Le bras armé du marketing - 1/2
Recruter de nouveaux clients, qui saurait s'en passer ? Mais le télémarketing, ce n'est plus seulement la réalisation de ventes directes aux particuliers ou la détection de projets pour les entreprises. La prospection téléphonique élargit son champ d'investigation à des missions de plus en plus essentielles à la compétitivité des entreprises.
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Vous rentrez chez vous, après une dure journée de labeur. A peine avez-vous
eu le temps de vous servir deux doigts de whisky, pure malt, douze ans d'âge,
que la sonnerie du téléphone retentit. Le "Bonsoir" enthousiaste d'un
télévendeur vous écorche l'oreille. Et, si vous ne raccrochez pas, la voix du
téléacteur vous invite à acheter un kit de connexion supra révolutionnaire à
Internet, changer l'isolation de vos fenêtres ou succomber à une collection
complète de BD pour enfants. La caricature vaut ce qu'elle vaut. Mais, depuis
la saga des cuisines Spacial, le télémarketing prospectif n'a pas bonne presse.
On l'accuse de tout. De harcèlement ou de vente à l'arraché. On le dit dominé
par un productivisme outrancier faisant des sociétés de télémarketing les
esclavagistes modernes du monde du travail. La litanie est longue : salaires
misérables, précarité des contrats, tâches répétitives... Même les
professionnels semblent avoir du mal à se sortir de cette réputation
calamiteuse. Pour preuve, les enchères à la baisse menées, en septembre 2001,
par Danone pour trouver son prestataire (voir Centres d'appels n° 30, novembre
2001). Certains avouent même avoir cessé l'émission d'appels. Depuis 1991, la
société Télé Action s'est ainsi centrée sur le conseil et la formation. « La
prospection pure, au moins au niveau des consommateurs, c'est non seulement une
technique has been, mais c'est aussi déontologiquement limite. Mieux vaut les
laisser venir et faire de la réception d'appels », assène tranquillement Marina
Ducharme dans les bureaux de Télé Action. Du côté d'As-Com, son président,
Thierry Leduc, reconnaît jouer les "voitures-balais" du MD : « Inutile de se
leurrer, nous sommes à la remorque du marketing direct. » A croire que le
recrutement téléphonique est un tabou. Un sujet sur lequel on communique peu.
Pourtant, le secteur a évolué. Ne serait-ce que pour s'adapter à
l'élargissement des missions qui lui sont confiées. Car il ne s'agit plus
seulement de ventes directes aux consommateurs ou de détections de projets pour
les entreprises. Le télémarketing se charge désormais d'actions commerciales de
plus en plus essentielles à la compétitivité des sociétés.
Renouveau du télémarketing en B to C
La banalisation de
la relation à distance - banalisation en grande partie due à l'utilisation
croissante d'Internet - a permis d'élargir les missions confiées au
télémarketing.
« Internet
apporte cette culture du "tout, tout de suite" qui profite aux techniques de
vente par téléphone. Car on n'a plus forcément besoin de la relation face à
face pour acheter un livre, un abonnement téléphonique international et même un
ordinateur. L'usage du téléphone est un gain de temps qui permet aux sociétés,
placées aujourd'hui en situation de ralentissement économique, de conquérir, à
moindre coût, de nouveaux marchés », explique Anne Bendler, directrice
commerciale de la société H2A. Qui poursuit, catégorique, « la valeur ajoutée
est du côté de l'émission d'appels et non dans la réception. Lorsque l'on sera
capable de gérer des bases de données au niveau comportemental, on pourra
réellement appeler la bonne personne, au bon moment avec une offre adaptée à
son profil. » Un avenir radieux donc. D'autant que le prix d'un coup de fil
argumenté est relativement peu onéreux. « En B to C, il faut compter environ 3
euros avec un taux d'acceptation primaire de l'offre qui tourne autour de 10 %
lorsqu'il s'agit de prise de rendez-vous prospects », rappelle Thierry Leduc.
Notoriété de la marque
A la question, peut-on tout
vendre par téléphone ? La profession, unanime, répond par un "non" catégorique.
Point de secret : c'est la notoriété de la marque qui prime. Ainsi, Sélection
du Reader's Digest. Depuis deux ans, l'entreprise mise sur la télévente pour
accroître le panier moyen de ses clients (152 euros), voire pour en recruter de
nouveaux. Confiées à deux outsourcers, Teleperformance Nord et CITM, ses
campagnes, gérées par des cellules dédiées, ont pour objectif de générer, d'ici
à 2004, 15 %, du chiffre d'affaires global de la filiale française.
« Le client, pour
commander par téléphone, doit avoir une sacrée confiance dans la marque. En
retour, nous ne devons jamais l'agresser », précise Emmanuel Lecoq, directeur
du marketing. Une seule règle de base : « Que l'offre soit pertinente et
qu'elle arrive au bon moment. » Mais Emmanuel Lecoq le reconnaît lui-même, ce
qui est valable pour le million de fidèles - abonnés, pour une majeure partie,
au magazine et baignés dans l'univers du vépéciste -, l'est beaucoup moins
quand s'agit de faire du recrutement pur et dur. « On passe dans ce cas par des
partenaires qui acceptent qu'on appelle en leur nom pour proposer une offre
Sélection, généralement l'abonnement au magazine. Ce sont des partenariats dans
la durée. » Cette activité-là n'est d'ailleurs toujours pas rentable : « Ce qui
compte à nos yeux, c'est la valeur future du client recruté. Or, pour
l'instant, nous n'avons pas de repères », admet Emmanuel Lecoq. Même son de
cloche au Crédit du Nord, qui possède une cellule interne, à Lille, de 25
téléconseillers, spécifiquement dédiée à l'émission d'appels.
« Les techniques
de marketing restent globalement les mêmes. C'est la façon d'aborder les gens
qui, en revanche, a changé. Nous tentons d'aller au devant de leurs besoins et
non plus de leur vendre un produit. C'est une approche plus douce qui donne, au
final, le même résultat », affirme Françoise Leroy, directrice de la banque à
distance du Crédit du Nord. Si la banque réalise des ventes directes par
téléphone, ce sont, dans ce cas, « des produits assez simples pour les
particuliers, comme des assurances ». Mais le pivot central reste le conseiller
de clientèle en agence. « Les autres canaux viennent en complément pour l'aider
afin que notre client ait le sentiment qu'il contacte sa banque "là où il veut,
quand il le veut et comme il le veut". Le télémarketing, c'est un moyen
d'entretenir une bonne relation avec notre clientèle », explique Françoise
Leroy. Quant au recrutement de nouveaux clients, il doit pouvoir se prévaloir
d'une véritable justification : « Nous contactons les particuliers, non
détenteurs d'un compte chez nous lorsque, par exemple, nous ouvrons une
nouvelle agence en province. Le géomarketing nous sert alors à cibler. »
Les bonnes recettes du télémarketing en B to C
Si les
techniques de ventes par téléphone n'ont guère évolué (script ou guide
d'entretien), la structuration en amont, elle, s'est considérablement
professionnalisée. Plus question de taper "dans le dur", de contacter
systématiquement tous les abonnés de l'annuaire téléphonique. Evolution
technologique oblige, le profil client est mieux déterminé.
« Ce qui a changé
? C'est la modélisation économique de la prospection. Qu'il s'agisse de la
segmentation du fichier, du profil client, de la saisonnalité... Désormais, la
prospection téléphonique entre dans une stratégie globale de marketing, qui
tient compte du couplage entre l'offre et la cible ou du moment d'intervention
», estime Sandrine Knellesen, directrice du pôle télémarketing de
Teleperformance. Sophie de Menthon, P-dg de Multilignes Conseil, a érigé « le
lien préalable » en loi incontournable. A savoir, le fait de ne contacter un
particulier que s'il existe des relations antérieures avec lui. Du coup, rares
sont, officiellement, les sociétés qui prospectent sans avoir, au préalable,
procédé à l'envoi d'un courrier (documentation, mailing). Reste ensuite le
seuil psychologique. Dans la ruche parisienne de Teleperformance, Sandrine
Knellesen juge que « l'acte d'achat est une impulsion. Ce qui implique un
niveau d'offre psychologique à ne pas dépasser. 15 ou 30 euros peuvent passer
sans problème. 150 beaucoup moins si le paiement, par exemple, n'est pas
fragmenté en trois fois ». Le Syndicat national du marketing téléphonique des
centres d'appels et des médias électroniques (SMT) a, par ailleurs, choisi
d'édicter un code de déontologie que ses adhérents (une trentaine) s'engagent à
respecter. Ainsi, aucun appel avant 8 h et après 20 h 30, ni le dimanche.