Nouvelles agences : régénération non spontanée
Effet de crise ? Expression d'une volonté de restructurer le marché ? En tous cas, l'émergence soutenue d'agences indépendantes dans la sphère des marketing services ne peut pas passer inaperçue. A défaut peut-être de convaincre de la radicalité de leur positionnement…
Marketing Channel, Ebb and Flow, The CRM Company, Le Parti du Client,
Matching, Il Etait Une Marque, Passage Privé… Depuis deux ans, de nouvelles
marques sont venues nourrir les rangs des agences de marketing services. Simple
effet cyclique de régénération d'un marché ? Pas seulement. « Le nombre de
structures créées, le profil des fondateurs, la nature des organisations
traduit autre chose que l'effet d'un turn-over naturel », soutient Marc
Bruzeau, président de Customer Side, conseil spécialisé en choix d'agences de
marketing services. Fait nouveau, le créateur-type de ce millésime détonne avec
les patrons d'agences des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Ni
“artiste”, ni gestionnaire, il a revêtu l'habit du parfait entrepreneur. « Il
s'agit pour la plupart d'initiatives sérieuses, de constructions rigoureuses,
avec des organisations en râteau, chacun gérant sa clientèle spécifique »,
explique Marc Bruzeau, pour qui certaines de ces agences se retrouveront parmi
les 15 premiers acteurs du marché dans les cinq ans. A l'origine de la totalité
de ces nouvelles structures, des fondateurs âgés de 35 à 45 ans, ayant exercé
des responsabilités de management, de direction générale ou de présidence au
sein de leurs précédentes entreprises. Ils se connaissent tous et sont connus
de tous dans le Landerneau des agences de marketing opérationnel. Ce nouveau
cru traduit un véritable fait générationnel. Des seniors voulant travailler
avec des seniors. « Soit vous recrutez beaucoup de juniors en affectant chacun
d'entre eux à un dossier. Soit vous travaillez avec une équipe restreinte de
seniors qui suivront chacun cinq dossiers. L'expérience montre que la seconde
option fonctionne mieux. Chez nous, personne n'a moins de dix ans d'expérience
», affirme Eric Depoorter, cofondateur de Matching. Créée en 2002, l'agence
emploie aujourd'hui 17 personnes et vise pour 2003 une marge brute de 3
millions d'euros, revendiquant une progression de 15 % par mois. Au sein des
grandes agences, cette émergence de nouveaux acteurs est accueillie avec
courtoisie. « C'est plutôt intéressant sur un marché où l'on s'ennuie un peu en
ce moment », résume Marie-Pierre Mottin, directeur général de Tequila. Nul ne
semble remettre en cause la volonté de ces nouveaux patrons. La période est
morose, les clauses de non-concurrence ne facilitent pas la constitution
immédiate d'un matelas de clientèle. Qui plus est, les fondateurs de ces
nouvelles agences, crédibilité entrepreneuriale oblige, se lancent dans
l'aventure avec des salaires sérieusement atrophiés. Même si tous reconnaissent
que leur niveau de vie n'a pour autant rien de misérable, d'autant moins que
leur rémunération, après quelques mois d'activité, fait déjà l'objet d'une
réévaluation à la hausse. Ce sens de l'initiative recueille donc, pour le
moins, des compliments de principe. Une certaine curiosité aussi, chacun
restant conscient que le marché peut à tout moment lui réserver de mauvaises
surprises. Quant aux éléments d'explications du phénomène, chacun avance sa
version. A la gloire de l'audace et la libre initiative chez les intéressés. En
insistant davantage sur la donne conjoncturelle côté grands groupes. Par-delà
le nuancier des interprétations, on peut distinguer deux facteurs objectifs
d'explication. Premièrement, la course à l'armement qui a poussé les structures
majeures du marché à l'hypertrophie. A force d'absorber les dernières sociétés
indépendantes, elles ont rendu exsangue le terrain des petites et moyennes
agences. Or, la nature a horreur du vide. Deuxièmement, le phénomène de
concentration a laissé sur la touche bon nombre de compétences, parfois
reconnues. « Pas facile pour un senior sur le carreau de trouver un poste en
agence », remarque Marie-Pierre Mottin. Et d'aucuns de glisser que certains de
ces nouveaux entrepreneurs auront bien tout tenté pour réintégrer le circuit
des grandes groupes, avant de se faire les hérauts du “small is beautiful”.
La foi en l'indépendance
Car l'argument de la taille
revient comme un leitmotiv dans les discours. La taille comme étalon de
l'indépendance. Jusqu'où grandir sans perdre sa liberté ? A l'exception de The
CRM Company, qui a en partie ouvert son capital à des investisseurs extérieurs,
toutes ces agences créées dans les deux dernières années appartiennent en
totalité à leurs fondateurs. « Nous avons déjà été approchés. Si on avait dit
oui, nous aurions déjà quatre filiales », affirme Michel Salinier, ancien
dirigeant de D interactive, cofondateur d'Ebb & Flow, SAS au capital de 34 000
euros, créée fin 2001 et qui emploie aujourd'hui quinze personnes. Conserver
une dimension “humaine”, c'est, entend-on souvent dire, garantir la réactivité
des rouages. « La réactivité, elle est d'évidence chez les grosses structures,
conteste Marie-Pierre Mottin. Pourquoi les grands comptes viennent-ils vers
nous ? Parce que nous sommes en mesure de mettre en action des ressources
importantes très rapidement. » Quels que soient les credos portés par ces
nouvelles structures, la question de la croissance se pose nécessairement. Car,
pour se positionner en entrepreneurs, ces nouveaux patrons entendent bien
développer leur société. Les dirigeants d'Ebb & Flow ont fixé le plafond à
quarante salariés et visent les 2 ME de marge brute pour 2003. Fondateurs en
janvier 2003 d'Il Etait Une Marque (sept salariés), Alain Murcia, ex-Nouveau
Siècle et Jean-Paul Dupuy, ex-TBWA/DRM, prévoient de gonfler rapidement leurs
effectifs à quinze ou vingt personnes et d'atteindre la cinquantaine fin 2005.
Partant d'une marge brute de 250 000 E au terme du premier exercice, ils
tablent sur 1,2 ME dans les trois ans. Créée en septembre 2001, Matching, qui
emploie 17 personnes, cible 3 ME de marge brute fin 2003 et 5-6 ME à terme.
L'ambition de ces nouveaux patrons est donc bien d'inscrire leur agence dans la
durée. Reste à tenir. Pas simple en ces temps de vaches maigres. « A dix
personnes, à moins de 600 000 à 1 million d'euros de marge brute dès la
première année, on ne peut pas sortir de l'eau », note Marc Bruzeau. Ce qui
n'a pas étouffé les motivations. Avec, pour ces nouveaux patrons, une idée
maîtresse : se libérer de la pression financière, de la froideur et des
rigidités des grands réseaux. « Quand on demande aux grands groupes de dégager
25 % de marge supplémentaire sans recruter pour autant, que pouvez-vous faire ?
», s'interroge Jean-Marc Aimé, ex-Dg de Draft, cofondateur d'Ebb & Flow. Et
François Joret, autre fondateur d'Ebb & Flow, d'insister : « Il y a des gens en
agences qui aiment leur métier, d'autres qui aiment le pouvoir. Aujourd'hui,
quand on aime son métier, soit on rejoint une petite agence, soit on crée la
sienne. »
Bientôt d'autres créations d'agences ?
La
pression financière a placé les grands groupes dans des logiques strictement
linéaires : tant de croissance tous les mois, tant de croissance annuelle. Or,
le schéma économique des agences imprime généralement un tracé chaotique :
phases successives de création, d'expansion, d'exploitation…, avec des
variations parfois très sensibles dans les rapports de profi-tabilité. Pour
Jean-Paul Dupuy, une agence de communication exprime malgré tout un business
model assez basique : « Il nous faut des clients et un certain niveau de
rentabilité. Pas besoin d'entrer dans ces logiques financières qui ont pollué
la profession. » La part de risque se trouvant en outre limitée : la pression
sur les groupes ne met pas leurs cadres à l'abri de décisions économiques
radicales. « Parmi les agences récemment créées, certaines se portent très bien
», affirme François Joret, cofondateur d'Ebb & Flow. Au point, prévoit-il,
d'aiguillonner les velléités opportunistes : « On va voir naître de nouvelles
agences dans les mois qui viennent. » Parmi les arguments déployés par ces
nouveaux entrepreneurs, la volonté de choisir leurs partenaires. L'intérêt des
conglomérats est dans l'exploitation maximale de l'ensemble de leurs ressources
d'expertise. Un groupe ayant intégré une activité de télémarketing cherchera à
l'adjoindre à la problématique du client. « Dans les groupes, on souffre de
devoir vendre toujours les mêmes filiales. Or, si les meilleurs spécialistes
étaient dans les grands réseaux, ça se saurait. Ils y sont le temps de vendre
leur société, pas davantage », affirme Eric Borreil, cofondateur du Parti du
Client. Ebb & Flow privilégie les partenariats ad hoc avec des sociétés
tierces, choisies en fonction de leurs compétences et de leur positionnement
spécifiques. Même positionnement chez Passage Privé, où les passerelles
s'établissent au coup par coup. « La communication globale, je n'y crois pas.
Sauf à être le numéro un dans chacun des métiers exercés », affirme Sylvie
Lebuhotel, ex-directrice générale de D interactive Communication, manager
fondateur de Passage Privé. Avec un parti pris créatif très clairement
revendiqué, Il Etait Une Marque préfère s'appuyer sur des sociétés partenaires
pour la mise en œuvre des applications et déclinaisons technologiques. De même
que pour ce qui relève des bases de données, du téléphone ou des études. Le
réseau de partenaires serait pour partie déjà constitué. Mais la direction de
l'agence ne veut citer aucun nom. A la frustration qu'ils affirment avoir fini
par rencontrer chez leurs employeurs précédents, tous opposent leur aspiration
au plaisir d'exercer leur métier dans la sérénité et dans une relation de
proximité avec les clients. Les grands réseaux étant accusés, dans les
attentions, les ressources et les moyens consentis, de privilégier les
résultats globaux des premiers clients internationaux aux budgets locaux.
Leurs clients, ces jeunes agences les recherchent avant tout chez les grands
comptes. « Sur 13 compétitions, nous avons été retenus 11 fois. Et il y avait
toujours de grandes agences en lice », soutient Michel Salinier. A entendre les
patrons de ces nouvelles agences, les entreprises les mettent aujourd'hui
systématiquement en compétition avec les grands du marché. Une petite touche de
modestie toutefois dans le concert des prétentions : « Nous représentons une
alternative, pas une concurrence », affirme Eric Depoorter. La différence se
joue à la fois sur le poids des budgets et sur l'amplitude du spectre des
prestations sollicitées. Aux grandes structures les contrats
multidisciplinaires émanant de grands comptes en attente de vagues de
communication intégrale. Aux petites agences les missions plus parcellaires ou
complémentaires. « Je pense que les premiers clients de ces nouvelles agences
seront issus des rangs des entreprises matures en termes de marketing
opérationnel. Des assureurs par exemple, ou des banquiers, qui auront déjà
intégré bases de données, téléphone, mais dont les besoins sont tels qu'ils
voudront acheter des prestations chez de bons professionnels, auprès de
structures légères et moins chères », développe Marc Bruzeau.
Les grandes agences privilégiées sur les grands budgets
Difficile en
effet de nier aux grandes agences leur capacité de mettre en marche et de gérer
de grosses “machines”, de prendre en charge des campagnes internationales, de
faire jouer la complémentarité des métiers. Marie-Pierre Mottin veut bien
croire que les entreprises ont légèrement élargi le spectre moyen des
structures mises en concurrence. Mais sans bouleverser en aucun cas la
configuration des compétitions : « Pas une seule fois nous n'avons côtoyé l'une
de ces nouvelles agences sur un appel d'offres. » Même son de cloche chez
Proximity (interview de Jacques Bouey p. 68). Pour sa part, David Laloum,
directeur général de Wunderman, cite deux compétitions, pas une de plus. Et
Pascal Josselin, coprésident de The CRM Company, de rappeler le contexte : « Il
y a très peu de compétitions sur le marché. Il fut un temps ou Gibory et
Vidéothèque relayaient 10 compétitions à l'année. Aujourd'hui, c'est mort. » La
montée en puissance chez les grands comptes de directions achats exige de leurs
prestataires de solides surfaces financières, le verrouillage par les
départements pub des budgets au sein des grands réseaux : pour les plus petites
agences, tout n'est pas gagné. « Les grandes agences ne sont pas menacées.
Elles auront toujours un flux de business pour garantir leur pérennité. Si
elles se trouvent structurellement fragilisées, ce n'est que sur les bordures»,
affirme Eric Borreil, ex-président de Zen (Euro RSCG), cofondateur en janvier
2001 du Parti du Client, avec Emmanuel Cebron de Lisle (ex-président et
directeur de création de TSM Group) et Olivier Caufment (fondateur et ex-Dg de
Valeur Source). Forte d'une équipe de 12 personnes, Le Parti du Client
revendique des budgets comme Interflora, BNP, SFR, Sanofi… La plupart des
jeunes agences n'ont d'ailleurs pas à rougir du portefeuille qu'elles auront
construit en quelques mois. Cegetel, Motorola, eRotschild, BNP chez Matching.
Télérama, Pierre & Vacances, Kodak, Procter & Gamble, Cegetel, Heineken,
Adidas, Western Union chez Ebb & Flow. Alfa Romeo, Nec, Club-Internet, Alcatel,
Les Echos chez The CRM Company. Henkel, Etam, Sanofi-Synthelabo chez Passage
Privé… Des références très diverses pour des opérations qui le sont tout
autant. « En marketing direct, personne n'a jamais prouvé qu'il était
intéressant de rester hyper-spécialiste », affirme Marc Bruzeau. Pour le
patron de Customer Side, il n'y a toutefois pas de révolution méthodologique à
attendre de ces nouvelles agences. Avis partagé par David Laloum : « Je ne vois
pas de radicalité dans leur positionnement. Je ne suis pas sûr que leurs
fondateurs aient une nouvelle histoire à raconter. Les seules cartes que ces
agences aient à jouer sont celle du relationnel et celle de la création. » De
fait, à l'exception de Passage Privé qui met en avant la méthodologie, toutes
ces nouvelles agences revendiquent avant tout un parti pris créatif très
affirmé. Pour les dirigeants du Parti du Client, la création doit servir la
communauté d'intérêt entre la marque et la cible. « Tout le monde parle du
capital client. Mais tout le monde s'est trompé. A force de le mettre au centre
de tout, de créer des systèmes pour parvenir jusqu'à lui, on a proprement
oublié le client. Les marques sont devenues dictatoriales. Nous sommes un
contre-pouvoir. Le contenant a étouffé le contenu. Or, en tant qu'agences de
communication, notre boulot, c'est de créer et de mettre en valeur les contenus
», affirme Eric Borreil. Le Parti du Client en appelle à des approches «
sociologiques, voire psycho-sociologiques », allant jusqu'à solliciter des
universitaires. Il Etait Une Marque s'en réfère pour sa part au “code
génétique” des marques : créateurs, lancement, histoire, développements… « Les
marques deviennent de plus en plus bavardes. Il faut les faire parler de
manière cohérente », affirme Jean-Paul Dupuy. Par-delà ces positions de
principe, la spécificité de ces nouvelles agences se révélera sur le terme.
L'indexation des honoraires à la performance en débat
Parmi les pôles de différenciation : le serpent de mer de la variabilisation
des honoraires. The CRM Company en a fait son credo. L'agence propose à ses
clients une incentive de 30 % de la rétribution, généralement sur la base d'un
volume de leads générés. « Au sein de ces 30 % Nous pouvons même nous accorder
autour d'une variable sur le chiffre d'affaires. Pas plus de 15 % », ajoute
Bertrand Frey, cofondateur. Mais l'argument ne semble pas séduire la
concurrence. La pratique reste “marginale” chez Passage Privé. La multiplicité
des paramètres, voire des prestataires, la complexité des dispositifs rendant
trop délicats les calculs d'imputation entre résultats et actions. A fortiori
pour les campagnes de fidélisation, d'information ou d'image. Pour les mêmes
raisons, Il Etait Une Marque refuse le modèle de l'indexation des honoraires
aux résultats. Pas davantage d'enthousiasme au Parti du Client. « La
variabilisation, c'est un thème opportuniste, affirme Eric Vaubourgeix,
président de la délégation marketing et communication de l'AACC. Ces nouvelles
agences tiennent ce type de discours uniquement parce qu'elles sont moins
chères. » Matching situe la minoration autour de 30 à 40 %. Passage Privé
plutôt entre 10 et 20 %. Mais l'argument selon lequel de moindres frais de
structure autoriseraient des honoraires moins élevés que ceux des grandes
agences hérisse le poil des patrons de The CRM Company. Tout comme de ceux
d'Ebb & Flow, rare structure à adhérer à l'idée de l'incentive. « Il ne s'agit
pas de brader l'agence. Nous sommes dans une logique d'implication. Les
annonceurs achètent des résultats », défend Jean-Marc Aimé. L'assiette fait
l'objet de négociations au cas par cas entre l'agence et son client,
l'indexation représentant en moyenne entre 10 et 15 % des honoraires. Matching
a, pour sa part, choisi d'incentiver le salaire des créatifs à hauteur de 15 %
sur la base des notes délivrées par le client via questionnaire de
satisfaction. Mais la direction de l'agence insiste notamment sur la
formalisation de la facturation, avec mention distincte des trois postes
constitutifs de la note globale : honoraires, création, commission de
fabrication. « Cela fait déjà sept à huit ans que les grandes agences sont dans
une totale transparence en matière de facturation et de rémunération », répond
David Laloum. Le discours de différentiation puise parfois dans des arguments
pour le moins iconoclastes. Chez Matching, la reconsidération des règles
commerciales et du partenariat avec les donneurs d'ordres va, affirme la
direction, jusqu'à l'instauration de relations affranchies de tout contrat
formalisé. « Cegetel ne nous fait pas de brief. Ils nous appellent, on se voit
et on discute », remarque Eric Depoorter. Ce qui, poursuit le cofondateur de
l'agence, n'empêcherait pas les opérations sur le terme. La reconduction
reposant sur des accords verbaux. Matching travaillerait ainsi pour la BNP sans
autre contrat que tacite. Pour Eric Depoorter, contractualiser la relation,
c'est surtout aider les partenaires à mieux se quitter. La contractualisation
aurait selon lui pour effet pervers de figer les modalités du partenariat,
handicapant les réadaptations de facturation et de rémunération au fil des
résultats obtenus. « Bidon », lâche Michel Salinier, pour lequel
l'accompagnement du client, qui sous-tend la philosophie des nouvelles agences,
induit une relation écrite et formalisée avec tout le cortège de précisions
qu'impose un accord commercial. Ce, justement, afin de valider la collaboration
sur la durée, mais aussi pour instaurer des règles partenariales qui
permettront notamment à l'agence d'inscrire sa réflexion dans une approche
plurielle mettant en jeu d'autres prestataires (promotion, animation,
publicité…). Le rôle de chacun étant stipulé noir sur blanc, les différents
sous-traitants impliqués dans la communication de l'annonceur n'en
travailleront que de manière plus cohérente. « Pas de stratégie sans contrat »,
résume François Joret. L'éclatement des points sur un certain nombre de thèmes
ne contribue pas à faire de cette émergence de structures indépendantes l'effet
d'une volonté positive de restructuration du marché et de ses méthodes. Si
elles veulent convaincre que leur différence est autre que structurelle, que
leur existence même ne relève pas du seul cycle économique propre à n'importe
quel marché, ces agences devront afficher des pratiques et construire des
discours plus discriminants. Et puisque, comme le rappelle Marc Bruzeau, « il
faut trois-quatre ans pour construire une agence », rendez-vous dans deux ou
trois ans.
Yin, le contre-exemple
Créé il y a deux ans, le groupe Yin s'est construit sur un credo antinomique à celui des nouvelles agences concomitamment apparues. La volonté des deux fondateurs, Eric Lavollé (ex-président de JWT Consumer) et Philippe Armand (cofondateur et ex-Dg de Ciel, éditeur de logiciels de gestion) est en effet de développer une structure polymorphe par croissance externe : Yellow, Imaginet, Idylis, Concept Interactive, Kojito, Ideative, et, dernière acquisition datant de cet été, Télé Action. A ceux qui, ne pouvant s'empêcher d'évoquer les mésaventures du groupe D, s'interrogent sur la pertinence économique du modèle, la direction de Yin rétorque l'argument de l'équilibre : « 60 % de notre chiffre est réalisé avec le print et seulement 40 % avec le Web », affirme Marc de Wismes, directeur développement et communication. Largement inconnu - en tout cas ignoré - de ses confrères, le groupe emploie une cinquantaine de personnes et revendique des clients comme Lexmark ou 3M. « Nous souffrons sans doute d'un déficit d'image. Mais nous comptons sur le rachat de Télé Action pour gagner en notoriété », remarque Elisabeth de Rotalier, directrice de marque.
Eric Vaubourgeix (AACC) : « Les entreprises vont vers le moins-disant » Pour le président de la Délégation Marketing Communication de l'AACC, l'émergence de nouvelles agences correspond à une logique plus économique que structurante.
« Nous nous réjouissons de voir de nouveaux acteurs sur le marché. Cela ne peut être que profitable à nos activités. Mais on ne peut pas dire que cette vague de créations est susceptible de structurer le marché, alors qu'il s'agit sans doute avant tout de démarches économiques et financières. Une bonne partie de ces nouveaux entrepreneurs s'étaient retrouvés sur le carreau, victimes des soubresauts de la crise qui agite le monde des agences depuis deux-trois ans. Je pense que ce phénomène traduit davantage de choses sur les annonceurs que sur les agences elles-mêmes. En période de crise, les entreprises ont tendance à aller vers le moins-disant, vers des structures plus petites, moins chères, avec moins de garanties quant aux volumes et aux processus mais davantage de souplesse. Ces nouvelles agences font concurrence aux plus grandes. Les annonceurs vont y goûter et tout se régularisera. C'est cyclique. »