforcer des parts de marché sur ce secteur. « Dès sa création, Synovate
proposait une offre en relation client avec ses différentes déclinaisons
(collaborateurs, clients, etc.), explique Nicholas Grant, directeur du
développement de Synovate France. Il nous manquait toutefois une expertise aux
Etats-Unis. C'est chose faite depuis septembre 2003 avec le rachat de
Symmetrics qui a développé un outil de modélisation qui va mesurer l'impact de
la marque sur la satisfaction. » Pour GfK, le rachat aux Etats-Unis de Caribu
Lake, il y a trois ans, fait partie de la volonté du groupe de développer son
expertise dans le data base modeling. « Je crois en deux choses, explique Helen
Zeitoun, Dg de GfK Sofema. On ne peut pas dissocier les études de customer
value des études d'image. Comment peut-on parler de fidélité sans comprendre le
lien entre fidélité et image? Nous avons donc relancé en avril dernier notre
approche GfK Loyalty +. Par ailleurs, pour avoir une vraie idée du client et de
sa relation à la marque, il faut le connaître depuis longtemps et l'observer de
l'extérieur. C'est ici qu'intervient le data base modeling. Mais, pour le
réaliser, il nous fallait des experts et c'est pourquoi nous avons racheté
Caribu Lake. Les deux mesures sont en parallèle, mais l'intérêt est de faire le
lien entre les deux, et travailler sur une stratégie de clientèle à partir de
là. » Ipsos Loyalty, de son côté, vient de s'adjoindre les services d'un grand
professionnel des analyses statistiques et de la modélisation, Antoine Moreau.
« Il va amener des initiatives fortes sur les bases de clients », annonce Henri
Wallard. La fusion de TNS et de NFO a renforcé la position de TNS Sofres sur
le marché des études de la relation client, une des aires d'expertises avec le
NPD, la communication et la marque, le “Motivational Research” et les
compréhension consommateur et opinion, identifiées par le groupe au niveau
mondial, avec tout ce que cela comporte d'investissements et de R&D. Dans la
corbeille de mariage, TNS Sofres a découvert une véritable “pépite”, comme on
n'hésite pas à l'appeler en interne: l'approche TRIM (qui se décline en TRIM
Employee, TRIM Retention et TRIM Corporate Reputation). « En termes d'expertise
et de produit, NFO nous a considérablement renforcés, constate Yannick Carriou,
D-ga de TNS Sofres. Notre offre en termes d'études de satisfaction s'appuie sur
trois piliers : Conversion Model, ou modèle d'engagement, le système dynamique
TRIM de management et pilotage de la performance de l'entreprise auprès de ses
clients et prospects, et entre les deux, des approches ad hoc de modélisations
statistiques. L'avantage de TRIM est qu'il s'interface bien avec des outils
traditionnels issus du monde de la qualité, qu'il s'adapte à divers outils
d'animation en interne et qu'il permet de présenter des résultats de façon très
ludique avec une efficacité redoutable. C'est un peu le Graal de
l'actionnabilité des études. »
Se rapprocher de la prise de décision
Car rendre les études de satisfaction opérationnelles -
et donc en justifier le ROI - est bien l'enjeu actuel pour les sociétés
d'études. « En matière d'études de gestion de la relation client, l'approche de
Research International est de plus en plus centrée sur l'opérationnalité, fait
remarquer Marc Papanicola. Nos clients souhaitent de plus en plus, à l'issue
d'une présentation, avoir une vision très claire des plans d'actions
stratégiques (gestion de la fidélité et de la valeur client) ou tactiques
(gestion de la qualité de service) pouvant être privilégiés. Notre approche
s'est donc éloignée des modèles théoriques habituels, souvent en rupture avec
la réalité terrain, pour se rapprocher au maximum de la prise de décision. Sur
le plan stratégique, une dizaine de questions nous permet de cerner l'ensemble
des dimensions structurant la fidélité et la valeur des clients (comment a
minima éviter l'infidélité ? comment développer la valeur client ?). Et, sur le
plan tactique, notre approche permet de fixer des objectifs clairs de
progression de qualité de service aux opérationnels et de travailler aux
accords d'intéressement permettant d'incentiver les collaborateurs en fonction
de leur contribution à la satisfaction des clients. » De son côté, avec son
outil CRM Model, BVA insiste sur l'opérationnalité des résultats. Les tableaux
de bord, la diffusion en ligne des résultats sont une tendance lourde. « La
technologie a pris beaucoup de maturité sur le reporting statistique »,
constate Edouard Servan-Schreiber, directeur de FullSix Research. « Les autres
pistes de réflexion actuelles sont l'étude des particularismes et des
populations atypiques, d'autant que les outils statistiques actuels, notamment
les bases de données, permettent de repérer les phénomènes exceptionnels »,
insiste Philippe Guilbert. « Nos clients se rendent compte que leur baromètre
de satisfaction bouge peu, et c'est normal, parce que les clients insatisfaits
partent. Ils sortent donc de l'échantillon. Au contraire, nous préconisons
des études auprès des ex-clients notamment sur les causes de résiliation,
souligne Henri Boulan, D-ga de CSA. Là, le quali est indispensable, parce qu'il
nous faut revenir aux attentes des clients.» MV2 travaille actuellement sur un
outil de satisfaction grands comptes (on line) : « Il va donner un souffle neuf
à ce type d'études en apportant plus d'opérationnalité », explique Christian de
Balincourt, directeur de la Division des études ad hoc et stratégiques de MV2
Conseil. Gageons que les pistes de réflexion actuelles vont encore modifier
l'offre de demain. L'une des missions que s'est assignée l'Institut du Capital
Client de Grenoble Ecole de Management sous l'impulsion de Daniel Ray, est
justement de faire avancer la R&D dans ce domaine, « non seulement d'un point
de vue académique mais également très opérationnel », explique ce
dernier.
Satisfaire le client, une priorité pour BNP Paribas
« Faire de la satisfaction client un vrai levier de différenciation est une volonté très affirmée de BNP Paribas au plus haut niveau », indique Roger Waïche, responsable de la Qualité au sein du département Qualité et Relations Consommateurs pour la banque de détail en France chez BNP Paribas, un service qui regroupe plus de 30 personnes dédiées au traitement des réclamations, à l'animation et la livraison d'outils de mesure de la satisfaction clients. « Nos outils de mesure s'articulent autour d'approches complémentaires. Les unes cherchent à mesurer la qualité perçue, d'autres la qualité servie, mais toutes doivent détecter les sources de satisfaction et d'insatisfaction, préconiser des solutions et animer des projets susceptibles d'améliorer le jugement de nos clients.» « Depuis une dizaine d'année, poursuit Roger Waïche, nous interrogeons une fois par an, un échantillon représentatif de plus de 10 000 clients par téléphone sur leur relation avec BNP Paribas. Par ailleurs, le dispositif est enrichi depuis 1999, par un volet d'enquêtes sur la “qualité servie” qui s'appuie sur les visites mystères réalisées dans l'ensemble du réseau avec l'aide des équipes de Satistème. Les visites mystères (deux vagues par an, soit 2 500 visites par vague) permettent de noter un certain nombre de paramètres considérés comme déterminants pour le client dans sa première relation avec la banque. Chaque agence obtient son propre rapport et une consolidation se fait au niveau départemental, régional et national. Aujourd'hui, les résultats sont attendus avec impatience par les agences, car cette approche a fait ses preuves comme outil d'animation des équipes du réseau d'agences », estime Roger Waïche. Enfin, une nouvelle organisation destinée à encore améliorer le traitement des réclamations clients vient d'être déployée dans le réseau et constitue un levier de plus dans ce domaine…