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La recette des antiquaires du Net

Des marchands se sont spécialisés sur les produits rares ou épuisés. Ces projets d'e-commerce, lancés souvent au départ par et pour des passionnés, ont pris de l'ampleur et deviennent aujourd'hui de petites places de marché entre professionnels. Une manière de structurer des marchés éclatés.

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Innovation ou originalité : entre ces deux piments du business, indispensables à la réussite d'un projet de vente en ligne, les antiquaires du Web ont choisi le second. Au lieu d'attaquer de front des marchés déjà bien investis par des acteurs de poids avant le Net, ils se sont spécialisés sur la niche des produits rares ou épuisés. L'argument n'est pas ici de vendre de l'occasion à bas prix, mais de rassembler une offre d'introuvables et de collectors, sans prix parfois aux yeux d'une clientèle de passionnés. Chapitre.com, fondé en 1997, a ainsi réussi à se faire une place sur le marché du livre en ligne, déjà fortement investi par des acteurs traditionnels, comme la Fnac, et de puissantes dotcoms, comme Amazon ou Alapage de France Télécom. Avec un chiffre d'affaires de plus de 5,3 millions d'euros en 2001, réalisé à 70 % par la vente de livres anciens, Chapitre est en passe d'atteindre l'équilibre cette année. Avec plus de 14 millions de références d'ouvrages anciens, la société a pris l'avantage face à des concurrents comme Galaxidion, 500 000 références, créé en 1998 et racheté par Alapage fin 2000. Sur le marché européen du disque, cybercd.fr, lancé en Allemagne en 1994 et en France en 2000, a appliqué la même politique, et propose aujourd'hui 1,2 million de références en ligne. « Notre avantage, c'est notre offre de disques, rares ou épuisés. Notre unique vocation est celle-là et nous sommes restés concentrés sur notre coeur de business », explique Rik Dams, gérant de l'agence Moonda, mandatée par la société allemande cybercd.fr pour gérer les déclinaisons française et espagnole du site.

Un modèle culturel


Livres et CD : c'est surtout dans le domaine culturel que le modèle des antiquaires du Net se développe car la valeur affective du produit est une clef primordiale du marché. « De plus, la notion de prix n'est plus fondamentale et le prix de référence n'existe plus », souligne Sébastien Fresneau, senior manager chez Valoris. Le faible coût logistique du modèle est un autre atout : car si le site de vente assure le plus souvent l'envoi des produits, les stocks restent chez les partenaires du site. Enfin, la structure de marché est un sésame de réussite pour les produits culturels. « Ces marchés étaient partagés entre de grandes entreprises, qui n'ont pas vocation à s'adresser à une niche de population, et de multiples petits acteurs. Il manquait un niveau d'intermédiation dans la chaîne », remarque Sébastien Fresneau. Chapitre.com vient ainsi de signer, début février, un accord de partenariat avec la Fnac, qui fait suite à celui conclu en 2001 avec Barnes&Nobles aux Etats-Unis. Désormais, le site de la Fnac comporte une rubrique livres épuisés qui renvoie directement à l'interface de Chapitre. L'e-libraire indépendant renforce par ce biais sa stratégie de B to B. « Les magasins Fnac, s'ils ne disposent pas de l'ouvrage demandé, renvoient leur clientèle sur notre site. Même si c'est le client final qui vient chez nous et passe commande, c'est pour nous une forme de B to B », explique Juan Pirlot de Corbion, P-dg de chapitre.com. L'une des voies de développement du libraire consiste en effet à renforcer les relations avec les professionnels. Car la clientèle n'est pas uniquement constituée de gros lecteurs, de passionnés et de bibliophiles. Les libraires aussi utilisent le service, pour leurs propres clients. « Le public professionnel représente environ 5 % de notre chiffre d'affaires, mais nous avons pour objectif de le faire passer à 10 % cette année. Chapitre devient une centrale d'achat pour les libraires », explique Juan Pirlot de Corbion. Progressivement, ces antiquaires du Net ont généré un effet de mise en relation au sein de marchés très éclatés. « Nous sommes devenus une plate-forme entre libraires », confirme Laurent Delgal, responsable livres anciens chez Alapage/Galaxidion. Sur le marché du disque, cybercd.fr a remarqué le même effet de dynamique entre professionnels. De bouquinistes ou disquaires indépendants, ces acteurs se transforment en petites places de marché. Une évolution qui a nécessité des années de travail relationnel afin de construire un réseau d'envergure. Cette base de données est un atout de choc pour les quelques acteurs qui, en restant concentrés sur leur coeur de business depuis des années, ont gagné leur leadership.

Laure Deschamps

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