Daniel Bô (QualiQuanti) : « Faire des quali “plus quanti” et des quanti “plus quali” »
Marketing Magazine : Pourquoi l'opposition entre quali et quanti devrait-elle être dépassée ?
Daniel Bô : Les méthodes se sont construites comme des spécialités distinctes voire étanches, alors que la réalité à étudier est unique et indissociable. Des universitaires - Loïc Blondiaux, Jean Moscarola, Jacques Jenny… - ont déjà alerté les professionnels sur les dangers de cette opposition quali/quanti artificielle et stérile. De plus, l'opposition quali/quanti vient d'une époque où l'informatique n'existait pas et où le traitement des verbatim était “manuel”. L'informatique permet de traiter des masses de textes importantes et Internet facilite le recueil de données qualitatives à grande échelle. La lourdeur de recueil et de traitement des données ne constitue plus un obstacle. On n'a plus à choisir entre la “force du nombre” et la “richesse de l'analyse”. On peut avoir les deux en même temps.
La combinaison quali/quanti semble pourtant être une pratique courante aujourd'hui ?
D. B : Bien sûr, les deux approches sont souvent vécues comme complémentaires, mais leur association se fait le plus souvent sur le mode de la juxtaposition. L'habitude consiste à faire d'abord un volet qualitatif exploratoire puis un volet quantitatif de validation. Cela conduit à des résultats hétérogènes parfois difficiles à concilier. Notre expérience montre qu'il faut donner au quanti les moyens de creuser plus en profondeur et permettre au quali de couvrir de plus larges populations. Plutôt que de se focaliser sur des approches extrêmes et exclusives, il faut chercher à faire des quali “plus quanti” et des quanti “plus quali”. Cela requiert une expertise spécifique et nécessite de faire travailler les mêmes personnes sur les différents outils.
En quoi est-il intéressant de faire des quanti “plus quali” ?
D. B : Les études quanti souffrent de s'appuyer exclusivement sur des données chiffrées. La standardisation de l'interrogation conduit à un appauvrissement des résultats et les variations statistiques sont difficiles ou risquées à expliquer. Les enquêtes quantitatives créent une illusion d'objectivité mais ne permettent pas de sentir les réactions du public, sauf lorsqu'elles utilisent de nombreuses questions ouvertes. Or, la question ouverte n'est pas qu'un aménagement cosmétique. Elle change le sens de la relation à l'interviewé et la nature de ses réponses. Le questionnaire semi-ouvert est plus impliquant pour l'interviewé, qui peut s'exprimer, et plus riche pour l'analyste, à condition d'oser mener une vraie analyse qualitative et non une codification rigide. Cette approche amène des résultats plus opérationnels et plus fiables car à la fois plus fidèles et plus vivants.