Le Web a redynamisé France Loisirs
1 % du chiffre d'affaires, c'est ce que représente l'activité Internet de France Loisirs. Lancée en 1998, elle a fait son chemin et dynamisé le fournisseur de produits culturels. Récit de cette petite révolution, qui n'en est qu'à ses débuts, avec Michel Koch, directeur Multimédia et Internet.
Je m'abonneEn complément de votre réseau de boutiques et de votre activité de vente à distance, vous avez lancé un site internet. Comment cela a-t-il été vécu en interne ?
Nous sommes l'archétype du brick and click et
l'on peut dire que France Loisirs a une génération d'avance dans l'Internet,
compte-tenu de son aptitude à gérer les multicanaux, et la logistique qui en
découle. Effectivement, nous avons 30 ans d'expérience derrière nous. Ce qui
n'est pas le cas des sociétés dotcom ou pure click, qui réfléchissent désormais
à des formules pour revenir à l'ancienne économie. Nous, nous définissons notre
stratégie internet par rapport à notre métier de base. Bien sûr, nous nous
sommes posés la question de savoir si on allait, avec le site, concurrencer
notre propre business. Or, il n'en a rien été... Internet a été vécu, au sein
du groupe, plus en termes d'opportunité que de concurrence et de risque. Le Web
constitue une chance, un challenge important, il a redynamisé France Loisirs.
Comment se situe France Loisirs par rapport à ses concurrents ?
Nous nous positionnons comme le meilleur sélectionneur de livres
et de produits culturels... après avoir été un artisan de la démocratisation de
la lecture. Beaucoup de sites proposent un grand nombre de produits. Nous, nous
ne promettons pas ce genre de choses, nous jouons la carte du service, de la
proximité. Il existe environ 6 000 titres en littérature générale, France
Loisirs en sélectionne 900. Notre activité traditionnelle, c'est la relation
clients dans le domaine des produits culturels. Aujourd'hui, notre rôle de
vépéciste est de donner à nos adhérents tous les choix possibles en termes de
canaux.
Quelles sont les faiblesses de France Loisirs par rapport à la mise en place d'une activité Internet ?
Nous avons un catalogue
restreint, et il est trimestriel, or l'attente de réactivité est très forte sur
le Web. Notre concept se base sur la notion d'engagement d'achat, alors que sur
Internet, le sentiment de liberté est très fort. Notre image de marque n'est
pas très "moderne". Une des missions assignées à l'activité multimédia/Internet
est justement de faire bouger cette image. France Loisirs veut toucher un
public plus jeune avec des offres adaptées. Nous avons déjà mené des actions en
ce sens : le logo a été modifié, notre catalogue papier est beaucoup plus
dynamique, plus moderne... Notre approche en matière de recrutement est
beaucoup plus qualitative que quantitative... Le mot d'ordre pour notre force
de vente est d'éviter de faire du forcing.
Et vos forces ?
France Loisirs a la maîtrise complète de la relation avec ses
clients et de la chaîne de valeur (refabrication et relookage des livres aux
couleurs de France Loisir...). Notre acquis, avec 4 millions d'adhérents (la
base client est là...), constitue un atout. Si l'on entrait en Bourse, il y
aurait une belle valorisation par client... Mais aussi, notre réseau qui
représente les 2/3 du chiffre d'affaires de la société. Avec ses 197 points de
vente, France Loisirs est le premier libraire de France, d'autant que
l'implantation "clé" des boutiques - dans les agglomérations de moins de 20 000
habitants et dans les centres villes - lui permet d'être là où la Fnac et la
grande distribution ne sont pas présents. Nous sommes multiproduit et nous
avons une distribution multicanal (points de vente, vente par correspondance),
nous pouvons bénéficier d'une implantation nationale et multinationale, ce qui
permet une mutualisation des savoir-faire. Enfin, notre marque jouit d'une très
forte notoriété, nous n'avons pas besoin de l'installer...
Que va apporter Internet à votre activité traditionnelle ?
Aujourd'hui,
nous avons un catalogue papier, où l'on essaie d'optimiser l'espace limité,
avec une faible interactivité. Demain, nous allons avoir un magazine interactif
(le site internet) avec un contenu éditorial riche (on peut disposer de toute
la place que l'on veut), avec une forte interactivité. Autre changement : la
notion de Club se transforme en notion de communauté : les adhérents se
retrouvent dans des forums, des coins leur sont réservés sur le site...
Aujourd'hui, le livre est prépondérant et représente 70 % du chiffre
d'affaires, le catalogue papier est organisé par catégorie de produits ; demain
nous allons passer à un univers de loisirs culturels (photo numérique,
billetterie spectacle, partenariat pour la fourniture d'accès...). Nous
organiserons le catalogue davantage par centre d'intérêt que par catégorie de
produits. Aujourd'hui, les promotions sont standardisées et basées sur
l'analyse du comportement d'achat, sachant que le client a une longue durée de
vie : il reste en moyenne 5 ans. Demain, nous allons vers une communication
one-to-one, basée sur une analyse de l'ensemble des comportements (pas
uniquement sur l'analyse du panier...) et un filtrage collaboratif. Ce qui
permettra d'être beaucoup moins déceptif par rapport au client : la sélection
du trimestre correspondra à son profil de façon très précise... Car le principe
de l'engagement à France Loisirs est d'acheter 8 livres en deux ans, à raison
d'un par trimestre. Si l'adhérent n'a pas acheté de livre dans un trimestre,
nous lui envoyons d'office la sélection du trimestre. Sur Internet, ce système
est le même, mais nous essayons d'innover dans le domaine des offres. Par
exemple il est possible d'opter pour un engagement libre durée. Nous allons
essayer de trouver des offres adaptées au rythme et au comportement des
internautes. Il va y avoir un assouplissement de la contrainte... Demain, il
sera possible de choisir l'offre et le mode de relation qui convient le mieux
aux clients ; on peut imaginer également un catalogue électronique, qui
corresponde parfaitement à ses goûts. Tout cela va conditionner la façon dont
est produit le catalogue papier.
Comment votre site, franceloisirs.com, est-il conçu, plus précisément ?
Le site
Internet est conçu plus comme une boutique France Loisirs que comme une
transcription du catalogue papier. Pour les adhérents, il y a un onglet club,
qui regroupe tout ce qui les concerne : discussions en direct, romans
interactifs, forums, possibilité de donner son avis... Sinon, le site est
ouvert à tout le monde et permet de véhiculer notre image de conseiller en
produits culturels. Sur le site, il y a trois possibilités de recherche : la
recherche guidée - qui est assez unique - pour chaque produit, la recherche
intuitive, plutôt ludique et les idées cadeaux. Nous avons développé également
un secteur éditorial, une partie de l'équipe de Franceloisirs.com est dédiée au
contenu. Au total, il y a une trentaine de personnes dans le pool France
Loisirs Interactive, dont une vingtaine qui se consacrent au site ; 5 d'entre
elles planchant sur le contenu éditorial (animation, création de contenu...).
Connaissez-vous sa pénétration auprès de vos adhérents ?
8 % de nos adhérents sont équipés de micro-ordinateurs au sein
de leur foyer, 1 % d'entre eux vont sur Internet et commandent. Il n'y a pas
beaucoup de trafic sur le site, (200 000 visites par trimestre), mais le taux
de transformation (personnes qui commandent par rapport au nombre de visites)
est excellent : autour de 10 à 13 %. Nous savons également que les internautes
y restent entre 8 et 9 minutes, ce qui est un temps considérable par rapport à
l'échelle d'Internet...
Votre site est-il un canal de recrutement ?
Oui, mais il s'agit d'un phénomène récent : pour l'instant, il y
a eu 1 000 adhérents recrutés par ce biais, ce qui n'est pas significatif. Ce
qui marche bien, ce sont les visites spontanées ouvertes aux non-adhérents :
une bannière leur propose de rejoindre le club. Ils peuvent alors bénéficier
d'une offre : un livre gratuit tout de suite et un chèque de 70 francs. Cette
offre donne de bons résultats. 30 % du recrutement se fait par les visiteurs
non membres, et une bonne partie se fait via des actions couplées avec le
marketing direct de France Loisirs (insertion d'URL dans nos mailings et nos
actions couponning).
Quel type d'interaction envisagez-vous avec les boutiques France Loisirs ?
Nous avons mis en place des bornes
d'accès à Internet dans les boutiques. Et, au cours de l'année prochaine, les
boutiques seront sur le Web, c'est-à-dire qu'une existence virtuelle sera
donnée à chacune d'entre elles. Chaque boutique aura sa page personnelle, où
pourront figurer un plan d'accès, un trombinoscope... On peut imaginer, par la
suite, la possibilité de commander sur le Net et de se faire livrer dans une
boutique...
Et avec le catalogue papier ?
France
Loisirs cherche à avoir une approche dynamique entre les supports papier et la
Toile. Par exemple, dans le catalogue papier réservé aux adhérents, une double
page présente le site franceloisirs.com. En restant dans la logique : si vous
souhaitez en savoir plus, allez sur Internet.
Quelle est l'organisation retenue pour la gestion de la relation client ?
Nous mettons en place un Web Call Center, de façon à ce que tout ce qui est
courrier, téléphone et e-mail soient traités au même endroit. Nous essayons,
par exemple, de répondre aux e-mails dans les deux heures. Notre call center
est basé dans le Nord chez Setralog, société qui regroupe les activités de
stockage, conditionnement et expédition du groupe France Loisirs. Il faut
savoir que sur Internet, nous ne proposons que les produits qui sont en stock -
contrairement à d'autres concurrents qui ont une promesse très large mais qui
ne disposent pas toujours de tous les produits - et nous effectuons une mise à
jour quotidienne en fonction, justement, de ce qui nous reste en stock.
Comment voyez-vous évoluer le site franceloisirs.com ?
Né en mars 1998, le site était initialement une transposition Internet du
catalogue papier. Sa version 2 est en cours depuis janvier 2000. Une nouvelle
version de la page d'accueil, dans un style beaucoup plus communautaire, sera
présentée en janvier 2001. Puis la version 3 du site sera lancée pour la fin
2001 - début 2002, avec comme objectif d'en faire un véritable "portail
culturel", avec la notion d'affiliation avec d'autres partenaires.
Biographie
Agé de 34 ans, Michel Koch, issu des classes préparatoires littéraires, mastère ESCP de management de l'édition, rejoint en 1992 Sony Electronic Publishing en tant que responsable éditorial et marketing. En 1994, il prend la direction du multimédia de la filiale musique du groupe Sony (Sony Music) pour gérer des projets de CD-Rom et la visibilité des artistes sur Internet. En 1998, il intègre les Editions Lamy (groupe Wolters Kluwer France) en tant que responsable de la coordination éditoriale et électronique. Depuis avril 1999, il est directeur Multimédia et Internet de France Loisirs, rattaché au directeur de la filiale interactive.
L'entreprise
Filiale commune à 50/50 d'Havas et du groupe Bertelsmann. Date de création : 1970. 2 174 salariés. Chiffre d'affaires : 2,455 milliards de francs en 1999, dont 2/3 en boutique et 1/3 en VPC. 4 millions d'adhérents (4,3 millions d'adhérents pour l'ensemble des activités Club). 25 millions de catalogues par an. 30 millions de livres vendus par an, 800 livres dont 300 nouveaux chaque trimestre. 197 boutiques France Loisirs en France. 8 % du marché français de l'édition.