La SNCF veut mener le train avec I-TGV
Pour préserver les parts du marché du TGV, la SNCF lance une nouvelle offre de transport-loisirs à des prix très agressifs et accessible exclusivement via Internet.
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Récemment encore, la SNCF clamait à la France son désir de lui faire
préférer le train. Aujourd'hui, elle semble avoir trouvé un argument efficace
pour l'en convaincre : le train comme voyage, comme le suggère la base-line du
nouveau projet “Le temps du transport, c'est déjà du voyage”. Une formule qui
résume bien le nouveau concept que la SNCF s'apprête à inaugurer le 6 décembre
prochain, via une filiale dédiée au voyage. D'ici là, un nom de code, I-TGV,
plus un site internet dont la vocation est de présenter les atouts de cette
offre. L'ensemble étant placé sous la direction générale de Maria Harti-Bouri,
ex-responsable du Centre national des opérations voyageurs de la SNCF. De quoi
s'agit-il au juste ? L'idée est de proposer chaque jour du TGV à prix low-cost,
jusqu'à - 40 % par rapport aux prix conventionnels, en alternative à l'offre de
TGV classique. Des rames dédiées seront alors accolées aux autres wagons du
Paris-Marseille-Toulon qui constitue, pour l'heure, la destination test. A
l'issue de cette période probatoire, c'est-à-dire d'ici trois ans, l'offre
devrait être élargie à d'autres destinations actuellement à l'étude. Plusieurs
objectifs : faire bouger le voyage en faisant bouger les voyageurs, offrir de
nouvelles occasions de séjour aux consommateurs qui boudent le train, en
particulier ceux qui lui préfèrent les vols discountés vers les destinations
phares du TGV. Le but final : récupérer 2 à 3 % des parts du marché du
transport grignotées par les compagnies aériennes.
Le train comme produit d'appel
La première spécificités de ce I-TGV
concerne la distribution de l'offre, qui est entièrement confiée à un seul
canal, le Web. Pas de guichet, ni d'assistance téléphonique. Tout, depuis la
réservation jusqu'à la transaction, se passe en ligne, y compris l'impression
des billets réalisée par le client. Ceci afin de dégager une économie de 20 %
sur les charges de distribution des billets, à répercuter sur le coût du
transport. Une stratégie clairement inspirée du modèle développé par les
discounters de l'aérien qui, par ce biais, se montrent souvent bien plus
compétitifs que le train sur certaines destinations. C'est le cas du
Paris-Marseille, trajet en plein développement où l'augmentation du trafic sur
le TGV ne suit pas la tendance du marché. D'où l'idée de la SNCF de soigner le
mal par le mal, et de lancer à son tour une offre discountée. Mais les
similitudes entre les low-cost aériens et l'I-TGV s'arrêtent là. « Seule la
politique de prix est calquée sur un modèle low-cost. Le produit que nous
proposons, lui, ne l'est pas », précise la directrice du projet. C'est la
deuxième particularité de l'offre I-TGV où le train à tout petits prix doit
servir de produit d'appel pour encourager la consommation d'une offre bien plus
vaste, constituée, pour l'essentiel, de commodités pour les voyageurs. Trois
fondamentaux à la base du concept I-TGV : le voyage de loisir d'une durée
supérieure à 3 heures de transport en TGV, un contenu livré au voyageur pendant
la durée de son trajet et la simplicité et l'accessibilité d'une offre que le
client construit lui-même à partir du site, suivant ses desiderata.
Ambiance à bord
Deux types d'ambiance : l'une,
“Bien-Etre”, vise une clientèle privilégiant les atmosphères “relax” ; l'autre,
“Conviviale”, est destinée à des voyageurs enclins au divertissement. Le choix
de l'ambiance est effectué par l'internaute lors de sa réservation en ligne.
Mais, à l'instar du billet, cette option reste modifiable à tout moment. De la
même manière, le voyageur choisira en ligne les options à la carte qui lui
seront ensuite délivrées pendant son trajet. Au menu, les services optionnels
du TGV classique (restauration, bar…) adaptés, cependant, aux attentes
supposées de la clientèle I-TGV. A quoi s'ajoute une kyrielle d'options, du kit
sommeil au lecteur de DVD, en passant par les jeux de société, la presse
thématique. Enfin, des animations ponctuelles sans cesse renouvelées pour,
toujours, surprendre le client. Tel est en effet le parti pris de Maria
Harti-Bouri : rien n'est figé, tout est mouvant, en perpétuelle évolution.
Toute nouvelle idée suggérée par les partenaires d'I-TGV sera d'ailleurs la
bienvenue, pourvu qu'elle soit innovante et en phase avec la clientèle visée.
Bref, plus l'offre se révèle, moins elle évoque la notion de low-cost, tant les
services dont il est question s'apparentent, de fait, à des prestations de
confort destinées à une clientèle plutôt aisée.
Des comportements d'achat particuliers
Certes, on peut trouver
contradictoire l'idée de vouloir commercialiser du confort à une clientèle
sensible à l'argument du plus bas prix. Il n'en serait rien, à la lueur des
révélations tirées d'une étude préalable à la définition du projet I-TGV. «
Nous ne visons pas un public à faible pouvoir d'achat, mais bien une
population aux comportements très particuliers, indique Maria Harti-Bouri.
N'oublions pas qu'il s'agit avant tout d'internautes réalisant des achats en
ligne, très attentifs aux prix parce que habitués à tout comparer sur Internet,
mais néanmoins CSP + du point de vue de leur pouvoir d'achat. » Le client type
d'I-TGV serait donc un individu sensible aux nouveautés, friand de commodités,
attaché à une certaine esthétique de l'offre autant qu'à l'ambiance. Un
hédoniste somme toute, plutôt branché, appréciant la découverte autant que les
loisirs.
Détournement de l'aérien
L'enjeu, pour la
SNCF, consiste donc à réussir le pari de détourner ces clients de l'aérien pour
les attirer en masse sur son I-TGV. Osé, le pari, si l'on considère qu'une
seule destination est pour l'heure proposée. Quant aux tarifs, fixés au plus
bas à 19 euros pour la seconde classe et à 39 euros pour la première, ils
restent conditionnés à une multitude de critères. L'anticipation à J-120 ou à
J-90 pourrait même constituer un frein… Pour se faire une idée de la
population potentielle susceptible d'adhérer au concept I-TGV, on est en droit
de s'interroger sur la proportion actuelle de voyageurs bénéficiant
régulièrement des avantages tarifaires du TGV (tarifs découverte à J-30, etc.).
La question reste posée, Maria Harti-Bouri préférant mettre en avant l'argument
de la souplesse de l'offre qui prévoit le changement des billets, y compris
pour accéder à des tarifs inférieurs au prix obtenu lors de la souscription en
ligne. Or, à la lueur du principe commercial adopté - la dégressivité modulée
par l'anticipation -, il y a fort à parier qu'une telle aubaine ne se
produise pas systématiquement. Scepticisme mis à part, il faudra attendre le
lancement d'I-TGV pour apprécier toutes les subtilités de la mécanique mise au
point. Pour l'heure, l'opacité de l'offre est telle qu'elle reste difficile à
apprécier. Un signe positif : tout voyagiste en ligne disposant du système de
réservation de trains Ravel est éligible au rôle de distributeur partenaire.
Les commissionnements seront indexés sur la pratique en vigueur sur le marché
et, si l'on en croit la directrice d'I-TGV, une majorité d'entre eux auraient
déjà postulé pour l'intégration d'I-TGV à leur catalogue.
Synergies
La nouvelle offre de la SNCF sera gérée par
une filiale 100 % qui n'est donc assujettie à aucune obligation tarifaire.
Aussi, les avantages de prix du train classique ne seront pas transférés sur
I-TGV. Les synergies avec la maison mère seront activées autant que possible.
Les éventuelles réclamations du client, par exemple, seront traitées par
e-mail par une partie des effectifs du centre d'appels SNCF sous-traité par
I-TGV auprès de sa maison mère. De la même manière, les coûts du sillon
exploité par I-TGV seront partagés entre les deux entités. Le développement et
la gestion du site, en revanche, ainsi que le moteur de réservation sont à la
charge de la filiale.
Points clés
15 paliers tarifaires évolutifs suivant le degré d'anticipation, le taux d'occupation et les services sélectionnnés par le client. Personnel de bord : hôtesses d'accueil et superviseurs. Commodités : évoluent en fonction des propositions des partenaires d'I-TGV et des suggestions faites par les clients sur le site. Destination : Paris-Marseille-Toulon, dès le 6/12/04. Paris- Avignon dès 2006.
Une offre évolutive
Pour assurer le renouvellement et l'originalité de son offre, I-TGV mise sur la multiplication des partenariats avec toutes sortes de prestataires. Mais il est également prévu d'associer les clients à la réussite du projet. Sur le site, un forum leur est dédié, qui doit permettre au voyagiste d'instaurer le dialogue avec ses clients. Leurs suggestions et idées les plus innovantes contribueront ainsi au lancement de nouveaux services.