Dim ou la séduction en toute liberté
Cinquante ans que la petite musique “tatatatatata…” raisonne dans nos têtes avec toujours le même entrain. Fabienne Mallat, directrice artistique de Dim, nous tisse les fils de l'histoire.
Je m'abonneMM : Dim fait partie de notre patrimoine depuis près de cinquante ans. Comment l'expliquez-vous ?
Fabienne Mallat : Dim,
c'est la rencontre magique d'une matière, d'une époque, d'une mode et d'une
femme. Elle est devenue une marque patrimoniale dans le sens où ses fondements
ont, dés le départ, été des critères socio-culturels. Elle a fait émerger,
voire initié des tendances profondes liées à l'évolution de la société à partir
des années 60. Lancer des collants à une époque où les femmes portaient des bas
et des porte-jarretelles accompagnait bien le mouvement d'émancipation féminine
qui préemptait mai 68, qui a été le choc culturel que l'on sait. Alors
qu'avançait la mode du jean et du t-shirt, les femmes se voyaient toujours
proposer une lingerie très corseterie, froufroutante, qu'elles devaient laver à
la main. En lançant en 1975 sa première ligne de lingerie, imprimée, en
couleur, tout coton, qui se lave en machine, Dim suit là encore l'envie
d'émancipation féminine. En deux ans, la marque est d'ailleurs devenue leader
du marché.
MM : Lancer Dim homme, c'était justement un pari pour une marque qui évoquait l'émancipation féminine ?
FM : C'est
vrai, c'était un vrai pari, Dim Homme aurait pu être perçu comme une marque
“homosexuelle”. En fait, si on a pu lancer l'homme, c'est justement parce qu'on
est une marque féminine. Ils avaient tous une mère, une sœur, une petite amie
qui portaient du Dim, ils connaissaient la marque, ce qui était un vecteur de
réassurance, et la percevaient comme une marque féminine, mais jamais
féministe. Dim était à l'époque déjà pour eux une marque de séduction qui, dans
sa communication même, créait une connivence, une complicité avec les hommes.
MM : Sur quels fondements la marque s'est-elle imposée auprès d'eux ?
FM : De la même manière qu'avec la femme, en les accompagnant
dans leur évolution. On a complètement décontracté le rapport de l'homme à ses
sous-vêtements et à son corps à une époque où l'un et l'autre étaient cachés.
La campagne de publicité “Très mâle, très bien” de 1985 mettait en scène tous
les types d'hommes dans des situations où ils auraient pu être habillés. Deux
ans après, on a été encore plus loin en faisant courir un homme nu sur la plage
pour symboliser le confort de l'Australien. Pour la femme comme pour l'homme,
on retrouve la même mission: la liberté psychologique et physique que peut
apporter une marque experte du corps et des matières.
MM : Comment avez-vous fait évoluer ce positionnement qui est largement repris aujourd'hui ?
FM : Le fondement est resté le même mais nous l'avons fait
évoluer il y a trois ans en réalisant une importante étude usages et attitudes
auprès de filles et de garçons. La liberté est une notion acquise aujourd'hui,
tant du côté des filles, qui peuvent porter des mini-jupes, des strings
dépassant du pantalon et des décolletés vertigineux, que des garçons qui
s'émancipent de plus en plus sur le plan apparence personnelle. Mais dans cette
liberté, il reste un domaine très enfermant, bridé par des codes stéréotypés
dans lesquels ils ne se reconnaissent pas vraiment et qui est la séduction. Dim
a là un rôle à jouer comme “dédramatisateur” et “facilitateur” de séduction et
c'est dans ce sens que nous avons fait évoluer la plate-forme de marque. La
nouvelle signature “La séduction n'est qu'un jeu”, adoptée l'an dernier, fait
passer d'une séduction enjeu à une séduction jeu, pas anxyogène mais
impertinente et ludique.
MM : Le fameux “tatatatatata…” du musicien Lalo Schiffrin, est-il un intouchable de la marque ?
FM :
Cette signature sonore est effectivement intouchable, elle contribue à la
notoriété de Dim et à son capital sympathie tout comme le logo, trois lettres
graphiques, simples et modernes. La notion de mouvement aussi est inhérente à
une marque qui vient du collant, une marque qui est dans la vie, qui évoque la
joie de vivre depuis cinquante ans.
MM : Peut-on aussi ranger Publicis parmi les intouchables ?
FM : Cela fait effectivement 30
ans que nous travaillons ensemble, mais nous l'avons remise en compétition l'an
dernier dans des conditions tout à fait objectives. Si l'agence s'est révélée
la meilleure des quatre consultées, c'est probablement parce que Publicis a une
connaissance de notre marque qui lui a permis de mieux rebondir sur la notion
de séduction que nous souhaitions mettre en avant, de mieux la resituer dans
l'époque. Situer le curseur de la séduction n'est pas un sujet facile, Dim est
une marque assez codée qui ne peut pas tomber dans les excès, qui doit créer un
imaginaire qui donne envie en reflétant les aspirations féminines et
masculines.