Acheter moins ou acheter mieux?
Les Français ont dépensé 21 euros de plus par mois au premier semestre 2008 pour l'habillement, le transport et l'alimentation (dont un tiers de produits de grande consommation) par rapport à l'an dernier. Cette progression n'est pas due à un surcroît de consommation, mais à une hausse des prix. Car, pour la première fois depuis des années, les consommateurs français ont réduit leurs achats de produits de grande consommation. «Cette baisse est minime (- 0,7%), mais il s'agit bien là d'une rupture, affirme Isabelle Kaiffer, directrice marketing de TNS World panel. Toutefois, il faut bien faire le distinguo entre le fait que les Français ont moins acheté et pas forcément moins consommé. Ils déstockent, vident leurs réserves ou font la chasse au gaspillage. Il y a plus de réflexion, plus de rationalisation à l'achat.»
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Les consommateurs français ont commencé à modifier leurs comportements d'achat.
Nouvelle donne
La baisse du pouvoir d'achat, devenue première préoccupation des Français, a-t-elle servi de déclencheur à une modification durable des comportements d'achat? Possible. Leurs achats de produits de grande consommation, en particulier dans l'alimentaire, font les frais de cette nouvelle donne. Et ce, très clairement depuis l'apparition de l'inflation, en décembre 2007.
Ce sont les familles avec enfants ainsi que les jeunes couples qui sont surtout touchés par cette hausse de budget (respectivement + 3,5% et + 2,9%) du fait de leur plus grande consommation de produits à base de matières premières, ceux dont le prix a le plus augmenté. Dès lors, ces consommateurs se trouvent confrontés à deux alternatives: acheter moins, ou acheter autant mais moins cher.
Dans le premier cas, ce sont les familles qui réduisent le plus leurs courses. Les produits davantage touchés sont ceux du rayon entretien (- 5%), hygiène (- 1,3%), ou alimentaire moins coeur de repas (crémerie ou grignotage principalement). Même si ceux-là n'ont pas connu de hausse des prix. Etant aussi de première nécessité, les produits qui ont subi la plus forte augmentation comme les pâtes (20%), la farine (17%), le riz (12%) ou les oeufs (18%) ont continué à se vendre et enregistrent une croissance à deux chiffres. A noter aussi, les Français achètent davantage de petits conditionnements. C'est notamment le cas pour la moitié des marchés de grande consommation où l'inflation est supérieure à 6%.
Les MDD en tête
Dans le deuxième cas, on note une nette augmentation de la fréquentation du hard discount sur le premier semestre 2008, surtout par les familles sans enfants et les célibataires. Les enseignes GMS classiques, elles, sont à la peine. Seuls Leclerc et Système U tirent leur épingle du jeu. Dans le panier de ces consommateurs, les MDD occupent une place de choix. Celles-ci ont d'ailleurs atteint des parts de marché record. «Il s'agit là d'un réflexe global sur tous les foyers, marchés et enseignes, précise la directrice marketing. Plus généralement, les Français marquent une pause dans leurs achats de produits sophistiqués alors que, jusqu'alors, on observait toujours une montée en gamme.» Si l'on prend l'exemple des yaourts, on note ainsi une augmentation des «nature» mais aussi de ceux qui ont un bénéfice clair, comme les «santé active» car la santé reste un bénéfice produit très porteur. Un trend qui devrait se poursuivre au second semestre. «Pour autant, cela ne veut pas dire que l'on doit arrêter les lancements - bien au contraire -, mais que l'on ne doit pas non plus faire seulement de l'entrée de gamme. La «premiumisation» devrait probablement être plus raisonnée, car le consommateur cherchera des bénéfices plus tangibles», insiste Isabelle Kaiffer.
Des grandes marques nationales ont, en septembre dernier, essayé de répondre à ce nouveau paradigme. Danone, d'abord, avec ses packs de 6 yaourts basiques, dépouillés de tout emballage superflus et vendus à un euro. Puis Panzani qui, anticipant la baisse du prix du blé dur et le moindre intérêt des consommateurs pour les promos volume, a décidé de baisser le prix de ses pâtes de près de 15%. Un vrai bouleversement chez les marques nationales.