« Je crois au marketing de l'offre »
Le marketing de l'offre peut changer le rapport à la consommation. Aux instituts d'études d'aider leurs clients à le mettre en place avec pertinence.
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On dit : “Le consommateur a changé”. Mais de quel consommateur parle-t-on ?
Du consommateur de produits alimentaires ou de téléphonie ? Il y a de fortes
évolutions, elles ne sont pas globales, mais sectorisées. Je me méfie de ceux
qui parlent du consommateur comme s'il était unique et qui ne décrive une
évolution que par l'anecdote. Ma démarche consiste à dire : il y a des
évolutions de la demande et elles ne sont pas homogènes. Pour la France, si
vous me demandez ce qui a bougé en dix ans, je vous répondrais : dix ans de
pessimisme. On est face à la première génération de Français qui pensent que
leurs enfants auront un avenir plus noir.
La France est une société bloquée dans sa capacité à bouger, un peu frileuse,
qui a peur. Cela se traduit par un nouveau rapport patrimonial, un nouveau
rapport à l'entreprise, au travail, à la politique, à la consommation. L'acte
de consommation
- et d'achat - a longtemps été un acte de valorisation ou de plaisir. On
assiste à la remise en cause de “l'avoir”.
“L'implication catégorielle”
Le “fromage” de la consommation est stable. Alors que les générations précédentes étaient dans la reproduction des schémas d'achat, il y a aujourd'hui une accélération de la remise en place de ce que l'on achète par catégorie de produits. De nouveaux postes de consommation se sont développés, prenant la place des anciens dans le porte-monnaie, le cerveau, le cœur, les tripes des consommateurs. On ne peut pas imaginer que de nouveaux produits ou services apparaissent sans que cela ait un impact sur les anciens. Impact en sommes investies, en temps consacré et en affect. Il y a une nouvelle génération de consommateurs qui pensent “à quoi bon ?” A quoi bon passer son samedi à faire des courses ? A quoi bon acheter le dernier modèle de téléphone portable ?… Il y a une non transversalité du consommateur par secteur économique. Je m'oppose à la segmentation et aux typologies des années 80 qui obéissent à une logique catégorielle et qui consistent à dire, par exemple, qu'il y a des gens qui achètent tout le temps des promotions. C'est cette vision pavlovienne ou mécaniste, cette mise en équation mathématique du consommateur homo economicus qui est aujourd'hui challengée par les annonceurs et les instituts. Un même individu développe dans certaines catégories une grande banalisation (il achète pas cher, sans marque), et dans d'autres, il continue à être accro aux marques, il est prêt à passer du temps pour s'informer, acheter… Le rôle du marketeur est de revaloriser un marché avant de valoriser son produit ou sa marque. C'est ce que j'appelle “l'implication catégorielle”. Les sociétés d'études doivent apporter aux industriels la compréhension des mécanismes d'implication des consommateurs dans telle ou telle catégorie et des ressorts qui leur permettront d'aller plus loin. Car, il n'y a pas de fatalité. Pour moi, il n'y a pas de marchés banalisés et de marchés à “valeur ajoutée”, pas de marchés vivants et de marchés morts. Je crois profondément au marketing de l'offre, je ne crois pas à un marketing qui suit une demande de façon fataliste. Si l'on ne croit pas que le marketing de l'offre peut changer le rapport à une catégorie de produits et, derrière, le rapport à la consommation, il vaut mieux faire un autre métier. Il y a démission du marketeur s'il ne croit pas au marketing de l'offre : son rôle est de montrer le bénéfice d'un marché à un consommateur. Racontez lui l'automobile, la lessive, avant de lui vanter les bénéfices de telle ou telle marque. Le rôle des sociétés d'études est d'attirer l'attention du marketeur là-dessus, d'expliquer à chaque annonceur la vision de son consommateur et de l'aider à raconter. Autre évolution du métier : des fonctions autres que le marketing se sont posé des questions sur leurs publics et se sont tournées vers nous pour les aider à trouver des réponses : DRH, directions de la satisfaction, directeurs financiers, etc. C'est un vrai challenge pour les sociétés d'études, car ces interrogations s'accompagnent le plus souvent d'une dimension internationale.