Distribution de produits de beauté : prix ou service, quelle stratégie adopter ?
Les difficultés récurrentes du circuit de la parfumerie sélective ne permettent plus de se cacher derrière une conjoncture économique morose. De fait, la distribution sélective peine à marquer ses différences, alors que les autres réseaux montent en gamme.
Je m'abonne
Aux Etats-Unis et au Japon, les années se suivent et se ressemblent. Les
Department Stores perdent du chiffre d'affaires. En Europe occidentale, les
chaînes ont mangé leur pain blanc et essayent de compenser la baisse de chiffre
par un double exercice. La première action a consisté à dégager des économies
d'échelle par le biais d'une politique de croissance externe, généralement
financée par appel aux marchés boursiers. Or, cette démarche, qui devait leur
permettre d'augmenter leurs poids dans les négociations commerciales avec leurs
principaux fournisseurs à l'échelle européenne, ne semble donner que des
résultats mineurs tout en faisant peser une forte pression sur les industriels.
La seconde politique consiste à fortement baisser les prix (cf. la promotion de
15 % avant Noël) pour accroître la pénétration de façon significative. Or, les
bilans présentés, notamment par la chaîne Marrionaud - une hausse de 4 % du CA
sur le mois de décembre dernier -, décrédibilisent cette politique.
Le prix n'est pas la solution...
Ce n'est pas seulement
un prix plus bas que souhaitent les consommatrices, mais une offre réellement
différente des autres circuits qui, à l'inverse, montent sensiblement en gamme.
Cette dernière démarche est aujourd'hui visible en GMS où les prix des produits
de soin frôlent les premiers prix de la parapharmacie. Il est donc déjà loin le
temps où une crème de soin pour le visage était près de trois à quatre fois
moins chère qu'en parfumerie sélective. A l'inverse, ce sont les marques de
pharmacie traditionnelle qui cherchent, par exemple en Espagne, à élargir leur
gamme en introduisant des shampooings techniques avec des prix proches de ceux
pratiqués en mass market, soit environ 3 euros. Cette double politique ouvre
béante une plaie (la réduction de la différence de la distribution sélective)
et, bien sûr, une formidable opportunité : le lancement de produits cosmétiques
à bas prix pour le hard discount sur le modèle de l'Allemagne. Outre-Rhin, le
hard discount représente 25 % de la distribution alimentaire et a atteint des
taux de pénétration qui permettent le lancement de maquillage premier prix
autour de 1 à 3 euros. Si la France ne connaît pas encore une telle
fréquentation de ce nouveau circuit, il est aisé d'imaginer la photo du marché
des produits de beauté dans quelques années : - produits de hard discount,
clairement identifiés, à moins de 10 € ; - produits de GMS, entre 5 et 15 € ;
- produits de parapharmacie et de magasins populaires, entre 7 et 20 € ; -
produits de VPC et de magasins en propre, se situant plutôt entre 5 et 50 €, un
éventail beaucoup plus large due à la forte politique promotionnelle de
certains vépécistes ; les magasins en propre occupant le haut de la fourchette
; - produits de distribution sélective, entre 10 et 100 € pour les produits les
plus sophistiqués. Hormis le fait qu'aucun autre produit de grande consommation
ne connaisse un tel éventail de circuits de distribution, la réelle
segmentation devient de plus en plus compliquée et surtout difficilement
perceptible pour le consommateur comme pour les industriels, voire les
distributeurs.
Le service représente une alternative...
Une politique orientée service est d'autant plus
nécessaire que les premiers efforts conduits aux Etats-Unis semblent porter
leurs fruits et redessinent la distribution des produits américains. Tous les
lancements en rupture sur les marchés de la beauté ont intégré une dose plus ou
moins élevée de services. Le maquillage professionnel, ou Make-Up Artist, est
ainsi une proposition dont la vente ne peut s'envisager sans le maquilleur
lui-même sur le plateau (le magasin étant présenté comme un studio de
maquillage). Les parfums de Fréderic Malle ou de Serge Lutens, qui semblent
aussi rencontrer un certain succès outre-Atlantique, sont toujours proposés
avec les explications et les démarches d'éducation jugées nécessaires par
l'industriel et réclamées par le consommateur. Il en va de même de ce qui
semble être un futur succès de la branche Parfums Sélectifs de Procter &
Gamble, à savoir Helmunt Lang. Son effort repose essentiellement sur une
transmission de savoir et une large offre de services, n'hésitant pas à mêler
senteur d'intérieur avec une offre parfums traditionnelle. Dans tous ces cas,
l'offre produits est systématiquement relayée/appuyée par une offre de
services, soit à domicile (chirurgie esthétique), soit dans les points de vente
qui sont aménagés pour permettre cette nouvelle démarche. Autant la politique
prix semble initialement aisée, autant sa mise en place de façon continue
semble plus compliquée, compte tenu de la multiplicité des réseaux de
distribution. A l'opposé, si la diffusion d'un service additionnel, de mieux en
mieux accepté, est plus compliquée dans la distribution européenne, cette
option semble plus pérenne à long terme.