Le CRM détermine une préférence durable en faveur de nos marques
Cela fait déjà dix ans que le groupe Danone pratique le CRM. Une expérience qui mixe print et Web. Après un parcours dans l'univers bancaire, Jean-Paul Baradel, directeur général Internet et CRM depuis deux ans, raconte comment le CRM s'avère indispensable à l'enrichissement du mix marketing.
Je m'abonneMarketing Direct Quel est l'historique du CRM au sein du groupe Danone ?
Jean-Paul Baradel Le CRM a été lancé chez Danone il y a dix ans, avec au départ le Bingo des Marques qui a permis de recruter un grand nombre de consommateurs. L'idée initiale était de pouvoir créer un vrai avantage compétitif pour nos marques ; cette opération existe encore et n'a pas cessé d'évoluer. Il s'agit toujours d'un collecteur de preuves d'achat sur papier. Puis, dans la foulée, nous avons lancé le magazine Danoé, projet largement sponsorisé par la présidence de l'époque, en l'occurrence Antoine Riboud. A l'époque, il s'agissait d'expliquer le changement de nom du Groupe (de BSN en Danone) et de mieux faire connaître les marques, les mettre en situation en créant une relation de proximité avec nos consommateurs. C'est un des premiers outils transversaux en marketing relationnel en France. Son rôle est de travailler pour toutes les business units à la fois (produits laitiers frais, biscuits, eau et baby-food avec Bledina). En termes de rentabilité, le programme de CRM ne se justifie d'ailleurs que parce qu'il concerne l'ensemble de nos métiers. C'est à partir de ces deux outils, le Bingo des Marques et Danoé, que s'est développé le CRM chez Danone. Le Bingo des Marques se déroulant sur le dernier quadrimestre de l'année, nous avons cherché à créer d'autres opérations pendant le reste de l'année, comme les Tatoubons ou le livret Taillefine. Les Tatoubons sont un système à triple détente : il s'agit d'un carnet de bons de réduction qui donne droit à une réduction au catalogue La Redoute et qui permet de participer à un tirage au sort.
MD Comment s'articule le dispositif ?
J-P B Nous envoyons trois bus-mailings par an. Avec Danoé est joint systématiquement un carnet privilèges avec bons de réduction et explications sur les produits. En plus du carnet, chaque envoi est accompagné soit du Bingo des Marques (en septembre) soit des Tatoubons (en mai-juin) soit du livret Taillefine (en mars-avril). En fait, les marques n'ont pas de CRM propre, nous sommes leur CRM. Aujourd'hui, cette activité repose sur deux grands piliers : le magazine Danoé qui est adressé nominativement à un peu plus de 4 millions de foyers trois fois par an et le site internet danoneconseils.com, créé en 2000, qui engrange 500 000 visiteurs par mois et 2,5 millions de visiteurs à l'année. De plus, tous les quinze jours, une newsletter est envoyée systématiquement à 200 000 abonnés. L'objectif est qu'Internet puisse relayer le support print. Car le site colle beaucoup plus à l'actualité des marques et permet une instantanéité. En outre, nous avons créé des sites spécifiques à certaines marques tels Taillefine & moi, dédié à la marque Taillefine. Il s'agit d'un site orienté dans le domaine de l'équilibre/minceur, qui se veut extrêmement pratique… Des marques comme Evian ont également leur propre site. Il est possible d'y accéder par le site danoneconseils ou directement. Toutes les marques n'ont pas les moyens ou la volonté d'avoir leur propre site et préfèrent être sur le site commun. Grâce à cela, les coûts sont mutualisés.
MD Quelle évolution a-t-il connu au fil du temps ?
J-P B Le dispositif est sensiblement le même dans son articulation et ses performances ont été largement développées. Le Bingo des Marques rassemble aujourd'hui un peu plus de 100 000 participants finalistes. Les supports ont évolué : on fait parler les produits et nous les mettons plus en situation. Dans Danoé, le magazine a été relooké à plusieurs reprises, nous sommes conseillés par Hachette sur la partie rédactionnelle. Quant au site internet, apparu il y a cinq ans, il est conçu par la web agency Nurun, la partie rédactionnelle étant également réalisée par Hachette. Mais cette organisation devrait être modifiée avec le lancement de notre nouveau programme prévu pour le début de l'année prochaine. Notre objectif est d'être orienté beaucoup plus vers le consommateur et d'être un peu moins axé “outils”. Nos deux piliers initiaux vont rester ; nous croyons beaucoup à la complémentarité entre les deux canaux print et Web.
MD A quelles agences conseils faites-vous appel ?
J-P B Nous travaillions depuis le début, donc depuis dix ans, avec Wunderman. A l'issue d'une compétition cette année, nous avons choisi en mars dernier une nouvelle agence, en l'occurrence Euro RSCG 4 D. Elle allie une capacité d'intégration et d'optimisation du marketing classique (de masse) et une dimension CRM. De plus, pour l'instant, il s'agit d'un programme franco-français mais Euro RSCG 4 D a la capacité de nous aider à le projeter à l'étranger quand nous déciderons d'y aller. Par ailleurs, l'agence de publicité - Euro RSCG BETC - est déjà très présente dans nos business units. Nous y disposons d'une équipe pluridisciplinaire dédiée à Danone, capable de répondre à toutes les problématiques et d'appréhender le sujet globalement. Euro RSCG 4 D va fédérer l'ensemble du programme dans ses aspects stratégiques, mise en œuvre des outils, et gérer la partie opérations promotionnelles. Cependant, Protéines va travailler sur le contenu rédactionnel en relation étroite avec 4 D. En fait, nous avons simplifié et unifié notre approche partenaires. L'objectif est d'optimiser notre dispositif. Pour nous, 2005 est une année de transition.
MD Comment avez-vous constitué votre base de données ?
J-P B Nous nous sommes constitués une base de données d'un peu plus de 9 millions de foyers français. En fait, nous activons la moitié de la base, soit 4,3 millions de foyers précisément en 2005. Nous la segmentons pour en exploiter le meilleur potentiel, les familles avec enfants. C'est cette cible qui nous intéresse le plus, mais pas exclusivement. Par exemple avec Danacol, nous avons une approche plus orientée senior. Nous l'avons constituée par nous-mêmes, par des opérations promotionnelles, par des inscriptions spontanées sur le Web et en louant des adresses aux grands pourvoyeurs du marché. En revanche, nous ne louons pas notre base à l'extérieur.
MD Où est-elle gérée ?
J-P B Elle est gérée en Grande-Bretagne, chez Acxiom ! Historiquement, cette société était parmi les seules capables de pouvoir appréhender une base d'une telle taille. La base est segmentée en fonction du potentiel et des caractéristiques attribués à chaque foyer. Danoé, pour l'instant, est envoyé à toute la base active, ce qui n'est pas le cas pour le Bingo des Marques qui est expédié à des cibles choisies.
MD Que représentent vos opérations en termes de volume ?
J-P B Au total, nous envoyons environ 14 millions de mailings par an, avec 112 millions de sous-catégories de mailings différentes intégrant nos différents supports joints à l'envoi du magazine. Sur le Web sont émis environ 120 000 coupons électroniques par an.
MD De quelle façon est évaluée la rentabilité du programme ?
J-P B Tout ce programme fait l'objet d'une évaluation très pointue. Nous faisons appel à TNS Secodip qui mesure la valeur ajoutée, dégagée par le programme en termes de chiffre d'affaires, en comparant, au sein d'un panel, les foyers exposés au programme et ceux qui ne le sont pas. Il s'agit d'un des moyens d'analyse quantitative. L'autre manière, plus qualitative, concerne, par exemple, les taux de lecture du magazine Danoé, le taux de mémorisation et le taux d'attribution des marques au groupe. Pour les bénéficiaires du programme, le taux d'attribution est, à cet égard, singulièrement plus important. Le CRM vient apporter quelque chose en plus : l'information, la préférence, l'attribution, la proximité. Dans le contexte actuel où la problématique prix est capitale, le fait de pouvoir justifier la valorisation d'une marque est extrêmement important. Par rapport à la montée du hard discount, un programme CRM permet de valoriser nos produits, en apportant des explications de manière détaillée sur leur processus de fabrication, les ingrédients et leur origine, ce qu'un message publicitaire ne peut faire. Nous devons pouvoir expliquer la différence de prix entre un premier prix et un produit Danone, en expliquant clairement qu'il ne s'agit pas du même produit. C'est le cas pour Actimail ou pour Bio et leur valeur santé. Le programme est rentable. C'est une condition sine qua none de son existence, sinon il aurait été arrêté.
MD Quels sont vos axes de développement ?
J-P B Le CRM du groupe Danone demain encore plus que celui d'hier doit avoir une contribution complémentaire et significative, particulièrement dans l'information délivrée en termes de santé, nutrition, bienfaits de nos produits dans une alimentation quotidienne. Notre nouveau programme n'aura de cesse de revenir là-dessus. En fait, notre objectif est de générer une croissance rentable pour l'ensemble des business units en France. Le CRM, en nous aidant à développer une nouvelle proximité avec nos consommateurs, détermine une préférence de choix durable en faveur de nos marques. Le programme repose sur ces trois piliers : information, valorisation et récompense.
Parcours. Jean-Paul Baradel
44 ans, droit et IEP Paris. Jean-Paul Baradel débute sa carrière en 1985 dans un établissement de crédit (Sovac), où il a la charge de missions d'audit puis la responsabilité de projet Carte (carte privative du Printemps), après devient directeur adjoint du marketing de Credipar (financement automobile du groupe PSA). Il exerce ensuite différentes responsabilités marketing à la Banque Hervet, opérationnelles dans le réseau de la Bred Banque Populaire à partir de 1991. Il devient par la suite responsable de la structure internet et banque à distance de la Bred jusqu'en 2000. Puis rejoint le CCF (groupe HSBC) comme directeur de la distribution en charge de la banque à distance, du CRM, de l'organisation au sein de la direction du réseau et de la direction de la qualité. Depuis décembre 2003, il est directeur général en charge de l'Internet et du CRM pour le groupe Danone.
l'EntrePRISE
Chiffre d'affaires 2004 : 13,7 MdE. Résultat net : 917 ME. Effectif total : 89 497 personnes, dont 13 % en France, 12,5 % en Europe de l'Est et Centrale, 18 % en Amérique (Nord et Sud), 0,5 % en Afrique et au Moyen-Orient et 46 % en Asie.